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HENRI DE BAUME — HENRI DE GAND


seu de triplici via ad sapientiam, avait trouvé place dans les anciennes éditions des œuvres de saint Bonaventure. Les critiques le regardaient comme apocryphe et les derniers éditeurs du docteur séraphique leur donnent raison. Il n’est pas davantage du P. Henri, car, nous disent-ils, sur plus de cinquante manuscrits qui sont connus, le plus grand nombre l’attribuent à Hugues de Balma, en ajoutant à son nom le qualificatif de chartreux. Voir ce nom. C’était la conclusion à laquelle était arrivé Mgr Douais, dans son étude sur l’auteur du Stimulus amoris.

Ce second opuscule avait également figuré dans plusieurs éditions de saint Bonaventure ; maintes fois il avait été édité sous son nom, quelquefois sous celui d’Henri de Baume. Les nouveaux éditeurs l’ont également rejeté ; toutefois ils l’ont publié à part, en lui rendant sa forme originale et en le restituant à son véritable auteur, frère Jacques de Milan, qui vivait à la fin du xiiie siècle. Ce Stimulus original est, à première vue, bien différent de celui qui était connu. C’est que ce dernier n’est qu’un remaniement de l’opuscule de Jacques de Milan, dont on a bouleversé l’ordre des chapitres, et auquel on a fait des additions empruntées pour la plupart à saint Bonaventure. Quel est l’auteur de ce recueil ? La question est sans grand intérêt, puisque nous ne sommes pas en présence d’un ouvrage nouveau. On trouve encore dans ce Stimulus remanié un autre petit opuscule, également attribué à Henri, sous le titre de Meditationcs uni et post missam, ou bien Qualiter sacerdos débet esse ordinatus in missa. Ce n’est qu’une adaptation d’un opuscule authentique de saint Bonaventure et non un travail personnel.

Inutile de parler du Liber de consolalione interna, qu’on a également attribué à Henri : la question est depuis longtemps définitivement jugée. Que nous reste-t-il donc de lui, puisque le livre De revelationibus et gratiis B. Colettæ a Deo acceplis, qu’il avait composé, dit-on, fut brûlé par ordre de la sainte ? Tout ce qui reste, ce sont quelques lettres autographes conservées aux monastères des clarisses de Gand et de Besançon. Le sceau original du P. Henri existe au musée franciscain du couvent généralice des capucins à Rome.

Fodéré, Narration historique des contiens de l’ordre de Saint-François en la province de Bourgogne. Description des i, ministères de Sainte-Claire, Lyon, 1619 ; Silvère d’Abbcville, Histoire chronologique de la B. Colette, Paris, 1628 ; Obald d’Alençon, Documents sur la réforme de sainte Colette en France, dans Archivum franciscanum historicum, Quaracchi, 1909, t. n ; Les deuxVies de sainte Colette par Pierre de Vaux et sœur Perrine de Baume, Paris, 1911 ; Oudin, De scripioribus ecclesiasticis, Leipzig, 1722, t. iii, p. 392 sq. ; Bonelli, Proromus ad opéra omnia sancti Bonaventunr, Bassano, 1767 ; Sbaralea, Supplementum et castigatio^ ad scriptores ordinis minorum, Rome, 1806 ; Douais, De l’auteur du Stimulus amoris, Paris, 1885 ; S. Bonaventure, Opéra omnia, Quaracclii, 1898, t. viii, p. xi ; Stimulus amoris Fr. Iacobi Mediolanensis, Quaracchi, 1905 ; Hurter, Nomenclator litcrarius, 3e édit., Inspruck, 1906, l. ii, col. 870.

P. Edouard d’Alençon.

    1. HENRI DE GAND##


4. HENRI DE GAND, surnommé le Doetorsolemnis, occupe une place de première importance parmi les penseurs belges du moyen âge. A côté de saint Thomas, qui le précède de quelques années à l’université de Paris, et de Duns Scot, qui le suivra de près et attestera son mérite en combattant ses opinions plus souvent encore que celles du docteur d’Aquin, il est un des représentants les plus originaux de la scolastique. Mais autant ses doctrines, de tout temps prisées, étudiées et commentées, retinrent l’attention sur ses œuvres, autant les détails de son existence furent vite négligés et livrés à l’oubli, au point que, comme il arrive en

pareil cas, la légende prit bientôt la place que l’histoire laissait inoccupée. Aujourd’hui nous ne possédons, de sa biographie, qu’un très petit nombre d’éléments certains.

Henri naquit à Gand, au commencement du xme siècle. Les plus anciens manuscrits l’appellent Henricus de Gandavo. Un de ses contemporains, le chroniqueur Gilles li Muisis, le nomme Magister Henricus ad plagam de Gandavo. Des documents postérieurs le désignent encore Henri Goethah ou, en latinisant ce dernier nom, Henricus Bonicollius. En 1567, pour le curé Meyerus, il est Henricus Mudanus, Henricus a Muda. L’année de sa naissance est inconnue. En 1267, il était à Tournai, où il semble qu’il ait habité une maison appartenant au chapitre, rue de la Lormerie. D’après un écrivain de cette époque. Jean de Thiebrode, il fut distingué et élevé aux dignités ecclésiastiques par l’évêque Philippe Mouskes (1274-1282). Il était déjà archidiacre de Bruges quand, en 1276, il prononça sa première Disputalio de quodlibet. Dans les milieux théologiques de Paris, il jouissait d’une grande considération, car on le voit mêlé à toutes les questions importantes qui s’y agitaient alors. Lui-même atteste qu’il assista, dans cette ville, à une réunion de théologiens, où il eut l’occasion de s’associer à une condamnation de doctrines erronées, prononcée au nom de l’évêque. En 1282, nous le rencontrons de nouveau délibérant avec les théologiens de la Sorbonne sur les privilèges octroyés aux ordres mendiants par rapport à la confession ; et dans ce débat, qui passionnait les esprits, il n’hésite pas à se ranger résolument du côté des ordinaires et à entrer en lice avec saint Bonaventure. La renommée d’Henri était arrivée jusqu’à la cour de Rome. Dans un procès pendant entre le chancelier de Paris et l’université, le pape Martin IV, en tranchant lui-même quelques points du litige, remet la décision de plusieurs autres aux évoques d’Amiens et de Périgueux, assistés d’Henri : Discretus vir magister Henricus de Gandavo, archidiaconus Tomaccnsis. Dans ces qualificatifs, deux traits sont à relever : Henri est migister, c’est-à-dire docteur en théologie, et, depuis 1277, il prend ce titre en tête de ses écrits ; de plus, vers le même temps, entre Pâques de 1278 et Pâques de 1279, il fut promu de l’archidiaconat de Bruges à celui de Tournai, qui ressortissait d’ailleurs au même ordinaire. A partir de 128 I. il dut faire plusieurs fois le voyage de Tournai à Paris et vice versa, car nous le retrouvons tour à tour dans l’une et dans l’autre de ces deux villes. Jean de Thiebrode assigne l’an 1293 comme date de sa mort, mais sans en indiquer le lieu. Nous savons d’ailleurs, par un document non suspect, qu’elle arriva le 29 juin. Son quinzième et dernier Quodlibetum est de la fête de Noël 1291 ou de la fête de Pâques 1292.

Telles sont, d’après les travaux les plus récents, ceux surtout du P. Ehrle et du P. Delehaye, les seules données sûres concernant la vie d’Henri de Gand. Tout ce que la foule des biographes, gent moutonnière, y ajoute depuis des siècles est purement fantaisiste ou controversé. Fantaisiste et sans aucun fondement sérieux, la fixation de sa naissance à l’année 1217 ; fantaisiste également, son stade d’études à Cologne, où il se serait rencontré avec saint Thomas aux leçons d’Albert le Grand. A-t-il enseigné en Sorbonne, comme on l’a souvent affirmé ? Ce point reste douteux. En revanche, il est faux qu’il ait appartenu à l’ordre des servîtes, ainsi qu’on l’admettait naguère presque universellement ; à plus forte raison faut-il tenir pour légendaire son voyage en Italie avec saint Philippe Beniz/i. ml repris, disait-on, pour défendre auprès de Martin IV (1281-1285), puis d’Honorius IV (12851, l’ordre naissant, déjà menacé de suppression. Dans un endroit des Quodlibela, Henri dit clairement