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HÉBREUX


laires qui y sont ajoutés ne sont qu’un ornement, comme dans les épîtres-traités. Cet ornement enlevé, le caractère de l’écrit n’en est pas essentiellement modifié. C’est le premier document eu la littérature artistique chrétienne ; c’est l’épître-traité la plus parfaite. Windisch voit plutôt dans l’Épître une homélie. L’orateur s’adresse parfois à des auditeurs qu’il connaît et qu’il interpelle. Cependant son exposé didactique indique plutôt une homélie simplement écrite qu’il aurait adressée à l’Église destinataire en ajoutant la finale épistolaire.

Ces considérations ne sont pas sans réplique. Quoi qu’il en soit du début, la finale authentique demeure comme indice du caractère épistolaire de l’écrit. L’auteur prie ses frères de prendre en bonne part l’exhortation qu’il vient de leur adresser ; il leur a écrit brièvement, xiii, 22. Dans le cours de l’ouvrage, il s’adresse évidemment à des personnes déterminées. Il vise des lecteurs qu’il connaissait ; il parle de leurs défauts, v, 11 ; il sait ce qu’ils sont et ce qu’ils devraient être, v, 12 ; il leur rappelle leurs combats, x, 32. leur compassion envers les prisonniers, le généreux abandon qu’ils ont fait de leurs biens, x, 34 ; il leur promet un sort meilleur, parce que Dieu ne peut oublier leurs travaux ni les services qu’ils ont rendus, vi, 9, 10. La forme littéraire et l’appareil dialectique ne prouvent pas que l’écrit soit un traité de théologie, ni le premier document de la littérature artistique chrétienne, car l’Épître aux Romains, si elle est moins artistique dans son style, est aussi didactique, et pourtant M. Deissmann lui-même lui reconnaît le caractère de lettre privée. On peut donc admettre aussi que l’Épître aux Hébreux est une véritable lettre. Le but exhortatif de l’auteur explique le caractère de discours ou de conférence ou d’homélie que présente cette lettre privée, adressée aux chrétiens de Jérusalem. Voir B. Weiss, Der Hcbrcierbrief in zeitgeschichtlicher Berichtung, Leipzig, 1910.

VI. Plan.

Entrant tout de suite en matière, même sans préambule épistolaire, l’auteur, dans un exorde très court, expose l’idée générale de sa lettre : la supériorité de la nouvelle alliance sur l’ancienne, i, 1-3. La démonstration de cette idée et la déduction des conclusions pratiques qui en découlent forment le corps de la lettre Comme l’exhortation est continuellement mêlée à l’exposé dogmatique, il n’y aurait pas lieu, semble-t-il à première vue, de distinguer la partie dogmatique de la partie pratique. Cependant, en ne tenant compte que de l’élément prédominant, on peut le faire, comme pour la plupart des Épîtres de saint Paul.

La partie dogmatique contient les preuves de la supériorité de l’alliance nouvelle sur l’ancienne, i, 4-x, 18. Cette supériorité résulte : 1° de la prééminence infinie de la personne du Fils de Dku sur les organes de l’ancienne alliance : a) sur les anges, i, 4-n, 18 ; b) sur Moïse, iii, 1-iv, 13 ; 2° de la supériorité de la fonction du Fils de Dieu : a) il est grand-prêtre selon l’ordre de Melehisédech, iv, 14-vn, 3, et son sacerdoce est supérieur à celui de Melehisédech et des prêtres de l’ancienne loi, vii, 4-28 ; b) le sacrifice de ce grandprêtre est supérieur aux sacrifices anciens, viii, 1-x, 18.

La partie pratique comprend les exhortations qui découlent de ces enseignements : 1° à persévérer dans la foi, x, 19-xii, 13 ; 2° à pratiquer différentes vertus, xii, 14-xiii, 17.

L’épilogue ajoute diverses recommandations, xiii, 18-25.

VII. Doctrine.

1° Le Chris !, Fils de Dieu. — L’auteur de l’Épître envisage surtout le Christ glorifié au ciel, et il l’appelle le Fils. Ce Fils, c’est Jésus par lequel Dieu a parlé récemment aux chrétiens, qu’il a établi héritier de toutes choses et par lequel aussi il avait créé les siècles, I, 2 ; c’est le médiateur de la nouvelle alliance, le

roi et le créateur de tout. Voilà ce que Dieu a fait par et pour son Fils. Mais celui-ci est, dans sa nature propre, relativement à son Père, le rayonnement de la gloire et l’effigie de son être, i, 3, c’est-à-dire le rayonnement de l’éclat, de la majesté de celui qui est la lumière substantielle et éternelle et l’image subsistante de son être. Il ne fait pas seulement refléter son Père, il est lui-même un rayon qui émane substantiellement du soleil de gloire qu’est son Père ; il est la reproduction exacte, l’image adéquate de l’être divin, dont il émane et dont il porte en lui-même l’empreinte. Relativement au monde, qu’il a créé, il le porte, le soutient et le conserve par la manifestation extérieure de sa puissance, i, 3. Ayant purifié le monde des péchés par son sacrifice sanglant sur la croix, il s’est assis lui-même à la droite de la majesté divine dans les hauteurs des cieux, i, 3. Il est ainsi devenu, dans sa nature humaine, supérieur aux anges en raison de son nom de Fils, dont il a hérité pour toujours, en qualité de Fils, lors de son triomphe, i, 4, car Dieu n’a jamais dit à aucun des anges : « Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui » , Ps. ii, 7, au jour de l’incarnation plutôt qu’au jour de l’éternelle génération, puisque cette parole a été prononcée à un jour déterminé, ni : « Je serai pour lui un père et il sera pour moi un Fils » , II Reg., vii, 14, parole dite figurativement du Fils dans la personne de Salomon lors de son intronisation royale, i, 5. La supériorité du Fils sur les anges résulte encore de la parole biblique, Ps. evi, 7 (dans les Septante), d’après laquelle Dieu, au jour de la seconde venue de Jésus sur terre, ordonnera à tous les anges de l’adorer, i, 6. Les anges, du reste, ne sont que des serviteurs, agiles comme les vents et l’éclair, prêts à partir aux ordres de Dieu, Ps. ciii, 4, tandis que le trône du Fils, qui est appelé Dieu au vocatif, est éternel et que le sceptre de son règne est un sceptre de droiture, puisqu’il a armé la justice et haï l’iniquité ; aussi Dieu, son Dieu, lui a-t-il donné au ciel l’onction de l’allégresse plus qu’à ses collègues, les anges qui participent à sa gloire. Ps. xliv, 7, 8. A cette citation, i, 8, 9, se joint une autre, i, 10-18, qui indique une nouvelle preuve de la supériorité du Fils sur les anges : lui, le Fils, il a jeté le fondement de la terre et les cieux, où habitent les anges, sont l’œuvre de ses mains ; les cieux passeront, mais lui demeure immuable ; ils s’useront tous comme un vêtement et ils seront roulés comme un manteau usé ; lui, il est toujours le même et ses années ne finiront pas. Ps. ci, 26-28. Enfin, aucun ange n’a entendu se dire cette parole, qui a été dite au Fils : « Assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je mette tes ennemis comme escabeau de tes pieds. » Ps. cix, 1. Le Fils est donc l’égal du Seigneur qui le fait siéger sur son trône, i, 13, tandis que les anges, quoique esprits, ne sont que des serviteurs, employés au service des hommes, qui seront héritiers du sahit éternel, i, 14.

Du reste, ce n’est pas aux anges, mais au Fils de Dieu incarné que Dieu a assujetti le monde futur. C’est ce fils de l’homme, dont parle le psalmiste, Ps. vm, 5-7, qui a été abaissé un moment, pendant sa vie terrestre, au-dessous des anges, que Dieu a couronné de gloire et d’honneur en mettant tout sous ses pieds. Tout lui est donc assujetti, même les anges, et si l’assujettissement universel au Fils de Dieu n’est pas encore réalisé, nous voyons, au moins déjà, par les yeux de la foi, celui qui a été abaissé un moment au-dessous des anges, Jésus, couronné de gloire et d’honneur parce qu’il a souffert la mort pour que tous en bénéficient, il, 5-9. Puisque Dieu voulait rendre parfaits un grand nombre de ses fils, il convenait que l’auteur du salut terminât sa vie par la souffrance. Il est mort sur la croix, car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés ont la même origine et la même nature humaine. C’est pourquoi le Sauveur ne rougit pas d’appeler les sauvés