Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/478

Cette page n’a pas encore été corrigée
2187
21
HENRI VIII
S*

sans qu’elles leur eussent été déclarées en langue vulgaire. Les ordinaires répondirent en rappelant leurs privilèges, fondés sur l’Écriture et les canons, et en appelèrent même au livre du roi contre Luther, où il soutenait les mêmes principes. Ils consentaient cependant à lui soumettre les canons qu’ils pourraient faire, pourvu qu’il ne s’agît pas de matières de foi. Mais Henri entendait bien être chef suprême, même en matière de foi, et il fit tenir au clergé trois articles qui, après quelques tergiversations, lurent acceptés. Le 16 mai, l’archevêque Warham, la mort dans l’âme, remit au roi le document connu sous le nom de Soumission du clergé. Les évêques y promettaient : 1° de ne porter ni canons, ni lois, ni ordonnances sans l’assentiment du roi : 2° de soumettre à une commission royale les canons déjà existants, et de supprimer ceux qui seraient reconnus contraires aux lois de Dieu ou du royaume ; 3° de soumettre à l’assentiment du roi ceux des anciens canons maintenus par la commission. Le même jour, Thomas Moore donna sa démission de chancelier.

Ce n’était pas encore la rupture définitive ; Henri comptait bien y arriver, mais il n’était pas prêt. Pour le moment il se contenta de réduire les annates à 5 0/0 du revenu des évêchés, et de favoriser en sous-main l’introduction et la publication dans le royaume de certains livres entachés d’hérésie, tout en condamnant à mort les hérétiques. Cependant l’appel à Rome de la reine laissait suspendue sur sa tête l’obligation de comparaître en personne devant le tribunal du pape ; il chercha par tous les moyens à y échapper. Il fit plaider que la citation était contre les privilèges du royaume, et obtint que les universités de Paris et d’Orléans la déclarassent invalide. François I er promit d’épouser sa cause ; il ne s’imaginait pas que son allié pût aller aussi loin qu’il irait.

Warham étant mort le 22 août 1532, Henri donna l’archevêché de Cairtorl éry à Cranmer, sûr de trouver en lui un instrument docile. Voir t. iii, col. 2026. Les bulles furent obtenues de Rome le 22 février 1533 ; le 25, le nouvel archevêque déclarait invalide le mariase du roi avec Catherine, puis le 28, il proclama la validité de celui que le roi avait contracté secrètement avec Anne Boleyn le 25 janvier précédent. La prétendue reine fut couronnée le 1° juin, jour de la Pentecôte. Le Il juillet, le pape excommuniait Henri. Celui-ci ne rompit pas encore ouvertement avec le saint-siège, car il consentit à ce que le roi de France négociât avec Clément, qui vint le voir à Marseille en octobre, et envoya même deux ambassadeurs, Bonner et Pierre Vannes. Mais Bonner en appela au concile général, ce qui offensa Clément Vil et François I er ; cependant l’un et l’autre se radoucirent, et du Bellay, évêque de Paris, fut envoyé à Rome dans l’espoir d’arranger les choses. Malgré son optimisme, le consistoire du 2 mars 1534 décida que le mariage d’Henri et de Catherine était valide. Le pape se rallia à l’avis des cardinaux, et prononça dans ce sens une sentence définitive.

Mais il était trop tard pour arrêter le roi d’Angleterre. Déjà, vers la fin de l’année précédente, le conseil royal avait décidé que le pape n’avait pas plus d’autorité en Angleterre qu’aucun autre évêque étranger, et dorénavant il fut désigné sous le nom d’évêque de Ri me. La sentence du 2 mars ne fit que précipiter les événements. On imposa à tous le serment de maintenir l’acte de succession. More et Fisher refusèrent de jurer, à cause du préambule qui déclarait invalide le premier mariage du roi ; ils furent enfermés à la Tour, d’où ils ne sortirent que pour aller au supplice.

Cranmer n’eut pas de peine à faire admettre la suprématie royale par le clergé séculier et régulier ; il

trouva cependant de la résistance chez les religieux mendiants, les chartreux et les brigittins.

III. Le chef suprême de l’Église d’Angleterre. — Voici donc Henri chef suprême de l’Église d’Angleterre ; ce fut le titre qu’il prit, titre qui scandalisa même Luther. Il fit Cromwell son vicaire général, et Cranmer, aussi bien que les autres évoques, durent s’incliner devant ses ordres.

Alors commença la persécution sanglante. Les premiers martyrs furent trois prieurs chartreux et un religieux brigittin (4 mai 1435), exécutés pour leur fidélité au pape, tandis qu’un mois plus tard quatorze anabaptistes hollandais étaient brûlés dans diverses villes du royaume pour le crime d’hérésie. Bientôt Fisher, voir t. v, col. 2558, et More furent décapités, ce qui remplit d’horreur l’Europe entière. Paul III, qui avait créé Fisher cardinal et n’avait réussi par là qu’à rendre le roi plus furieux, prépara une bulle d’excommunication dans laquelle il déposait Henri et déliait ses sujets du serment de fidélité. Mais comme il ne pouvait trouver d’assistance parmi les souverains d’Europe pour en assurer l’exécution, il en retarda la publication, qui eut lieu seulement trois ans plus tard, et la bulle n’entra jamais en Angleterre.

Cependant Henri craignait un mouvemeat contre lui de la part de l’empereur, et il fit faire des démarches auprès des protestants d’Allemagne. Ceux-ci consentirent à l’aider pourvu qu’il acceptât la Confession d’Augsbourg ; mais le roi n’était pas décidé à abandonner la doctrine catholique pour celle de Luther, et Gardiner lui fit remarquer que ce n’était pas la peine de rejeter l’autorité du pape pour se soumettre à celle des hérétiques allemands. La tentative de rapprochement n’eut pas de suite, et Henri consacra son activité à exercer sa suprématie en Angleterre. Ce fut une véritable tyrannie. Personne ne songeait à lui résister. La noblesse avait perdu son indépendance, le peuple n’avait pas de chef, les évêques tremblaient devant lui, aussi bien les partisans des nouvelles doctrines que ceux qui avaient accepté la séparation d’avec Rome à leur corps défendant. Cromwell, comme nous l’avons vii, était déjà vicaire général, et comme tel siégeait avant l’archevêque de Cantorbéry ; mais cela ne lui suffit pas, et, sur le conseil de deux de ses créatures, il décida de faire un pas déplus, pour porter à son comble la dégradation des évêcjues. Le 18 septembre 1535, l’archevêque, par une circulaire, informait les autres prélats que le roi, ayant l’intention de faire une visite générale, avait suspendu les pouvoirs de tous les ordinaires du royaume. Les évêques se soumirent humblement, et au bout d’un mois présentèrent une pétition à l’effet d’être rétablis dans leur autorité. En conséquence, chacun d’eux reçut une commission qui l’autorisait, suivant le bon plaisir du roi et comme son représentant, à exercer ses pouvoirs épiscopaux… dans son diocèse. Tout cela devait se faire sous la surintendance du vicaire général, et comme il ne pouvait être partout à la fois, on devait obéissance à ses délégués comme à lui-même.

Cromwell se mit alors e.i devoir d’exécuter un dessein qu’il entretenait depuis plusieurs années : nous voulons parler de la dissolution des monastères. Henri accepta avec enthousiasme, parce qu’il voyait là un moyen de remplir ses coffres, et Cranmer ne fut pas moins favorable à une mesure qui le débarrassait des plus fermes soutiens de l’ancienne croyance. L’opération commença par une visite générale des monastères, faite par Cromwell et ses émissaires, sous prétexte de les réformer, mais en réalité pour trouver des raisons de les supprimer, afin de s’emparer de leurs biens. Aussi les rapports des visiteurs représentent-ils les monastères comme des repaires de paresse et d’immoralité. Exception était faite pour les maisons les