Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/479

Cette page n’a pas encore été corrigée
2189
2190
HENRI VIII — HENRI DE RAUME


plus importantes, dont les supérieurs siégeaient au Parlement et pouvaient se défendre, tandis que les autres ignoraient le plus souvent les accusations portées contre eux. Une loi fut votée qui dissolvait environ trois cent quatre-vingts monastères, tout en laissant au roi la faculté de les rétablir. Il en rétablit une centaine, en ayant soin de se faire payer cette faveur par d’abondants subsides. Les supérieurs des maisons supprimées reçurent une pension ; quant aux moines, ceux qui n’avaient pas vingt-quatre ans furent déliés de leurs vœux ; les autres furent dispersés dans divers monastères s’ils voulaient rester en religion, sinon, on leur promit des emplois suivant leur capacité. Les religieuses reçurent pour toute indemnité une robe, et on leur dit de se tirer d’affaire comme elles pourraient.

Le résultat de cette suppression fut un formidable soulèvement dans les comtés du nord, où les gens étaient demeurés attachés aux anciennes doctrines, et où ils étaient soutenus par leur clergé, que l’éloignement de la cour rendait plus indépendant. Henri réussit à pacifier l’insurrection en faisant des promesses qu’il ne tint pas, et lorsque les révoltés prirent de nouveau les armes pour exiger l’exécution des promesses, le roi avait eu le temps de réunir des troupes de manière à intercepter leurs communications, et il les défit facilement. Il n’en devint que plus excité à détruire les monastères ; les grandes abbayes eurent maintenant leur tour, et il faut avouer que les abbés, dont vingt-huit siégeaient au Parlement, n’osèrent même pas élever la voix pour chercher à détourner le coup qui les menaçait, Ils livrèrent leurs monastères sans trop de difficulté, et leur lâcheté ne fait que rendre plus dignes d’admiration bs trois abbés de Glastonbury, Reading et Colchester, qui furent martyrisés (1539) et sont maintenant honorés comme bienheureux.

Le 7 janvier 1530, Catherine d’Aragon était morte. Henri s’en réjouit fort, car cette mort faisait disparaître un danger de guerre avec l’empereur, et Anne Boleyn fut heureuse d’être débarrassée d’une rivale, mais elle ne jouit pas longtemps de son bonheur. Le roi commençait à se lasser d’elle, et il avait jeté les yeux sur une de ses demoiselles d’honneur, Jane Seymour. Des imprudences d’Anne donnèrent occasion de l’accuser d’adultère, et, sur l’ordre d’Henri, Cranmer, qui avait en 1533 déclaré leur mariage valide, le déclara nul trois ans après. Anne lut décapitée le 19 mai 1536, et, le 30 du même rt ois, le roi épousait Jane Seymour, qui mourut le 24 octobre de l’année suivante, quelques jours après avoir mis au monde un fils, le futur Edouard VI.

Pendant ce temps, Henri n’oubliait pas qu’il était le chef suprême de l’Église ; nous avons dit, t. i, col. 1283, quelle fut son activité théologique à cette époque. Jusque-là il s’était opposé à la diffusion de la Bible en langue vulgaire, et il en donnait d’excellentes raisons, lorsqu’en 1530 il commanda qu’on remît aux autorités toutes les traductions anglaises des saintes Écritures. « A cause de la malignité des temps, disait-il, il vaut mieux laisser aux docteurs le soin d’expliquer la Bible, que d’en permettre la lecture à tout venant. » Cette sévérité avait été excitée par une traduction du Nouveau Testament faite sous la direction de Luther par l’ex-franciscain Tyndal, et publiée en 1526. Mais dans cette même proclamation le roi donnait à espérer qu’une traduction officielle par des savants catholiques pourrait être publiée quand les opinions erronées auraient cessé d’avoir cours. Cranmer ne laissa pas tomber cette promesse ; il la rappela souvent à Henri, et enfin, aidé par le vœu de l’assemblée du clergé et par la recommandation de Cromwell, il obtint l’autorisation de faire imprimer une version anglaise de la Bible. Cette édition parut en 1537 sous le nom de Thomas

Matthew, qui n’était qu’un pseudonyme. En réalité, elle contenait le Nouveau Testament de Tyndal avec quelques parties de l’Ancien Testament du même traducteur ; le reste était l’œuvre d’un ex-augustin du nom de Coverdale. Cromwell ordonna qu un exemplaire de cette Bible fût mis dans toutes les églises, afin que chacun pût y avoir libre accès.

Les protestants d’Allemagne avaient été choqués par les six articles de doctrine promulgués en 1536 Voir t. î, col. 1284. Pour les adoucir, Henri, sur le conseil de Cromwell, décida en 1539 d’épouser Anne, sœur du duc William de Clèves, ce qui, en le rapprochant des princes protestants, le mettait à l’abri d’une alliance possible contre luientre l’empereur et le roi de France. Mais il vit bientôt qu’une telle alliance n’était pas à craindre, et qu’une tendance vers le protestantisme ne servirait guère ses intérêts en Europe. Il y eut donc une réaction, dont le résultat fut la rupture du mariage du roi avec Anne de Clèves, et la disgrâce de Cromwell, qui était le principal soutien de l’hérésie en Angleterre. Il fut enfermé à la Tour, et décapité le 28 juillet 1540. Le 30 du même mois, Henri accentuait le caractère qu’il voulait donner à son Église en faisant exécuter six victimes, dont trois favorisaient le luthéranisme, tandis que les trois autres refusaient de reconnaître la suprématie royale : il voulait rester catholique sans le pape. Il continua jusqu’à la fin de faire mourir d’un côté des papistes comme la vénérable Marguerite Pôle, comtesse de Salisbury, et de l’autre des hérétiques comme Anne Askew. Pendant ce temps ses affaires domestiques lui créaient des soucis. Catherine Howard avait succédé à Anne de Clèves, mais le roi apprit bientôt qu’elle avait mené jadis et menait encore après son mariage une vie dissolue ; il eut bientôt fait de la faire décapiter, le 12 février 1512. L’année suivante, il épousait sa sixième femme, Catherine Parr, qui lui survécut, non sans avoir couru quelques dangers à cause de ses tendances protestantes. Le concile de Trente était assemblé lorsqu’Henri VIII mourut, le 28 janvier 1517.

Voir les ouvrages cités aux articles Anglicanisme, t. i, col. 1301 ; Cranmer, t. iii, col. 2031 ; et surtout Gar DINER, t. VI, COl. 1156.

A. Gatard.

    1. HENRI DE BAUME##


3. HENRI DE BAUME, frère mineur, est surtout connu par ses relations avec sainte Colette, dont il fut le directeur pendant trente-cinq ans. Fodéré, qui était assez bien placé pour être renseigné, le dit « natif de la Franche-Comté, de noble et illustre famille. » Il mentionne « noble Alard de Baume, frère du vénérable P. Henry. » Alard est appelé aussi de La Roche. Une de ses filles entra chez les colettines et, devenue sœur Perrine de Baume, elle fut la compagne de la sainte, dont elle a écrit l’histoire. On ignore la date de la naissance du P. Henri et celle de son entrée en religion. On sait seulement qu’en 1406, il prêchait à Bray-sur-Sommc, à quatre lieues de Corbie, quand sainte Colette, encore recluse, lui demanda de venir la trouver. Ensemble ils allèrent à Nice, où était le pape Benoit XIIJ, qui reçut Colette dans l’ordre de sainte Claire, encouragea ses projets de réforme et la recommanda au P. Henri. Depuis lors, la vie de celui-ci se confond avec celle de la réformatrice : il l’accompagne dans ses voyages, la suit dans ses fondations et meurt pieusement en sa présence, dans la chapelle du monastère de Sainte-Claire à Besançon, le 23 février 1439, laissant après lui la réputation d’un directeur expérimenté et d’un saint religieux.

La vie du P. Henri est donc assez peu connue ; la question des écrits qu’on lui a attribués, longtemps obscure, semble aujourd’hui définitivement tranchée. Le premier, qui a pour titre : De mystica theologia