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HERESIE. HÉRÉTIQUE


motifs graves, et sous certaines conditions qui rendent impossible la confusion des religions. Saint-Office, 12 avril 1704, Collect., n. 265. Il est interdit, en outre, aux prêtres catholiques de célébrer le saint sacrifice de la messe dans un temple des hérétiques, même s’il avait été autrefois consacré ou bénit. Codex juris canonici, can. 823, § 1.

2. Coopération matérielle aux cultes hérétiques. — Sur la notion, les conditions de licéité de la coopération matérielle, voir Coopération, t. iii, col. 1763-1767 sq. La coopération matérielle aux cultes hérétiques consiste surtout dans la part prise par les catholiques à la construction, à la réparation, à l’ornementation des temples et à l’entretien des ministres ; il s’agit du travail accompli ou de l’argent versé dans ce but. Une réponse de la S. Pénitencerie, donnée en 1822, voir Bucceroni, Enchiridion morale, n. 192, accorde que les catholiques puissent contribuer par leur argent à la construction d’un temple destiné aux hérétiques, dans l’unique but de se libérer de la promiscuité que leur impose la simultanéité des offices. Cette réponse laisse donc supposer que l’action de donner de l’argent pour l’édification d’un temple hérétique et, par voie de conséquence, celle de travailler à sa construction ne sont pas intrinsèquement mauvaises ; de plus, la S. Pénitencerie ne reconnaît, comme motif légitimant cette coopération, que la raison du dommage public provenant de la simultanéité de culte. Mais des auteurs sérieux, cf. Génicot, op. cit., t. i, n. 237, pensent qu’un motif grave de dommage privé peut aussi légitimer cette coopération matérielle. De plus, la coopération n’existe pas au même degré chez les simples ouvriers et chez les entrepreneurs et architectes ; il faut, pour légitimer l’intervention de ceux-ci, une raison plus grave ; et, ordinairement, en dehors du cas prévu par la S. Pénitencerie, les entrepreneurs et architectes catholiques des temples hérétiques pèchent gravement, tandis que les simples ouvriers sont excusés de toute faute, s’il n’y a pas de scandale donné en raison de leur travail et s’ils n’agissent pas avec un sentiment de mépris pour la religion catholique. Cf. circulaire du cardinal-vicaire et Saint-Office, 14 janvier 1818, 7 juillet 1864, ad 8° "’, 9 U’" et 10 u "’, Collect., n. 1733, 1257. Les mêmes principes solutionnent le problème de la coopération au culte hérétique pour l’ornementation des temples. C’est une coopération matérielle très éloignée que celle du marchand catholique vendant ce qu’il possède en magasin : le motif du gain suffit à la légitimer ; c’est une coopération moins éloignée que celle de l’artisan qui, à la demande des hérétiques, fabrique les objets et les meubles destinés à leur culte : il faut un motif plus grave pour la rendre licite.

La question la plus délicate est peut-être celle de la coopération que les détenteurs catholiques du pouvoir civil, à tous les degrés de la hiérarchie sociale, sont appelés à donner aux cultes hérétiques, en vertu même de leurs fonctions. La solution des difficultés pratiques, lesquelles varient selon les circonstances, nous paraît relever d’un problème d’ordre plus général, celui de la tolérance en matière religieuse. Là où la tolérance est licite, licite aussi sera cette espèce de coopération officielle des pouvoirs publics à l’entretien des cultes hérétiques ; il faudrait une raison plus grave pour légitimer la tolérance relative à l’extension de ces cultes, et, partant, pour autoriser une coopération des pouvoirs publics à cette extension. On ne peut guère invoquer que le motif de la paix ou de l’extension de la religion catholique elle-même, qu’on ne peut souvent, en fait, assurer dans les sociétés modernes qu’à la condition de ne pas paraître injuste à l’égard des autres cultes. La coopération des pouvoirs publics se traduit surtout dans la répartition des subventions provenant des fonds publics ; il est utile de rappeler que les catho liques peuvent, en conscience, payer un impôt obligatoire dont ils savent cependant qu’une partie est destinée à la subvention des cultes hérétiques ; citoyens et magistrats devront toutefois laisser entendre qu’ils ne veulent pas prendre parti pour l’hérésie. Cf. Saint-Office, 21 avril 1847, ad 4’" » , Collect., n. 1016. 3. Œuvres interconfessionnclles. — Ce sont les œuvres dans lesquelles catholiques et hérétiques se rencontrent poursuivant un but commun, mais non religieux. Nous examinerons brièvement trois points principaux :

a) les syndicats (et, par analogie, les œuvres sociales) ;

b) les hôpitaux (et par analogie, les œuvres de bienfaisance ) ; c) les écoles.

a) Syndicats. — « L’Église n’interdit pas absolument l’entrée (des syndicats non confessionnels) à ses fidèles, parce que, très souvent, surtout dans les pays protestants, le nombre des ouvriers catholiques est si minime qu’il leur serait impossible de former un syndicat catholique. Il pourrait alors y avoir dommage grave pour les intérêts de l’ouvrier catholique à rester dans l’isolement et à ne pas pouvoir bénéficier des avantages temporels résultant de l’association. L’Église ne peut vouloir compromettre les intérêts temporels de ses enfants. Partout donc où la création des syndicats catholiques n’est pas possible, l’Église permet à ses enfants l’entrée dans les syndicats non confessionnels, à moins cependant que ces syndicats, nonobstant leur étiquette de neutralité, ne professent des doctrines absolument mauvaises et tellement subversives de l’ordre public que la fréquentation de ces sociétés, malgré les avantages matériels qu’elles peuvent procurer à leurs adhérents, ne devienne une cause de grave dommage spirituel pour l’ouvrier, ou de grave dommage temporel pour des tiers et pour la société tout entière ; auquel cas, il ne serait pas permis à un ouvrier catholique d’entrer dans ces syndicats. C’est pourquoi l’Église veut absolument que, partout où la chose est possible, on crée des syndicats catholiques… Les motifs qui ont inspiré l’Église… sont évidents et bien connus. La question des rapports entre le travail et le capital relève de la morale. Les principes de la morale catholique sur ces matières sont en opposition formelle avec les principes du socialisme qui compénètrent de toutes parts ces sociétés soi-disant neutres. Dans les syndicats non confessionnels, le conflit entre les maximes catholiques et les théories socialistes est fatal. Or, l’expérience a démontré que dans ce conflit l’avantage demeure la plupart du temps au socialisme. Alors même que ce conflit des doctrines ne se produit pas à l’état aigu, il y a toujours d’ailleurs pour l’ouvrier catholique, à un certain degré, péril de perversion intellectuelle et morale et danger de verser dans l’erreur socialiste, souvent même sans s’en rendre compte. C’est pourquoi l’Église veut que les ouvriers catholiques se groupent ensemble pour défendre leurs intérêts professionnels sous la sauvegarde des règles de la doctrine catholique et la direction des pasteurs de l’Église chargés de les leur enseigner, non pas seulement d’une façon théorique, mais dans les applications de détail. « Dans la pratique, il appartient aux évêques de spécifier les cas où il est permis à des catholiques d’entrer dans les associations neutres, les cas où, au contraire, l’entrée dans les associations neutres leur est interdite. Les décisions épiscopales sur ce point dépendent de deux circonstances déjà signalées : 1° du nombre des catholiques dans la localité et, partant, dela création possible d’un syndicat catholique ; 2° si la création d’un syndicat catholique est impossible, le syndicat neutre présente-t-il des garanties suffisantes d’honnêteté morale permettant de croire qu’il n’y a. pour ses membres aucun danger grave de perversion intellectuelle et morale ? » P. Mothon, Les sociétés de