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Acacii ; S. Gélase, Epist., xiii. Hergenrôther, Pholius, t. i. p. 123, note très justement que le patriarche de Constantinople se posait, de fait, en chef ecclésiastique de tout l’empire oriental et ne paraissait pas se soucier désormais du siège de Rome. Il perdit ainsi le dernier reste de confiance de la part des catholiques, surtout des moines acémètes, qui se séparèrent de sa communion. L’infidélité des légats romains souleva dans ce milieu orthodoxe la plus éclatante indignation. Voir le récit de Théophane le Chronographe, an. 480, Bonn, p. 205 ; P. G., t. cviii, col. 324. L’acémète Siméon fut envoyé à Rome pour rapporter au pape ce qui s’était passé et pour démasquer les légats infidèles. Évagre, H. E., 1. III. c. xxi, P. G., t. lxxxvi, col. 2640.

Félix III réunit à Rome un concile de 07 évêques quillet 484), reprit lui-même toute l’affaire, cassa la sentence des légats, les destitua de leur dignité, et les priva même de la communion eucharistique. Il renouvela la condamnation déjà portée contre Pierre Monge, et prononça contre Acace, qui dans l’intervalle avait été une fois encore inutilement averti et exhorté, l’excommunication et la déposition : Acacium, qui secundo a nobis admonitus statulorum sah : b r ium non destitit esse conlemptor, meque in meis credidit carcerandum, hune Deus cielitus prolata sententia de sacerdotio fecit extorrem. Ergo, si quis episcopus, clerieus, monachus, laicus post hanc denunciationem eidem communicaverii, analhema sit, Spirilu Sancto exsequente. Mansi, Concil., t. vii, col. 1065.

Parmi les nombreux crimes d’Acace, ceux-ci étaient spécialement relevés : 1° contre les canons de Nicée, il s’est arrogé des droits étrangers ; 2° non seulement il a reçu dans sa communion les hérétiques, mais encore il leur a procuré des évêchés, comme notamment à Jean d’Apamée l’archevêché de Tyr ; 3° il a soutenu Pierre Monge dans l’occupation du siège d’Alexandrie, il persiste à le soutenir et à rester en communion avec lui ; 4° il a entraîné les légats romains à transgresser leurs instructions, il les a trompés et fait mettre en prison ; 5° loin de se justifier des plaintes de Talaïa contre lui, il s’est montré obstinément rebelle aux avertissements du siège apostolique, et il a donné à toute l’Église orientale le plus grand scandale. Félix III, Episl., vi, ad Acacium, 28 juillet 484, dans Mansi, Concil., t. vii, col. 1053-1055.

L’exemplaire de la sentence contre Acace, destiné à être envoyé à Constantinople, fut souscrit par le pape seul. C’était, d’une part, comme le remarque Hergenrôther, op. cit., p. 124, se conformer à un usage ancien, et, d’autre part, faciliter la transmission secrète et plus sûre à la capitale byzantine. Si, en effet, la sentence eût été souscrite aussi par les évêques du synode, il eût fallu, selon la coutume alors régnante, que deux évêques au moins allassent la porter à Constantinople : ce qui, après le triste exemple de la précédente légation, paraissait très dangereux. Souscrite par le pape seul, elle put être confiée à un simple clerc, nommé Tutus, honoré de la dignité de defensor de l’Église romaine. Cette forme moins solennelle mettait davantage à l’abri des embûches ou des violences impériales. Car « Zenon faisait garder tous les chemins par mer et par terre, pour empêcher qu’on apportât rien fie Rome contre Acace. Ainsi il n’y avait pas moyen d’envoyer la sentence rendue contre lui, par une voie publique et solennelle, et par des évêques ; mais il fallait l’envoyer secrètement, de peur qu’elle ne fût prise et ne demeurât sans ellet. » Tilltmont, op. cit., a. 42.

Dans une lettre adressée à l’empereur le 1° août 484, Félix III se plaint des indignes procédés employés contre ses légats ; il déclare avec fermeté que l’hérétique Pierre Monge ne saurait avoir aucun espoir d’être reconnu par le saint-siège ; qu’il lui reste, à lui, empereur, à choisir entre la communion de Pierre l’apôtre

et celle de Pierre l’hérétique. Il rappelle enfin le souverain aux limites de son pouvoir et lui annonce la sentence portée contre Acace. Episl., ix, dans Mansi, Concil., t. vii, col. 1065-1066.

En même temps, dans une lettre au clergé et au peuple de Constantinople, le pape cherchait à réparer le scandale donné par ses légats, à démontrer la justice du jugement porté et à en assurer l’exécution. Episl., x, col. 1067.

Un peu plus tard, en octobre 485, à la nouvelle de la déposition de Calandion à Antioche et du rétablissement de l’intrus Pierre, le Foulon, Félix III tint encore, avec 43 évêques, un synode qui renouvela l’anathème à la fois contre Pierre le Foulon, contre Pierre Monge et contre Acace. Mansi, t. vii, col. 1139.

Sur les deux synodes romains de 484 et 485 et la condamnation d’Acace, voir Tillemont, Mémoires, t. xvi, a. 36-40, p. 351-359 ; a. 48, p. 373-374, et note 25, p. 764-766 ; B. M. de Rubeis, De una sententia damnalionis in Acacium episcopum Conslantinopolitanum post quinquennium silentii lala in synodo Romana Felicis papse III, disserlatio, in-8°, Venise, 1729 ; H. de Valois, De duobus synodis romanis in quibus damnatus est Acacius, appendice à l’édition de YHistoria ecclesiaslica d’Évagre, Paris, 1673, réimprimé dans P. G., t. lxxxvi, col. 2895-2906 (cette dissertation de H. de Valois est inséparable de celle qui la précède dans le même ouvrage, à savoir : De Pctro Antiocheno episcopo qui Fullo cognominatus est, et de synodis adversus eum colleclis, col. 2885-2895, et toutes deux forment les deux livres des Observaliones in Historiam ecclesiasticam Evagrii) ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ii, p. 868-870.

Un grand chagrin était encore réservé à Félix III : l’infidélité du defensor Tutus, qui se laissa séduire à prix d’argent, après avoir toutefois accompli la plus grande partie de sa mission et remis en mains sûres la sentence portée contre Acace. H. de Vulois, dans la dissertation signalée plus haut, c. v, P. G., t. lxxxvi, col. 2902, explique ainsi en quoi consista la défection de Tutus : His omnibus fidcliter peraclis, sicut in mandalis acceperat, dolis Acacii circumventus est. Missus enim ad eum senex quidam Maronas nomine, magnam vim pecuniæ pollicitus est, si Acacio consentire velhl, cique omnia quæ Romæ contra ipsum agebantur aperire. Quod quidem Tutus, amore pecuniæ corruptus, scriptis litteris se facturum respondit. Verum Ruftnus et Thalassius archimandrite, et cœlcri monachi Constanlinopoli et per Bithyniam consliluti, simul alque Tutus Romam reversus est, litteras scripserunt ad Felicem papam, quibus eum de proditione Tuti certiorem fecerunt, missis eliam Tuti ipsius litteris. De tels détails offrent, en quelques lignes, un véritable tableau de la triste situation créée par l’Hénotique et les intrigues d’Acace.

Tutus fut, lui aussi, frappé de déposition perpétuelle. Félix III, Epist., xi, ad presbyleros et archimandrilas, an. 485, dans Mansi, t. vii, col. 1068.

Le schisme était commencé entre Constantinople et Rome. Acace r.’était pas homme à céder. « Il lutta contre les orthodoxes, tantôt avec ruse et fourberie, comme notamment par l’assurance fallacieuse que le pape avait reconnu Pierre Monge (Évagre, H. E., 1. III, c. xxi, P. G., t. lxxxvi, col. 2640), tantôt aussi par la violence ouverte, qu’eurent spécialement à éprouver de la manière la plus lourde les moines acémètes étroitement unis à Rome. » Hergenrôther, Pholius, t. i, p. 125.

Ce furent ces moines qui, ayant reçu de Tutus la lettre du pape, se chargèrent de la faire tenir à Acace. Tillemont raconte ainsi la chose : « Tute s’acquitta fort bien de sa commission. Il se sauva de ceux qui gardaient le détroit d’Abyde, et se rendit dans le mo-