Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/477

Cette page n’a pas encore été corrigée

2185

HENRI VIII

d86

reine qu’à cause du doute il ne pouvait plus cohabiter avec elle. Mais Catherine déclara solennellement que son mariage avec Arthur n’avait pas été consommé, et que par conséquent l’empêchement d’affinité n’existait pas. Wolsey fut d’abord embarrassé, mais il lui vint

I ientôt à l’esprit que dans ce cas restait l’empêchement d’honnêteté publique, et comme la bulle ne le mentionnait pas, le mariage n’en était pas moins invalide. Malheureusement pour sa théorie il se trouva que le bref envoyé par Jules II à Henri et à Catherine îvait prévu cette circonstance.

Et cependant il fallait obtenir de Rome la déclaration que le mariage était invalide. Les négociations

vec Clément VII ont été fort bien résumées, t. iii,

roi. 73, jusqu’à l’excommunication du roi en 1533 ; nous n’y reviendrons pas, mais nous rappellerons que pendant ce temps Henri exerçait aussi son activité d’un autre côté.

L’appel de Catherine à Rome avait mis un terme à l’autorité des légats, et le roi lui-même semblait avoir abandonné toute idée de poursuivre le divorce, lorsqu’un théologien de Cambridge, Cranmer, voir t. iii, col. 2026, lui donna l’idée de se passer du pape, en s’adressant à un certain nombre d’universités, dont l’opinion en cette matière lui donnerait une autorité suffisante pour se prononcer. Henri saisit cette idée avec empressement ; sans doute il n’avoua pas le véritable but de Cranmer, car la rupture avec le s.iintsiège n’eut pas lieu, et même Clément VII promit de laisser toute liberté aux universités d’Italie. Il fut impossible de tirer une conclusion des réponses données par les universités. Quelques-unes dirent que le mariage était valide, d’autres qu’il était nul ; d’autres le disaient contraire à la loi de Dieu, sans dire pour cela que la dispense de Jules II fût invalide. De ce nombre étaient Oxford et Cambridge, et cependant on avait exercé une pression considérable sur ces deux universités pour leur faire donner un avis conforme aux désirs du roi. Voir t. vi, col. 1156. D’ailleurs en aucun pays les universités n’étaient indépendantes. En France, François I er tenait à rester en bons termes avec le roi d’Angleterre ; en Italie, malgré la promesse du pape, l’empereur était tout-puissant, et on se garda bien de consulter les universités de ses États. Quant aux luthériens d’Allemagne, ils étaient prévenus contre Henri à cause de ses démêlés avec leur patriarche et même l’un d’eux publia en 1530 un livre en faveur de la reine. Ceci n’empêcha pas le roi de s’adresser à eux en 1531, par l’entremise de Simon (iimkcus, un humaniste recommandé par Érasme. Mélanchthon dit que la prohibition du Lévitique appartenait à la loi positive, dont on peut être dispensé, tandis que le divorce est opposé à la loi naturelle.

II concluait en conseillant la polygamie. Ceci ne plut pas à Henri. Il envoya ambassade sur ambassade à Wittemberg, a fin d’arracher aux théologiens de cette ville l’approbation du divorce ; tout ce qu’il put obtenir lut une déclaration (1535) que le mariage avec une belle-sœur était contraire à la loi divine, mais les théologiens demandaient à être dispensés de donner une réponse sur le cas du roi. Zwingle répondit carrément que le mariage en question était contraire à la loi divine, dont aucun pape ne peut dispenser ; Œcolampade lui du même avis. A Strasbourg, on partagea plutôt l’avis de Wittemberg, tout en reconnaissant que le divorce était un remède pire que le mal, et en conseillant la polygamie. Bucer fut ici comme ailleurs « le grand architecte des subtilités » ; il oscilla entre Luther et Zwingle, et finit par ne prendre aucun parti.

Cependant Henri employait d’autres moyens pour s’adressera Luther lui-même. Dès 1529, il s était radouci à l’égard de son ennemi, et l’avait même loué dans une conversation avec Chapuis, ambassadeur de Charles Quint, disant que, s’il avait mélangé l’hérésie à ses ouvrages, ce n’était pas une raison pour rejeter les nombreuses vérités qu’il avait mises en lumière. En 1531, il le fit approcher par Robert liâmes, ancien augustin qui avait dû fuir l’Angleterre à cause de ses opinions hétérodoxes, et s’était fixé à Wittemberg, où Luther lui donnait l’hospitalité. La réponse de l’hérésiarque est identique à celle de Mélanchthon. Il se préoccupe peu du pouvoir du pape, mais quand même le roi aurait péché en épousant la veuve de son frère, il commettrait un péché plus atroce en la répudiant cruellement. Il ferait beaucoup mieux de prendre une seconde femme, suivant l’exemple des patriarches.

L’idée de la polygamie ne souriait pas à Henri. Un enfant de la seconde femme n’aurait jamais été reconnu comme légitime en Angleterre, et comme la raison qu’il donnait pour le divorce était l’absence d’héritier mâle de la couronne, tout prétexte honnête lui échappait. Il fit coup sur coup deux tentatives près de Luther l’année suivante, mais sans plus de succès. Alors il se repentit d’avoir écrit contre le professeur de Wittemberg, et il alla jusqu’à publier une traduction de la lettre que celui-ci lui avait écrite en 1525, disant en même temps qu’il avait été poussé à écrire son livre par Wolsey. Mais ceci n’adoucit pas Luther. Une nouvelle ambassade en 1535 ne réussit pas mieux que les précédentes, et la réaction contre le protestantisme qui eut lieu après le divorce d’Anne de Clèves irrita les réformateurs allemands. Mélanchthon souhaita qu’un régicide vînt délivrer la terre de ce monstre. Luther se contenta de l’invective, où il était passé maître ; Henri VIII, écrivait-il en 1540, n’est pas un homme, mais un démon incarné.

Dès 1529, Henri avait été lancé dans une autre voie, qui allait le mener à la rupture complète avec Rome. Thomas Cromwell, fils d’un forgeron de Putney, qui ajoutait à ce métier celui de foulon, tout en tenant une hôtellerie, entra à son service après la disgrâce de Wolsey, qu’il servait habilement depuis plusieurs années. Il fut le premier à suggérer au roi l’idée d’abolir la juridiction papale en Angleterre, et de mettre ainsi fin à l’anomalie qui résultait de l’existence de tleux juridictions dans le même royaume. Henri n’était pas prêt, mais l’idée fit son chemin dans son esprit, et la consultation des universités à propos du divorce fut un avertissement donné au pape qu’on pourrait bien se passer de lui, si sa décision n’était pas celle qu’on attendait. En 1531, il lit un pas de plus. Il demanda à la convocation ou assemblée du clergé de la province de Cantorbéry de le reconnaître comme « protecteur et seul chef suprême de l’Église et du clergé en Angleterre » . L’assemblée, qui venait de se laisser imposer une amende de cent mille livres sterling, trouva la "prétention exorbitante, et chercha à adoucir les termes, mais le roi ne voulut rien entendre : tout au plus permit-il d’insérer le mots post Daim après supremum caput. L’archevêque Warham trouva un moyen de sortir de la difficulté, en employant une phrase élastique qui peut avoir bien des sens ; il ajouta à la formule proposée par le roi. « autant que la loi du Christ le permet » . Et comme personne n’élevait la voix pour seconder sa proposition, l’archevêque la déclara votée d’après le principe : Qui ne dit rien consent. La convocation d’York imita celle de Cantorbéry, et ainsi I lenri acquit un nouveau titre qui lui donnait toute l’autorité nécessaire en cas de rupture avec Rome. Il ne tarda pas à réclamer tous les droits que lui conférait ce titre L’année suivante, il lit écrire sous ses yeux une supplication au non de la Chambre des Communes. On s’y plaignait entre autres choses de ce que le clergé réuni en convocation put faire des lois et des constit. liions sans l’assentiment du roi, et de ce que les laïques fussent tenus de se soumettre à ces lois