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HÉBREUX


en 61, enleva aux juifs leurs droits et reconnut les païens seuls comme maîtres de la ville. La lettre aux Hébreux fut écrite pour consoler les juifs de la misère qui s’ensuivit pour eux, et eux-mêmes n’étaient pas encore revenus au bon ordre. La lettre serait donc à placer entre 60 et 66. D’autre part, les événements de Jérusalem, la mort de saint Jacques, Josèphe, Ant. jud., xx, 9, 1, avaient eu un contre-coup à Césarée, et les judéo-chrétiens de cette ville étaient à la veille d’une persécution. La lettre daterait donc de 62 et serait du commencement de l’été. — Ces arguments ne suffisent pas à justifier la destination de l’Épître à l’Église de Césarée, sur laquelle nous sommes peu renseignés. Les métaphores nautiques pouvaient être comprises par les chrétiens de Jérusalem, aussi bien que celle des jeux grecs, qu’ils connaissaient. D’autres images indiquent un pays de culture, vi, 7, 8. L’auteur écrivait peut-être dans un port d’Italie, en attendant Timothée, et il empruntait au lieu où il résidait les images militaires, théâtrales et gymnastiques qu’il emploie. La situation historique, qui a suivi la mort de saint Jacques, a pu se prolonger pour les judéo-chrétiens de Jérusalem jusqu’à la date fixée.

2. A l’Église judéo-chrétienne d’Alexandrie. — Quelques critiques, Schmidt, Hilgenfeld, Volkmar, Davidson, Ritschl, Wieseler et Weizsâcker l’ont pensé. Cette Église, disent-ils, a été dès son berceau, nombreuse et elle a exercé une forte influence doctrinale. Or, l’Épître aux Hébreux reflète les idées et les tendances des écrivains juifs d’Alexandrie, notamment de Philon, et elle interprète l’Ancien Testament selon leur mélhode figurative. Seuls, des Alexandrins étaient capables de comprendre l’interprétation typologique de l’Épître et la manière dont l’auteur spiritualise le culte mosaïque. Les citations bibliques de l’Épître, faites d’après la version des Septante, se rapprochent plus du texte du codex Alcxandrinus que de celui des autres manuscrits. Plusieurs expressions sont communes à la Sagesse, qui est un écrit alexandrin, et à l’Épître : ainsi noXujxepbj ;, Sap., vii, 22 ; Heb., i, 1 ; kKtxûy/xvpti, Sap., vii, 25 ; Heb., i, 3 ; ûjto<3T<xai ;, Sap., xvi, 22 ; Heb., i, 3 ; Beparccov, Sap., x, 16 ; Heb., ni, 5. La langue de l’Épître présente des analogies avec celle de Philon tant pour certains termes communs que pour les formes de la phrase. On peut en conclure que l’auteur était un membre de l’Église d’Alexandrie à laquelle il écrivait. Enfin, ce qui est dit du tabernacle, ix, 2-8, et des prêtres offrant chaque jour un sacrifice pour le péché, vu, 27, décrirait les usages du temple juif de Léontopolis.

Ces arguments ont peu de valeur. Les ressemblances avec Philon et l’école alexandrine, quoique réelles, ne sont pas suffisantes pour permettre d’affirmer que l’auteur et les lecteurs étaient des chrétiens d’Alexandrie. Tous les judéo-chrétiens pouvaient comprendre la typologie de l’Épître et sa spiritualisation de la loi mosaïque, car cette méthode d’interprétation était répandue dans toutes les communautés juives des pays de la dispersion et elle ne devait pas même être inconnue à Jérusalem, où il y avait une synagogue d’Alexandrins. Act., vi, 9. Les citations bibliques, qui ressemblent au texte de V Alcxandrinus, ne sont pas nombreuses, et une seule mérite de fixer l’attention. Nous ignorons entièrement quel était le culte pratiqué à Léontopolis. Les allusions indiquées sont purement hypothétiques. D’ailleurs, il est question du tabernacle du désert, ix, 2-8, et le sacrifice, offert tous les jours, vu, 27, n’est pas spécifiquement le sacrifice pour le péché, mais un sacrifice ordinaire, dont un des effets était expiatoire. Enfin, les docteurs d’Alexandrie, qui sont les premiers à parler de l’auteur et des destinataires de l’Épître, l’attribuent à saint Paul et disent qu’elle a été adressée aux Hébreux de Jérusalem. Ils ne

soupçonnaient même pas qu’elle ait été envoyée à leur Église.

3. A l’Église de Rome.

Un plus grand nombre d’auteurs, Wettstein, Holtzmann, Mangold, Schenkel, von Soden, Zahn, Harnack, en Allemagne, Alford, Bruce et Milligan en Angleterre, Renan et Albert Réville en France, ont prétendu que l’Épître aux Hébreux avait été adressée à la communauté judéochrétienne de Rome, ou au moins à une de ses églises domestiques. Les allusions historiques de la lettre orientent vers Rome. Les lecteurs sont félicités du grand combat qu’ils ont soutenu au milieu des souffrances, x, 32, de la joie avec laquelle ils se sont résignés à la confiscation de leurs biens, x, 34. Quelques-uns ont subi le martyre, xii, 4, et les chefs de la communauté (saint Pierre et saint Paul) ont été victimes de la persécution, xiii, 7. Aussi les persécutés sont-ils abattus et sur le point de fléchir, xii, 12. L’auteur veut_ relever leur courage et remettre sous leurs yeux la passion de Jésus. Ils doivent retremper leur énergie dans la foi, car la persécution se prolonge, xiii, 2, 3. Beaucoup sont prisonniers et en proie à de mauvais traitements, et d’autres épreuves sont imminentes, xii, 3, 4. Ces traits conviennent à la situation de l’Église de Rome sous Claude et sous Néron. En 42, Claude chasse les juifs de Rome, et les chrétiens sont englobés dans son édit. Act., viii, 2 (Aquila et Priscille). L’auteur a été atteint par cette persécution : il est éloigné de sa communauté par une mesure de rigueur, semblet-il, xin, 19. La police avait interdit les réunions des juifs non expulsés de Rome. Par suite, beaucoup des destinataires avaient déserté leur assemblée. En 64, il y eut de nombreuses arrestations de chrétiens. Cf. xiii, 3. La répression, commencée sous le grief d’incendie de Rome, fut continuée sous l’accusation d’inimitié du genre humain et elle devint permanente et systématique. La salutation des frères d’Italie, xiii, 24, confirme cette conclusion. Elle est celle de ceux qui sont venus d’Italie, si àrcô indique le point de départ et T7] ?’iTaXi’aç le lieu d’origine. S’il s’était agi de la salutation des habitants de l’Italie, àxô aurait été remplacé par èv. Cf. I Pet., v, 13. Enfin l’Église de Rome était spécialement renseignée sur l’Épître. Clément de Rome l’a connue, et les Romains savaient qu’elle n’était pas de Paul, c’est pourquoi ils ne la recevaient pas au nombre des écrits canoniques du Nouveau Testament. Ces faits s’expliquent aisément si la lettre a été adressée à l’Église de Rome.

Comme l’Église de Rome était composée de chrétiens, dont une partie, sinon la majorité, était d’origine païenne, plusieurs critiques ont supposé que la lettre n’avait pas été adressée à toute l’Église de Rome, mais à une des petites communautés qui existaient dans son sein et dont l’existence est attestée au c. xvi de l’Épître aux Romains. Pour Milligan, The Theology of the Epistle to the Hebrcws, Edimbourg, 1899, p. 49-50, la communauté destinataire était celle qui avait été formée par les Romains qui étaient à Jérusalem le jour de la Pentecôte, Act., ii, 10, et qui étaient peu instruits de la doctrine chrétienne. Mais les advenæ Romani n’étaient-ils pas plutôt des juifs, autrefois établis à Rome et revenus à Jérusalem d’une manière définitive ? Quoique, selon Zahn, Einlcitung in das N. T., 2e édit., Leipzig, 1900, t. ii, p. 148, l’Église de Rome ait été en majorité judéo-chrétienne, quand saint Paul lui écrivait en 58, et qu’elle ait gardé ce caractère jusqu’en 80 (époque où il place la rédaction de l’Épître aux Hébreux), il n’est pas cependant vraisemblable que cette dernière Épître ait été adressée à un des groupes dont parle saint Paul, Rom., xvi, 3-15, à un groupe de chrétiens d’origine juive, par exemple, à celui qui est mentionné au v. 14, ou à tout autre de cette nature. | Harnack, Probabilia ùber die Adresse und den Verfasser