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HÉGÉSIPPE


cherché à rompre l’unité de l’Église. H. E., iv, 22, P. G., t. xx, col. 380-381. C’est tout ce qu’a noté Eusèbe sans nous dire si Hégésippe, à l’exemple de saint Justin et de saint Irénée, avait exposé ces systèmes pour en faire la réfutation.

Importance de son témoignage.

La constatation

formelle faite par Hégésippe que l’enseignement chrétien était partout conforme à la loi, aux prophètes et au Seigneur, prouve à tout le moins que, de l’époque où il entreprit son voyage, vers 150, jusqu’à celle où il en consigna les résultats par écrit, vers 180, la foi des Églises judéo-chrétiennes de la Palestine et de la Syrie était la même que « elle de la Grèce et de l’Occident, et qu’il n’y a pas trace d’un dissentiment quelconque. Mais, d’après Baur et l’école de Tubingue, cela prouverait simplement que, vers le milieu du IIe siècle, les Églises étaient fortement pénétrées d’éléments juifs et qu’elles n’étaient pas encore catholiques ; car Hégésippe n’était en réalité qu’un ébionite, chargé par ses coreligionnaires d’entreprendre un voyage d’exploration religieuse dans l’intérêt du parti judaïsant. Sa connaissance de l’hébreu, du syriaque et des traditions juives, l’usage qu’il faisait de l’Évangile hébreu de saint Matthieu, le silence qu’il garde sur la secte des ébionites et son animosité contre saint Paul, dont témoigne le passage d’Etienne Gobar, seraient autant de preuves de son ébionitisme. Mais ce n’est là qu’une hypothèse, à laquelle il faut renoncer ; car, si Hégésippe avait été l’ébionite qu’on prétend, on ne s’expliquerait pas l’éloge sans restriction qu’ont fait de sa foi et de son œuvre Eusèbe et saint Jérôme. Pas plus qu’Hégésippe, saint Justin n’a signalé les ébionites ; et il a pu faire usage de l’Évangile hébreu de saint Matthieu, sans être pour autant accusé d’ébionitisme. Reste, il tst vrai, le passage incriminé par Etienne Gobar, où l’on a voulu voir une attaque contre saint Paul. Mais c’est un passage qui n’est pas une citation exacte de saint Paul ; car il porte rotç Sixaioiç, aux justes, là où l’apôtre a écrit : îtoïç àya-iôaiv aÙTÔv, à ceux qui l’aiment ; et loin de viser saint Paul, il parle de ceux, au pluriel, qui interprètent mal le texte, c’est-à-dire, selon toute vraisemblance, des gnostiques. D’ailleurs, un tel blâme de saint Paul est inconciliable avec la connaissance et l’approbation de l’épître de saint Clément aux Corinthiens, dont parle Hégésippe, et dont la couleur paulinienne est si fortement accusée. On doit donc rejeter l’hypothèse de Baur et tenir Hégésippe pour un témoin orthodoxe, qui ruine le système de l’école de Tubingue. Cf. Freppel, Les apologistes chrétiens, 3e édit., Paris, 1887, p. 364-372.

Le témoignage d’Hégésippe est particulièrement important sur les frères de Jésus. Quoique ce qu’il rapporte de saint Jacques le Mineur soit déjà en partie légendaire, cependant ce qu’il dit de son degré de parenté avec le Sauveur est confirmé par le témoignage sur son frère, saint Siméon, et provient de la tradition palestinienne touchant la famille de Jésus. Or, il affirme que Jacques et Siméon étaient les fils de ClOophas, qui était lui-même le frère de saint Joseph. Les frères de Jésus, mentionnés dans les Évangiles, seraient donc des cousins germains du divin Maître, par son père putatif, saint Joseph. Les efforts de Zahn pour en tirer la conclusion que ces frères de Jésus étaient des frères utérins, fils de Joseph et de Marie, sont en pure perte. Brader und Vetiern Jesu. Leipzig, 1900. La donnée d’Hégésippe, reposant sur la tradition palestinienne, un peu mélangée déjà d’éléments légendaires, explique mieux, semble-t-il, le degré de parenté de Jésus avec ses frères que l’opinion purement exégélique, fondée sur Joa., xix, 25, d’après lequel Marie de Cléophas est la sœur de la sainte Vierge. On en conclut généralement

que le cousinage des frères de Jésus dérivait de leur mère dont la sainte Vierge était la sœur. Outre la difficulté d’expliquer que deux sœurs portaient le même nom de Marie, sans distinction autre que le nom de l’époux de la seconde.il est plus vraisemblable que rà5sXcpr) Tfjç p)tpôç aùtou était, selon l’usage hébraïque, sa belle-sœur, plutôt que sa sœur proprement dite, les deux Marie ayant épousé deux frères, Joseph et Cléophas.

Les fragments d’Hégésippe dans Galland, P. G., t. v, col. 1317-1328 ; Grabe, Spicilegium SS. Patrum, Oxford, 1698-1700, t. il, p. 203-214 ; rîouth, Reliquiæ sacrée, 2e édit., Oxford, 1846-1848, t. i, p. 203-284 ; Th. Zahn, Brûder und Vetiern Jesu, dans Forschungen zur Geschichte des neutestamentlichen Kanons undder altkirchlichen Literatur, Leipzig, 1900, t. vi, p. 220-250 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 16931712, t. iii, p. 47-48, 610-611 ; voir à la fin du t. i de ces Mémoires une Dissertation sur ce que raconte Hégésippe de saint Jacques, évâque de Jérusalem, par Arnauld, avec les remarques de Tillemont ; Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1858-1863, t. i, p. 473-475 ; Th. Iess, Hegesippus nach seiner kirchengeschichll. Bedeutung, dans Zeiischrift fur die histor. Théologie, 1865, t. xxxv, p. 3-95 ; Hilgenfeld, Hegesippus und die Apostelgeschichte, dans Zeiischrift fur wissenschafll. Théologie, 1878, t. xxi, p. 297-330 ; Th. Zahn, Der griechische Irenàus und der ganze Hegesippus im 16 Ialirhundert, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichle, 1878, t. ii, p. 288-291 ; Id., Die griechische Irenàus und der ganze Hegesippus im 16 und 17 Iahrhundert, dans Theolog. Literalurblalt, 1893, p. 495-497 ; Ph. Mayer, Der griechische Irenàus und der ganze Hegesippus im 17 Iahrhundert, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, 1889, p. 155-158 ; De Boor, Neue Fragmente des Papias, Hegesippus und Pierius, Leipzig, 1888 ; Overbeck, Ueber die Anfànge der Ktrchengeschichtschreiben, Bâle, 1892 ; Lavigerie, De Hegesippo, disquisilio historica, Paris, 1850 ; Dannreuther, Du témoignage d’Hégésippe sur l’Église chrétienne, Paris, 1878 ; Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1899, t. i, p. 198-200 ; Dictionary of Christian biographg, t. ii, p. 875-878 ; Kirchenlexikon, 2e édit., t. v, col. 1584-1585 ; U. Chevalier, Répertoire. Bio-bibliographie, t. i, col. 2041 ; Realencyclopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, Leipzig, 1899, t. vii, p. 531-535.

G. Bareille.

    1. HÉGÉSIPPE (LE prétendu)##


2. HÉGÉSIPPE (LE prétendu). A la fin du ie siècle de l’ère chrétienne, l’historien juif Flavius Josèphe avait composé en grec plusieurs ouvrages : l’un en 20 livres sur les antiquités juives, histoire du peuple juif depuis les temps les plus reculés jusqu’à la guerre de l’an 66, sous le titre de’IouSai/ri àpyaioÀoyîa ; un autre, complément du précédent, intitulé De vita sua, sorte d’autobiographie qui traite surtout de la part qu’il avait prise à la guerre de 66-67 comme commandant en chef de la Galilée ; un troisième en deux livres, véritable apologie du judaïsme contre Apion, cité sous le titre de Opôç toJ ; " EUr^aç ou de Ilepî ~r, : tûv’IouBatwv àpyat0TT)T0ç ; et un quatrième en sept livres, Ilspi toù to’j8a ; y.o’j r.oi[j.oi, qui raconte les guerres juives depuis le temps d’Antiochus Épiphane jusqu’à la ruine de Jérusalem.

Tous ces ouvrages ont fini par être traduits en latin. Dès la fin du ive siècle le bruit avait couru que saint Jérôme était l’auteur de leur traduction ; mais saint Jérôme s’en est défendu, en alléguant qu’il n’avait ni le loisir ni la force de traduire ces ouvrages sans leur faire perdre leur élégance native. Epist., lxxi, 5, ad Lucinium, P. L., t. xxii, col. 671. Au vie siècle, Cassiodore (| 570) rapporte qu’il fit traduire par ses amis, en 22 livres, les ouvrages de Josèphe, c’est-à-dire les Antiquités et le Traité contre Apion, et qu’il existait déjà une traduction latine des sept livres du De bello judaico, attribuée par les uns à saint Jérôme, par d’autres à saint Ambroise, par d’autres encore à Rufin ; bonne preuve, observait-il, des dictionis eximiæ mérita d’une telle traduction. De instit. div. litlcrarum, 17, P. L., t. lxx, col. 1133. Mais Cassiodore