Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/434

Cette page n’a pas encore été corrigée
2099
2100
HÉBREUX


des Hebràerbriefes, dans Zeiischrijt fur die neutestamentliehe ]Yisscnschaft, 1900, p. 19, a pensé à l’Église judéochrétienne, établie dans la maison d’Aquila et de Priscille. Rom., xvi, 3, 4. Ceux-ci, éloignés de Rome par la persécution, auraient adressé à leur Église domestique une lettre d’encouragement au milieu de la persécution.

Les arguments qu’on fait valoir en faveur de ces hypothèses n’emportent pas la conviction. Les allusions historiques aux persécutions subies sont vagues et générales, et elles conviennent mieux a la situation de l’Église de Jérusalem qu’à celle de l’Église de Rome. L’interprétation donnée des mots : oî àno Tfjç’ItaXtaç n’est pas certaine, et une autre explication est plus vraisemblable. Si aTtô éveille souvent l’idée d’éloignement, il exprime souvent aussi, surtout dans le Nouveau Testament, l’idée d’origine, abstraction faite de tout éloignement. Cf. Act, x, 23, 38 ; xvii, 13. Il tend à remplacer èÇ, dont l’emploi était déjà contraire à l’usage attique, pour exprimer le fait d’arriver d’un lieu ou d’appartenir à une ville. F. Rlass, Grammatik, p. 126. L’expression : oî iros tij ?’IxaXt’a ;, signifie donc ceux qui sont originaires d’Italie et qui y demeurent, de sorte qu’elle indique plutôt le lieu de la composition de l’Épître. L’Église de Rome n’a pas seulement exclu l’Épître aux Hébreux de son canon biblique, elle l’a ignorée longtemps, quoique saint Clément l’ait utilisée. Cette ignorance ne s’explique guère si la lettre lui a été adressée. Si elle lui avait été destinée, l’Église romaine aurait toujours connu la lettre et elle n’aurait pas été obligée de la recevoir tardivement, comme elle l’a fait.

L’opinion traditionnelle, suivant laquelle les chrétiens de Jérusalem ont été les destinataires de l’Épître, intitulée pour cela ^pôç’E6pat’ouç, reste donc, en face des hypothèses récentes, la mieux fondée et la plus vraisemblable.

III. Lieu et date de la composition.

1 ° Lieu. — La tradition ecclésiastique est muette sur ce point. La lettre elle-même ne fournit d’autre donnée que celle qui vient d’être signalée. Si dans la phrase : « Ceux d’Italie vous saluent » , xiii, 24, axô a le sens de èÇ, on peut en conclure que la lettre a été écrite en Italie, puisque l’auteur adresse à ses lecteurs la salutation des personnes de son entourage. Cette interprétation, qui est la plus vraisemblable, est généralement admise, et elle l’a été dès l’antiquité. Voir S. Chrysostome, In Epist. ad Rom., arg. ; In Episl. ad Heb., arg., P. G., t. lx, col. 393 ; t. lxiii, col. Il ; pseudo-Euthalius, P. G., t. lxxxv, col. 773 ; pseudo-Athanase, Synopsis sac. Scripluræ, 66, P. G., t. xxviii, col. 424 ; Œcumônius, In Epist. ad Heb., souscription, P. G., t. exix, col. 452. Quelques manuscrits récents ont en souscription soit ar.o ptupjç (AP 47) soit aro) iTaXiaç (K, 109113). Ils témoignent du sentiment de leur temps et de leurs copistes.

Lewis et Ramsay ont émis l’hypothèse que l’Épître aux Hébreux aurait été composée à Césarée pendant que saint Paul y était emprisonné. La lettre serait le résultat des conférences de l’apôtre avec les presbytres de la ville, et elle aurait été rédigée pour réconcilier les juifs de Jérusalem, adversaires de saint Paul, avec les partisans de cet apôtre, en montrant que les doctrines pauliniennes expliquaient très bien les rapports de l’alliance ancienne avec la nouvelle. Le diacre Philippe aurait tenu la plume ; saint Paul aurait approuvé la lettre et écrit les derniers versets. C’est une pure hypothèse. Ramsay, dans Exposilor, 1899, p. 401422.

Renan, L’Antéchrist, Paris, 1873, p. 211, a parlé d’Éphèse.

Date.

La tradition ecclésiastique ne fournit

encore sur ce point aucune indication, et les critiques

ne se sont pas mis d’accord. On peut distinguer, dans leurs opinions, trois courants : le premier place la rédaction de l’Épître avant la ruine de Jérusalem en 70, dans un laps de temps plus ou moins antérieur à cet événement, le deuxième remonte à la persécution de Domitien en 90, et le troisième à celle de Trajan (116118). Ce dernier représenté par Volkmar, Ktim et Hausrath, est exclu par l’usage que Clément Romain a fait de l’Épître entre 93 et 97. Pour se prononcer entre les deux autres, il faut consulter le contenu de la lettre.

Or, il est dit que le salut, annoncé d’abord par le Seigneur, a été confirmé par les apôtres qui l’avaient entendu, ii, 3 ; que les destinataires devraient être des maîtres, v, 12 ; qu’ils ont subi, après avoir été illuminés, c’est-à-dire après leur conversion, un grand combat, x, 32, tandis que maintenant leurs mains sont languissantes et leurs genoux affaiblis, xii, 12, 13 ; qu’ils suivent des voies qui ne sont pas droites, et que leurs chefs ont été tués et sont morts, xiii, 7. La lettre a donc été écrite du vivant de la seconde génération chrétienne. Puisqu’elle a été adressée aux chrétiens de Jérusalem, elle ne leur a été envoyée qu’après la mort de saint Jacques, en 62. Jacques est le préposé dont il faut se souvenir et dont il faut imiter la foi, xiii, 7. Ceux qui lui ont succédé n’ont peut-être pas la même autorité que lui, puisque l’auteur exhorte ses lecteurs à leur obéir et à avoir de la déférence envers eux, xin^ 17. S’il est question de la sortie de prison de Timothée, xiii, 23, cette donnée nous reporte à 62-63, car on ne connaît pas d’emprisonnement antérieur de ce personnage.

D’autre part, l’Épître n’a pas été écrite après la ruine de Jérusalem, en 70. L’auteur parle, en effet, du culte juif comme étant encore pratiqué. Il y a encore sur terre des prêtres juifs qui offrent à Dieu des dons, vin, 4. Après avoir décrit le tabernacle mosaïque et les sacrifices qui s’y opéraient, ix, 2-8, l’auteur conclut : « C’est une figure pour le temps présent où l’on présente des offrandes et des sacrifices qui ne peuvent rendre parfait » , 9. Les sacrifices sanglants sont encore offerts pour la rémission des péchés, ix, 22, et le grand-prêtre pénètre encore une fois par an dans le Saint des saints, îx, 25. Les sacrifices annuels de bœufs et de taureaux ne rendent pas parfaits, puisqu’on n’a pas cessé de les offrir et qu’on les offre encore chaque année, x, 1-3. Toute l’argumentation de l’auteur suppose que la religion mosaïque existe toujours ; elle vise à dissuader les lecteurs de retourner au culte du temple de Jérusalem. Après la destruction de la ville, ce but eût été sans raison. Si le temple avait été renversé, l’auteur en aurait parlé, car sa ruine aurait été pour sa thèse un argument irréfragable. Il n’aurait pas dit seulement que la première alliance était vieillie et près de finir, vin, 13, il aurait dit qu’elle était morte et abolie. Les deux alliances qu’il compare constamment et qu’il oppose sont coexistantes. Si la première avait été abrogée, il n’aurait pas eu besoin de recommander de ne pas retourner à des images mortes ni craint une défection par le retour à l’ancien culte.

Non seulement il n’est pas fait mention de la ruine du temple, il n’y a pas non plus la moindre allusion à la guerre juive qui a précédé et amené cette catastrophe. L’Épître a donc été écrite avant l’ouverture de cette guerre. Toutefois, elle l’aurait précédée d’assez peu. La persécution, en effet, peut bien reprendre plus violente que par le passé, xii, 4, 5. La patience est nécessaire, et le Seigneur ne tardera pas à venir, x, 36, 37, Le grand jour approche, et les fidèles le voient venir, x. 25. Ce serait donc entre 63 et 66 que la lettre aurait été composée. C’est la conclusion adoptée par beaucoup de catholiques, Cornely, Schâfer, Trenkle, Relser, Huyghe, Prat, et de protestants, Wieseler, Westcott, .