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HÉBREUX

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Riehm, Weiss, Ménégoz, Davidson, Barth, Hollmann, Seeberg, Riggenbach, et même par Renan.

Cependant quelques critiques remontent à une époque postérieure à la ruine de Jérusalem : Zahn et Windisch, aux environs de 80 ; Holtzmann, Schenkel, von Soden, au temps de la persécution de Domitien, en 90. Us reprennent les arguments précédents, mais en les forçant et en les rapportant à une date plus éloignée du début de l’ère chrétienne. La génération des lecteurs est celle qui a suivi la mort des apôtres. L’alliance mosaïque a vieilli, et son culte n’est plus pratiqué. Au lieu d’en parler, en effet, l’auteur prend ses figures dans le tabernacle du désert, dans les instruments de culte qu’il contenait et dans les sacrifices qui s’y accomplissaient. S’il fait allusion au service du temple de Jérusalem, il ne le suppose pas debout encore, car il a pu en parler même après la destruction de l’édifice et la cessation des sacrifices, comme de choses finies, et il a pu le faire, en employant des verbes au présent, comme si le temple existait encore. D’autres écrivains, certainement postérieurs à 70, en ont parlé de la sorte et se sont servis de verbes au temps présent. Ainsi S. Clément de Rome, I a Cor., xli, 2, Funk, Paires apostolici, t. I, p. 150 ; Epislola Barnabæ, c. vii-ix, p. 5865 ; Epislola ad Diognetem, 3, p. 394 ; S. Justin, Dial. cum Tryphone, 117, P. G., t. vi, col. 745 ; Josèphe, Ant. jud., iii, 7-11. Ce présent est ce qu’on appelle le présent historique.

Ces arguments ne sont pas sans réplique. La plupart des textes auxquels ils se réfèrent s’expliquent aussi bien, et même mieux, de l’époque qui a précédé la guerre juive. Les explications, données plus haut, gardent leur signification et leur valeur. L’auteur de l’Épître aux Hébreux aurait pu sans doute parler du service du temple comme il l’a fait, même après la ruine de la ville, mais cela ne prouve pas que le temple était détruit, quand il écrivait, et il est plus vraisemblable que, sous sa plume, le présent exprime une réalité encore existante plutôt qu’un fait passé. Aussi il nous paraît mieux établi que la lettre a été composée entre 63 et 66.

IV. Occasion et dut.

Le contenu de l’Épître peut seul, ici encore, nous renseigner.

Occasion.

A la date de l’Épître, les juifs convertis

de Jérusalem, qui en étaient les destinataires, furent exposés à différents périls. La persécution, qui venait de finir et qui avait fait périr, en 62, leur évêque, Jacques le Mineur, les avait atteints probablement, eux aussi, et les avait découragés. D’après Ilégésippe, cité par Eusèbe, H. E., iv. 22, P. G., t. xx, col. 380, Thébutis, mécontent de n’avoir pas été choisi pour succéder à saint Jacques, se mit à corrompre l’Église de Jérusalem, qui n’avait pas encore jusque-là été troublée par de vains discours. D’autre part, la foi des chrétiens de cette ville était en danger, et quelques-uns d’eux étaient tentés de retourner au judaïsme, vi, 4-6 ; x, 26 sq. Ils jetaient un regard en arrière et ils étaient attirés vers leur ancien culte. N’avaient-ils pas dans le judaïsme la promesse faite à Abraham, vi, 13, le témoignage de Moïse, le fidèle serviteur de Dieu, m, 2 ? Les prescriptions du culte juif ne venaient-elles pas de Dieu lui-même, ix, 1, et le tabernacle de Moïse n’avait-il pas été construit sur ses plans, ix, 2-5 ? Le judaïsme n’avait-il pas un grand-prêtre établi pour offrir des oblations et des sacrifices pour les péchés du peuple, v, 1 ? Ces regrets éveillaient sans doute dans l’esprit des juifs convertis des doutes sur la valeur et l’efficacité du christianisme, qui n’avait pas un culte organisé comme celui du temple, qui n’avait ni temple ni autel ni rites. S’il n’y eut pas de véritables apostasies, x, 39, il y eut au moins un affaiblissement de la foi chrétienne, des défaillances et des chutes, puisqu’il fallait faire pénitence, vi, 4-6, et que des châtiments

menaçaient ceux qui auraient foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour impur le sang de l’alliance et outragé l’Esprit de grâce, x, 29. Les pressantes exhortations à la fidélité, ni, 1, 2 ; iv, 14 ; x, 23 ; xiii, 9, sont des indices que cette fidélité avait décru et qu’il fallait la relever. Quelques-uns avaient coutume d’abandonner les assemblées, x, 26. Ils s’étaient relâchés dans la piété et dans la pratique de la morale chrétienne, vi, 4-8 ; x, 29. Il est nécessaire de rappeler les devoirs les plus essentiels : le respect du lit conjugal, xiii, 4, la nécessité de la pureté, xii, 16, et d’exhorter à la sanctification, xii, 12, 13, à l’amour fraternel et à l’hospitalité, xiii, 1, 2.

But.

C’est à cause de cette situation et de l’état

d’esprit d’un certain nombre de chrétiens de Jérusalem que l’auteur adressa à l’Église-rnère une parole de consolation, xii, 22, c’est-à-dire d’encouragement et d’exhortation. Il voulait donc empêcher ses lecteurs de se relâcher dans les pratiques de la vie religieuse et de retourner au culte mosaïque qui les attirait par ses rites extérieurs. C’est pourquoi il leur démontra longuement la supériorité de Jésus-Christ sur les organes de l’ancienne alliance, les anges et Moïse, et la supériorité de l’alliance nouvelle sur l’ancienne. C’est pourquoi encore il exposa ce qu’est le sacerdoce de Jésus-Christ, supérieur, lui aussi, au sacerdoce de l’ancienne loi, ce qu’est son sacrifice sur la croix, supérieur aux sacrifices mosaïques. De cette supériorité de l’alliance nouvelle et de son médiateur il concluait que ses lecteurs devaient rester attachés à leur foi, qui était capable de les sauver comme elle avait sauvé par anticipation les justes de l’ancienne loi, iv, 14 ; x, 23, 38, 39 ; xi. Il mêlait à cette exposition dogmatique l’exhortation morale, en insistant sur les vertus les plus nécessaires, la fidélité, la patience et l’espérance, sur les périls de l’apostasie, vi, 1-3 ; x, 26-31, sur la fréquentation des assemblées religieuses, x, 25.

Les critiques qui font adresser l’Épître aux communautés judéo-chrétiennes d’Alexandrie ou de Rome assignent un autre but à l’auteur. Les exhortations pratiques sont alors son principal enseignement, et les considérations doctrinales leur seraient subordonnées. L’écrivain aurait voulu rappeler ses lecteurs à la foi chrétienne et raffermir leur courage au milieu des persécutions, en leur prouvant la grandeur suréminente du Christ et de son œuvre. Tout ce qui est dit de Jésus-Christ aurait un but pratique et tendrait à promouvoir la fidélité à sa doctrine.

V. Nature.

L’Épître aux Hébreux est-elle une lettre ou un traité didactique ?

Pour qu’elle soit une lettre, il faudrait qu’elle eût en tête une suscription et une adresse comme les autres lettres du Nouveau Testament, au moins celles de saint Paul. Elle en a bien en queue les apparences parles quelques détails personnels et les courtes salutations qui y sont donnés, xiii, 22-24. Overbeck et Lipsius ont même prétendu, sans raison valable toutefois, que ces versets étaient une addition postérieure, faite pour donner à l’écrit un cachet épistolaire. En outre, le plan de l’écrit est très net et se développe régulièrement, les arguments s’enchaînent très logiquement, et le style est plus littéraire que ne le comporte une lettre privée et familière. Aussi plusieurs critiques, notamment ceux de l’école de Tubingue, en ont conclu que l’Épître n’est pas une lettre, mais un traité systématique de théologie. Deissmann, Lichl vom Oslen, Tubingue, 1908, p. 171 ; Paulus, Tubingue. 1911, p. 6-8, qui ne considère que la forme extérieure, n’y voit ni une lettre, ni même une épître. Voir Épîtres, t. v, col. 369 sq. Sans les derniers versets, elle pourrait aussi bien être regardée comme un discours ou une diatribe (conférence). Elle se nomme elle-même un loyoi T7JÇ jtapaxXrJasws, xiii, 22. Les détails épisto-