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HÉNOTIQUE

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à l’Isaurien Zenon, époux de la princesse Ariadne et père de Léon II. Mais dès l’année 475, Zenon fut renversé par l’usurpateur Basiliskos, qui se montra aussitôt ardent protecteur des monophysites. Il promulgua un Enkyklion (encyclique ou circulaire), adressé à Timothée Élure, qui en était l’inspirateur : cet édit portait condamnation du concile de Chalcédoine et de la lettre de saint Léon, et élevait le monophysisme à la dignité de religion d’État seule tolérée. Voir le texte dans Évagre, H. E., 1. III, c. iv, P. G., t, lxxxvi, „ col 2600 2604. Cf. Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire rcclésiastiqw, Ven : je, 1732, t. xvi, p. 294-295. Ici commence le rôle d’Acace, patriarche de Constantinople, et il est nécessaire de s’y arrêter un instant pour comprendre son attitude ultérieure dans toute l’affaire de l’Hénotique. Voir t. i, col. 288-289.

La plupart des évèqucs orientaux, au nombre de 500 environ, souscrivirent le formulaire de Basiliskos. « Un homme lui résiste, en qui s’incarne et qui organise le parti byzantin, le patriarche de Constantinople, Acace. Ce n’est pas lui qui s’exagère l’importance des formules dogmatiques ; c’est lui qui discerne avec une perspicacité étrange le parti qu’il faut suivre afin d’établir l’autonomie ecclésiastique de Constantinople. Prendre la tête du mouvement populaire monophysite qui répudie Chalcédoine, c’est adopter une politique qui réhabilite Alexandrie et restaure sa domination : le patriarche de Constantinople ne le peut pas. Prendre la tête du mouvement orthodoxe dont Chalcédoine est le mot d’ordre, c’est suivre, c’est donc reconnaître la direction donnée par Rome : le patriarche de Constantinople ne le veut pas. Se présenter comme un arbitre, donner tort à la fois à Alexandrie et à Rome en semblant vouloir les concilier, voilà la politique que recommande l’intérêt byzantin. » A. Dufourcq, op. cit., p. 272-273. Sur la foi des témoignages fournis par les écrivains byzantins, Tillemont a tracé de ce personnage le portrait suivant : « C’était un esprit flatteur et complaisant, qui savait gagner l’affection des princes, en louant tout ce qu’ils faisaient (Suidas). Aux bassesses de la flatterie, Acace joignait une violente ambition. Il aimait à gouverner, et n’en était pas incapable. Il donnait aisément, servait tous ceux qui avaient besoin de lui, avait un extérieur très vénérable et qui inspirait du respect. Mais on l’accusait de vanité et d’aimer l’honneur. » Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, Venise, 1732, t. xvi, p. 285. « Acace était un homme de caractère fier et ambitieux, chancelant dans sa position entre orthodoxes et hérétiques selon ses intérêts du moment, habile et avisé dans la poursuite de ses plans, sous plus d’un rapport précurseur de Photius. » J. Hergenrôther, Pholius, Patriarch von Constaniinopel, Ratisbonne, 1867, t. i, p. 110.

Successeur de Gennade sur le siège de Constantinople, de 471 à 489, Acace avait incliné d’abord à l’antichalcédonianisme de Timothée Élure : les moines byzantins s’en plaignent au pape Simplicius, vers la fin de l’année 475. Simplicius, Epist., iv-vm, P. L., t. lviii, col. 38-44 ; Mansi, Concil., t. vii, col. 974 sq. Voir P. Bernardakis, Les appels au pape dans i Église grecque jusqu’à Photius, dans les Échos d’Orient, 1903, t. vi, p. 118-119. Puis il se ravise, résiste à Basiliskos, appelle contre lui saint Daniel le Stylite, dont la grande popularité entraîne les fidèles. Non seulement Acace refuse d’accepter L’édit de l’usurpateur ; mais encore, au témoignage de Théodore le Lecteur, H. E., 1. I, n. 32, P. G., t. lxxxvi, col. 181, en signe de protestation et de deuil il se revêt lui-même de vêtements noirs et couvre pareillement de voiles noirs le trône épiscopal et l’autel. Cf. Tillemont, Mémoires, note v sur Acace de Constantinople, t. xvi, p. 757.

Cette conduite d’Acace était-elle inspirée par le seul SDuci dvs intérêts de la foi catholique ? On voudrait

pouvoir l’affirmer. Mais il semble plutôt, au dire des historiens (Théodore le Lecteur, I, 32 ; Théophanc, Chronographia, an. 467-468, Bonn, 1839, t. i, p. 188189 ; P. G., t. cviii, col. 304-305 ; Cedrenus, Bonn, 1838, t. i, p. 617-618 ; P. G., t. cxxi, col. 672), avoir été entraîné par le mouvement général du clergé, des moines et des fidèles de Constantinople. Lorsqu’on apprit que Basiliskos voulait obliger le patriarche à promulguer YEnkyklion, le peuple se porta en masse compacte à l’église, y compris vieillards, femmes et enfants, pour empêcher cette promulgation. Acace « suivit le troupeau, qu’il aurait dû précéder » , écrit Hergenrôther, Pholius, t. i, p. 112. Du moins, une fois entré dans la résistance, il la soutint sans faiblir. Dans un discours public, du haut de la chaire, il s’éleva contre le tyran. Théophane, loc. cil. « L’empereur punit le rebelle en travaillant à relever Alexandrie : il convoque à Éphèse, théâtre des victoires de Cyrille et de Dioscore, un nouveau concile dont il donne la présidence au successeur des fameux patriarches, Timothée Élure. Et Timothée fait voter par les Pères une adresse à l’empereur ; on y demande l’abrogation des décrets de Chalcédoine, l’abolition des privilèges de Constantinople, la reconnaissance des droits de la vénérable Église d’Éphèse, et la déposition d’Acace. Enfin — et ceci montre avec force le véritable caractère de cette histoire — Timothée veut alléger son parti du poids gênant des controverses doctrinales : le but de ses efforts, il n’y a pas à s’y tromper, c’est la résurrection d’Alexandrie et l’abaissement de Constantinople. Évagre, H. E., 1. III, c. iii-vm, P. G., t. lxxxvi, col. 2597-2613. S’il a rejeté Chalcédoine afin de satisfaire aux passions populaires qui le soutiennent, il se refuse à défendre le monophysisme : comme des moines eutychiens implorent son secours, il se prononce contre eux et déclare que « la chair du Christ « (c’est-à-dire son humanité) est de même nature que « lanôtre » . Déjà Basiliskos l’avait formellement déclaré en condamnant le Tome de Léon. C’était la politique d’Acace retournée contre lui. Le patriarche eût peut-être été vaincu par Timothée, sans une révolution de palais à laquelle, sans doute, il prêta la main. » A. Dufourcq, op. cit., p. 273-274. Sur le concile d’Éphèse et l’attitude de Timothée Élure, voir Tillemont, Mémoires, Acace de Constantinople, a. 9, t. xvi, p. 299300 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ii, p. 912.

Évagre, il est vrai, raconte, sur la foi de Zacharie le Rhéteur, que, devant la résistance inattendue d’Acace et de toute la communauté de Constantinople, Basiliskos avait décidé de rapporter sa première ordonnance et de promulguer un Anlenlajklion ou contreédit pour confirmer la doctrine de Chalcédoine ( 177). Voir le texte dans Évagre, op. cit., 1. III, c. vii-vhi, col. 2609-2611. Mais il était trop tard. La raêm.3 année 477, Zenon renversa l’usurpateur, et prit aussitôt le contrepied de sa politique. Lors de l’entrée de Zenon, Basiliskos se réfugia dans une église, avec sa femme et ses enfants ; Acace le livra à son rival, « ce que saint Chrysostome n’aurait pas fait » , remarque le judicieux Tillemont, op. cit., a. 11, p. 304.

La chute de Basiliskos passa généralement pour une victoire de l’orthodoxie et valut à Acace une grande autorité en Orient. De son côté, Zenon chercha à gagner la faveur des catholiques. Il adressa au pape Simplicius une irréprochable profession de loi, avec la promesse de maintenir la définition de Chalcédoine et de mettre fin aux menées des hérétiques. Simplicius, Epist., viii, ad Zcnonem, dans Mansi, Concil., t. vii, col. 980-982.

Timothée Élure étant mort en 477 (sur cette mort, voir Liberatus, Breviarium causa neslorianorum et eulychianorum, c. xvi, P. L., t. lxviii, col. 1020), le parti