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HÉRÉSIE. HÉRÉTIQUE


Salmanticenses, De fide, disp. IX, dub. iv, n. 37 ; De Lugo, De virtute fidei divinse, disp. XX, n. 1. — I. Problème dogmatique : l’hérésie-doctrine. II. Problème moral : l’hérésie-péché. III. Problème canonique : l’hérésie délit.

I. Problème dogmatique, l’hérésie-doctrine. — 1° Étymologie.

Aipeoiç, étymologiquement action de

prendre, par exemple : prendre une ville, Hérodote, Hist, IV, 1 ; Thucydide, HisL, II, 28, est devenue par métaphore choix, préférence, Gen., xlix, 3 ; Lev., xxii, 18 ; I Mach., viii, 30, surtout dans l’ordre doctrinal, d’où la signification d’école philosophique, littéraire ou politique, Athénée, Quæst., 38, de parab. ; Diogène Laërce, De vitiis, dogmatibus, etc., I, 19, et de secte religieuse, Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 9 ; De bell. jud., II, viii, 1, 2, sans idée de désapprobation ou de blâme. Par rapport à la vraie religion, at’psat ; comporte nécessairement un sens péjoratif ; sont appelées hérésies, dans le Nouveau Testament, la secte des pharisiens, Act., xv, 5 ; xxvi, 5, et celle des sadducéens, v, 17. L’Église naissante est appelée hérésie par les juifs, xxiv, 14, mais l’apôtre saint Paul rejette cette qualification, comme peu en rapport avec la nature même de l’Église catholique, ouverte à tous. L’apôtre distingue l’hérésie, différence de vue radicale, du schisme, simple dissentiment passager. I Cor., xi, 19 ; cf. Joa., vii, 43 ; x, 49. C’est, du moins, au sujet de I Cor., xi, 19, l’interprétation communément admise par les Pères latins et les exégètes contre quelques Pères grecs, notamment S. Jean Chrysostome, In I Cor., homil. xxvii, P. G., t. lxi, col. 225 ; Théodoret, Comm. in I Cor., P. G., t. lxxxii, col. 316 ; Théophylacte, In I Cor., P. G., t. cxxiv, col. 701, et contre quelques commentateurs modernes, Cajetan, Littcralis expositio, Rome, 1529 ; Benoît Giustiniani, Explanationes, Lyon, 1612, et contre quelques auteurs récents, A. Maier, Commentar ùber den ersten Corinlherbrief, Fribourg, 1857 ; V. Loch et W. Reischl, Die heilige Schrijlen des N. T., Ratisbonne, 1857, etc. Cf. Cornely, Comm. in S. Pauli priorem Episl. ad Cor., Paris, 1890, p. 330. Dans l’Épître aux Galates, v, 20, saint Paul marque une différence analogue en gradation ascendante, èpiôsïat, rixæ, S’.youTaaiot’., dissentiones, aîpéaaç, sectæ. Dans la II Pet., ii, 1, le sens péjoratif est plus fortement encore indiqué ; il y est question « des faux docteurs qui introduisent des hérésies déperdition, aipéffecç àcroXsta ;, et qui renieront le Maître, xàv 8so7tÔTïiv àpvoijfvevoi, qui les a rachetés, attirant sur eux une prompte perdition. » Dans cette phrase, saint Pierre décrit déjàl’hérésie avec les caractères qu’on lui attribue aujourd’hui : 1° ce sont des hérésies de perdition, par lesquelles la voie de la vérité sera blasphémée et beaucoup d’hommes seront pervertis, 2 ; 2° elles consistent dans une perversion de doctrine, puisqu’elles seront le fait de faux docteurs, ieuSoS’.Sotay.aXot ; 3° la perversion de la doctrine n’est autre que la négation de la divinité du Sauveur, sous une forme ou sous une autre. Cf. Jud., i, 4. Le fauteur de ces erreurs est un aîpettxb’ç, un hérétique, Tit., iii, 10, et « il doit être évité après un ou deux avis » , parce qu’« un tel homme est perverti et qu’en péchant son propre jugement le condamne » . L’hérétique de saint Paul correspond plutôt à ce que nous appellerions un hérésiarque. Voir ce mot. Bien que le mot d’hérésie ne soit pas prononcé, ce sont les caractères de l’hérésie que décrit saint Paul dans son discours de Milet. Act., xx, 29, 30. Cf. S. Jérôme, In Epist. ad Titum, iii, 10, P. L., t. xxvi, col. 598.

Arpent ; se lit neuf fois dans le Nouveau Testament ; ce mot est traduit dans la Vulgate quatre fois par hæresis, Act., v, 17 ; xv, 5 ; xxiv, 14 ; I Cor., xi, 19 ; les cinq autres fois, Act., xxiv, 5 ; xxvi, 22 ; Gal., v, 20 ; II Pet., ii, 1, par sectse. Aïpetixo ; ne se lit qu’une fois, Tit., iii, 10. Cf. Dictionnaire de la Bible de M. Vigou DICT. DE THÉOL. CATH.

roux, art. Hérésie, Hérétique, t. iii, col. 607-609 ; Lexicon-biblicon (Cursus Scripturæ sacrée), Paris, s d., au mot Hæresis ; Zorell, Novi Tertam nti l’xico’i g-œcum, au mot Aipsaiç, p. 16.

A l’âge apostolique, le mot hæresis a déjà le sens que lui conservera l’usage ecclésiastique universel.’Saint Ignace félicite les Éphésiens de ce que chez eux il n’y ait point de place pour l’hérésie, c’est-à-dire pour la fausse doctrine, Jésus-Christ les enseignant en vérité, Ad Eph., vi, 2 ; il recommande aux Tralliens de fuir le docétisme, « cette plante étrangère qui est une hérésie, » Ad Trall., vi, 1. Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. i, p. 218, 246. Ce sens se conservera désormais sans altération. Pour saint Irénée, les hérétiques falsifient la parole de Dieu, Cont. hær., 1. I, c. i, n. 1 ; I. III, c. xi, n. 9, et préfèrent leurs vues personnelles à la doctrine de l’Évangile, c. xii, n. 11-12 ; pour rester dans la vérité, il faut retenir l’enseignement des apôtres et de leurs disciples et la prédication de l’Église, n. 13. P. G., t. vii, col. 438, 890, 905, 906. Tertullien est plus précis encore : Hæreses taxai (apostolus) quorum opéra sunt adulleræ doclrinæ, hæreses diclæ græca voce ex interprelatione electionis qua quis, sive ad insliluendas, sive ad suscipiendas eas utitur. De præscript., c. vi. La règle qu’il faut suivre est donc celle que l’Église a reçue des apôtres pour nous la livrer, que les apôtres ont reçue du Christ, que le Christ a reçue de Dieu ; et c’est précisément parce que les hérétiques se sont placés en dehors de cette règle de la foi qu’ils ne peuvent être admis à discuter sur l’interprétation des Écritures, c. xxxvii. P. L., t. ii, col. 18, 50-51. Moins didactique, saint Cyprien ne manque pas cependant de faire remarquer, spécialement dans le De unilate Ecclesiæ, que, pour tenir la vraie foi, il faut reconnaître l’autorité de l’Église et faire partie de son unité : hanc Ecclesiæ unitalem qui non tenet, tenere se fidem crédit ? P. L., t. iv, col. 500. Les Pères de l’Église, polémiquant contre les fauteurs d’hérésies, s’occupent plus de combattre les hérétiques eux-mêmes et leurs perverses doctrines que de donner une étymologie du mot hérésie ; voir Klée, Manuel de l’histoire des dogmes chrétiens, trad. franc., Liège, 1850, c. vu ; toutefois, au milieu de leurs attaques, souvent très vives, on constate que, pour eux aussi, l’hérésie est une corruption de la vraie doctrine, corruption provenant de ce que l’hérétique substitue son jugement propre au jugement de l’Église. Cf. saint Amoroise, appelant les hérétiques verilalis inimici, impugnatores fldei, In ps. cxviii, serm. xiii, P. L., t. xv, col. 1381 ; saint Épiphane, parlant des hérésies comme de dogmes pervertis, Hær., 1. I, n. 1-2, P. G., t. xli, col. 173-176. Saint Jérôme, In Epist. ad Gal., P. L., t. xxvi, col. 417, donne l’étymologie d’hæresis : At’pêuc ; … ab electione dicitur, quod sciliect eam sibi unusquisque eligat disciplinant, quam putat esse meliorem. Il répète en substance cette explication dans son commentaire In Epist. ad Titum, co. 598, et distingue, avec saint Paul, l’hérésie du schisme : Intcr hæresim et schisma hoc esse arbitrantur, quod hæresis perversum dogma habcal ; schisma propler episcopalem dissenlionem ab Ecclesia separetur. Cf. S. Augustin, De baptismo contra donatislas, 1. V, c. xvi, P. L., t. xliii, col. 186-187. On retrouve les mêmes idées dans saint Isidore, qui décrit ainsi les hérétiques, Elym.. 1. VIII, c. iii, P. L., t. lxxxii, col. 296 : perversum dogma cogitantes, arbitrio suo de Ecclesia recesserunt. Cf. Raban Maur, De clericorum instit., 1. II, c. lviii, P. L., t. cvii, col. 371.

Parmi les auteurs plus récents, presque tous canonistes et inquisiteurs, ayant exposé l’étymologie du mot hérésie, citons A. de Castro, Adversus omnes hæreses, Paris, 1534, 1. I, c. i ; De justa hæreticorum punitione, Lyon, 1566, 1. I, c. i ; M. Cano, De locis

VI.

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