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HENOTIOUE


catholique ; mais il n’était pas l’expression unique de cette vérité, puisque des évêques de toutes les parties du monde réunis à Chalcédoine avaient formulé une profession de foi plus détaillée, plus étendue en certains points que celle de Nicée, et que tout l’univers catholique avait adopté la formule de Chalcédoine. L’empereur commence par protester qu’il veut s’en tenir exclusivement au symbole de Nicée, et, quelques lignes plus loin, il reconnaît encore pour expression de la foi la définition du concile d’Éphèse, les douze chapitres ou anathématismes de saint Cyrille. Il ne veut pas admettre le concile de Chalcédoine, et il dresse contre Eutyches une définition qui est en substance celle de Chalcédoine. L’incohérence et la contradiction peuvent-elles être plus flagrantes ? » Darras, Histoire générale de V Église, Paris, 1869, t. xiii, p. 485. Cf. Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église catholique, 1. XLII, édit. Guillaume, Lyon, 1872, t. iv, p. 59.

Ce sont ces incohérences et ces contradictions qui caractérisent l’Hénotique. Doit-on lui infliger la note d’hérésie ? Baronius L’affirme, Annal, eccl., an. 482 ; Noël Alexandre, Hist. ceci., sa’C v, c. iii, a. 19, § 4, Venise, 1771, t. v, p. 86, soutient l’opinion contraire, à savoir que l’Hénotique n’enseigne pas l’hérésie, mais qu’il la favorise seulement par ses réticences. Sous ce titre : Zeno impcralor edicto Henotico synodum Chalcedonensem compugnavit, non fidem in ea confirmatam, l’historien-théologicn analyse l’édit et aboutit à cette conclusion : Ex his evidens est, Henoticum Zenonis rulychianam harcsim non adslruere, immo ipsam impugnare et damnare ; nec fidem duarum in Christo naturarum a Chalccdonensibus Palribus confirmalam concutere, sed assercre potius. Unde cardinalis Baronius Zenonem semper hæreticum et perfidum fuisse, cverlisse calholica dogmala, pessum dédisse funditus christianam religionem, jalso scribil, ad ann. 482. Nom et ex ipsis Henolici verbis et ex epistola Zenonis ad Felicem pontificem maximum, cujus fragmentum referl Evagrius, 1. III, c. xx, refellitur eminentissimus auclor. Verba epistolæ Zenonis, post edictum Heno’icon dalce, hse sunt : Pro cerlo habere debes, et pietalem noslram, et supra memoralum sanctissimum Petrum (Pierre Monge), et universas sacrosanetas Ecclesias sanctissimum Chalcedonense concilium amplecti atque venerari, quod cum flde Nicœni concilii prorsus convenil. Et Noël Alexandre termine en disant : Non difjileor lamen Hcnolicon Zenonis causæ fidei nocuisse, et fouisse hærcsim, silendo cum de S. Leonis epistola, cum de synodi Chalcedonensis definilione, lum denique de his vocabulis : Ex duabus et in duabus naturis, quee calholiese fidei contra eutychianam perfidiam nota singularh erani

Il semble que l’on puisse se rallier à cette conclusion de Noël Alexandre : d’une part, l’Hénotique ne professant point explicitement de doctrine hérétique, condamnant par ailleurs les hérésies de Nestorius et d’Eutychès ; d’autre part, une lettre ultérieure de l’empereur Zenon au pape Félix III admettant explicitement le concile de Chalcédoine. Aussi l’Église catholique n’a-t-elle point expressément condamné l’Hénotique. Sans doute, on voulut alors éviter d’exaspérer l’empereur et de provoquer des schismes plus graves ou des maux plus difficiles à guérir ; mais ces motifs n’auraient pas suffi à écarter la condamnation, si la formule avait été jugée proprement et directement hérélique. Voir en ce sens la remarque d’un annotateur d’Évagre, 1. III, c. xvii, P. G., t. lxxxvi, col. 2625-2626.

Cependant, du seul point de vue doctrinal et indépendamment même des conséquences déplorables qu’eut en fait l’Hénotique, le théologien catholique ne saurait être trop sévère contre cet édit qui « tournait les questions, au lieu de les résoudre, et qui, s’il avait été

accepté, aurait eu pour résultat infaillible d’arrêter le développement de la doctrine chrétienne » . H. Leclercq, dans Hefele, Histoire des conciles, t. ii, p. 865-866. De ce chef, nolons-le en passant, l’Hénotique préludait à la méthode qui devait et recolle de Photius, de Michel Cêru-Jaire et de leurs successeurs, consistant à restreindre à tel nombre de conciles œcuméniques et à clore à telle époque donnée le développement du dogme catholique. C’est un trait déplus, ajouté à tant d’autres, qui font du patriarche Acace un triste précurseur dans l’histoire des schismes orientaux. En somme, l’évêque africain Victor de Tunes († 566) résumait assez bien en ces termes le jugement que devait porter sur l’Hénotique de Zenon la postérité catholique : Zenon imperator eutychiani poculo erroris sopitus, Acacium Conslanlinopolitanum episcopum damnatoribus concilii Chalcedonensis Petro Alexandrino et Petro Anliocheno episcopis per Henolicon socians, corum communione polluitur, et cum eis a catholica fide reccssil. Chronicon, an. 482, P. L., t. lxviii, col. 945, cité par Henri de Valois dans ses annotations au texte d’Évagre, 1. III, c. xiii, P. G., t. lxxxvi, col. 2619. En efïet, le mal de l’Hénotique, ce par quoi se fit la déviation de la doctrine catholique, ce furent ses conséquences, lesquelles sont toutes représentées par la communion établie du fait de l’Hénotique entre Acace et les hérétiques Pierre Monge d’Alexandrie, Pierre le Foulon d’Anlioche.

III. Les conséquences de l’Hénotique : le schisme acacien. — De fait, le schisme naquit presque aussitôt de cette soi-disant formule d’union. L’Hénotique était adressé spécialement aux Églises d’Egypte ; mais en réalité son but était beaucoup plus général, il visait à faire la réconciliation des chrétiens sur toute l’étendue de l’empire. Comme il arrive souvent en pareil cas, surtout quand on prétend imposer des concessions à la vérité, « il eut un résultat diamétralement opposé et ne contenta personne. Les monophysites proprement dits demandaient un rejet plus explicite du concile de Chalcédoine et du dyophysisme ; les nestoriens et ceux d’Anlioche furent scandalisés de l’approbation donnée aux anathémes de saint Cyrille ; enfin les orthodoxes furent blessés du sans-gêne avec lequel on traitait le concile de Chalcédoine, de ce qu’il y avait de peu précis dans l’exposition dogmatique de ledit, et surtout de ce que l’empereur s’établissait juge de la foi. » Leclercq, op. cit., p. 867. C’est probaLU mmt à ce dernier grief qu’il faut rapporter cette plainte du pape saint Gélase quelques années plus tard : « Ils (les grecs) ont rejeté les dogmes des apôtres et se glorifient des doctrines des laïques. » Epist., xliii, édit. Thiel, p. 478.

L’Hénotique fut d’abord souscrit par Acace et par Pierre Monge. D’après le récit de Liberatus, l’édit fut porté à Alexandrie par l’abbé Ammon et les apocrisiaires de Monge. Ceux-ci étaient en même temps porteurs d’une lettre impériale ordonnant à Pergame, duc d’Egypte, de chasser Jean Talaïa et de rétablir Pierre Monge. L’expulsion de Talaïa eut lieu aussitôt. Le 24 octobre 482 (c’est la date admise par Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, Venise, 1732, t. xvi, p. 331), Pierre Monge se rendit dans l’église de Saint-Marc, à Alexandrie, adressa un discours au peuple, donna lecture de l’Hénotique et admit à sa communion les orthodoxes. D’autre part, il anathématisa ouvertement le concile de Chalcédoine et la lettre dogmatique de saint Léon ; il raya des diptyques les noms des catholiques Prolérius et Timothée Salophakialos, pour y inscrire ceux des hérétiques Dioscore et Timothée Élure. Cf. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ii, où est fournie pour ces faits la date du 14 mai 482.

L’Hénotique fut souscrit aussi par Pierre le Foulon, qui retourna à Antioche en remplacement du pa-