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HÉBREUX


Imauvayto-pj est emprunté, semble-t-il, à II Mac, ii, 7, il désigne le lieu de l’assemblée chrétienne par un nom juif, cf. II Thés., ii, 1, ce qui confirme plutôt que les destinataires de l’Épître étaient juifs. L’absence d’allusion au culte païen, jointe au goût de terroir juif qu’on sent dans toute la lettre, exclut positivement des destinataires sortis du paganisme.

3. Aon pas à une Église formée de païens et de juifs convertis. — A. Jùlicher, Einleitung in das N. T., 3e édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 130, et A. Harnack, dans Zeitschrift fur die neutestamentliche Wissenschaft, 1900, p. 18-19, ont prétendu que l’Épître avait été rédigée à une époque où la distinction entre juifs et païens était hors de mode dans l’Église et que tous les passages où l’on avait vu des allusions à des juifs convertis pouvaient s’appliquer à des païens. Ils en concluaient qu’elle était destinée à des Romains, qui étaient venus au Christ tant du judaïsme que du paganisme. Windisch s’est rallié à ce sentiment. Non, tous les traits de l’Épître ne s’appliquent pas aussi bien à des païens qu’à des juifs, et il suffît d’en citer un exemple, xiii, 9-11. Lors même donc qu’à la rigueur quelques-uns pourraient s’entendre des gentils, l’impression générale demeure que la lettre suppose un état d’âme que seuls des judéo-chrétiens ont pu avoir.

2° A quels juifs convertis l’É pitre fut-elle destinée ? — Quelques critiques ont prétendu qu’elle était adressée à tous les chrétiens issus du judaïsme. La lettre n’a pas les caractères d’une encyclique, et son auteur paraît avoir en vue des lecteurs qu’il connaît personnellement, v, 11, 12 ; x, 22-24. Elle était donc plutôt envoyée à une communauté judéo-chrétienne en particulier. A laquelle ? On a nommé parfois les Églises de Corinthe, de Thessalonique, d’Antioche, de Ravenne, de la Galatie, et même celle de Jamnia. Ces désignations n’ont aucun fondement. L’ancienne tradition a enseigné que la lettre était destinée aux chrétiens de Jérusalem ; des critiques modernes ont pensé aux communautés judéo-chrétiennes d’Alexandrie et de Rome.

1. A l’Église judéo-chrétienne de Jérusalem.

On peut apporter en ce sens de bons arguments. Le titre ; tpôç’ËSpaîouç vise les Juifs convertis de Jérusalem. Dans le Nouveau Testament, les’ESpaîot sont des chrétiens d’origine juive, qui parlent araméen, par opposition aux "EXXi}veç ou’EXXr|V.<iTai, qui parlent grec. La tradition ecclésiastique a entendu le titre dans ce sens. La communauté chrétienne de Jérusalem était la seule où il n’y eut pas de convertis de la gentilité. Du reste, le contenu de l’Épître confirme cette interprétation du titre. Les lecteurs connaissaient à fond le culte juif et le service lévitique, et ils l’avaient eu sous les yeux. Il n’y a pas le moindre indice qu’il ait cessé d’être pratiqué. Au contraire, il est dit que les sacrifices juifs continuent à être offerts, viii, 3-5 ; x, 2 ; xiii, 9-11. Toutefois, il n’est pas fait mention du temple de Jérusalem, car la description, ix, 2-9, est celle du tabernacle du désert. Le détail que le Christ est mort àÇa> tf) ; îiùXt] ;, xiii, 12, ne pouvait intéresser que des Palestiniens. Les fondateurs de la communauté avaient été des apôtres directs du Christ, ii, 3 ; xiii, 7, ce qui s’est réalisé à Jérusalem. Ils étaient morts pour la foi, xiii, 7 : ce qui convient à saint Etienne (35), aux deux Jacques, le Majeur (44) et le Mineur (62). Les lecteurs eux-mêmes ont subi la persécution pour leur foi, x, 32-34 ; ils n’ont pas encore résisté jusqu’au sang, xii, 4. L’opposition établie entre la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste, xii, 22, confirme les données précédentes, qui sont loin d’être vagues et générales.

On a prétendu, à rencontre de ce sentiment, que l’éloge de la charité manifestée à l’égard des saints, vi, K), convient mieux à une Église étrangère qui aurait assisté de ses aumônes la pauvre communauté de Jérusalem, d’autant que, dans tout le Nouveau Testa ment, l’expression « les saints » sans adjonction de lieu désigne ordinairement les chrétiens de Jérusalem, pour lesquels on faisait la collecte. I Cor., xvi, 1 ; II Cor., vin, 4 ; Rom., xv, 31. Mais, d’abord, cette expression sans nom de lieu ne désigne pas nécessairement les chrétiens de Jérusalem, puisqu’elle est appliquée à tous les chrétiens en général, I Cor., vi, 1, 2 ; Col., i, 12 ; Jude, 3 ; Apoc, xiii, 7, sans qu’elle soit accompagnée, comme ailleurs, de l’adjectif jwte ;. L’Église de Jérusalem peut donc être louée de sa charité envers des chrétiens. En outre, le verbe Biaxoveïv a un sens général, qui ne peut être restreint à la collecte, et qui est employé avec le mot « les saints » , Rom., xii, 13 ; cf. I Cor., xvi, 15, dans un contexte où il n’est pas question des collectes. Dans l’Épître aux Hébreux, vi, 10, il n’est pas nécessairement question des collectes. Il s’agit d’un autre acte de charité envers les saints, vraisemblablement du même genre que celui qui est rappelé, x, 34, du soin des prisonniers. Les saints ainsi secourus peuvent être des chrétiens de l’Église de Jérusalem, qui sont tous des saints, xiii, 24.

On a dit aussi que la situation de la communauté, telle qu’elle est décrite, v, 11-14, comprenant des chrétiens, qui devraient être des maîtres, mais qui sont encore des enfants en fait de doctrine, ayant besoin d’être instruits des rudiments élémentaires des oracles de Dieu, incapables de recevoir une nourriture solide, ne répond pas à celle de l’Église de Jérusalem, qui a été instruite par les apôtres, gouvernée par saint Jacques et visitée par tant de missionnaires qui, partant de son sein, y revenaient après leurs missions. Or, il est à noter que cette description n’est pas faite à propos de l’enseignement ordinaire, que les lecteurs ont reçu au début de leur conversion et qui est rappelé, vi, 1, 2, mais à propos de la grande et difficile question du sacerdoce de Jésus-Christ, que l’auteur va traiter, v, 11, et pour laquelle ses lecteurs ne sont pas préparés. Les chefs de cette Église n’en avaient pas parlé à leurs fidèles, puisque l’Épître aux Hébreux est l’unique écrit du Nouveau Testament où elle soit exposée. Elle pouvait donc être annoncée en ces termes mêmes aux chrétiens de Jérusalem.

Enfin, si la lettre était destinée aux chrétiens de Jérusalem, elle aurait dû être écrite, non pas en grec, mais bien en araméen, comme l’avaient supposé Pantène et Clément d’Alexandrie. Mais le rédacteur ignorait peut-être l’araméen et même pour écrire aux chrétiens de Jérusalem, il a employé le grec, la langue internationale de cette époque, qui était, d’ailleurs, parlée et comprise à Jérusalem par beaucoup d’habitants, et la lettre a pu être interprétée en araméen pour les chrétiens qui n’entendaient pas le grec.

A cause de la langue, Riehm a pensé que la lettre a été adressée à un groupe de juifs hellénistes, membres de l’Église de Jérusalem. Le P. Lemonnyer tient cette hypothèse comme la plus satisfaisante et il dit qu’on peut s’y rallier jusqu’à plus ample informé. Épîtres de saint Paul. Deuxième partie, Paris, 1905, p. 199.

Barklet, dans Exposilor, 1903, t. viii, p. 382-383, en s’appuyant sur les métaphores, empruntées à la vie maritime, ii, 1 ; vi, 18, 19, et sur la description vivante des courses dans l’amphithéâtre, x, 33, a conclu que les judéo-chrétiens, auxquels la lettre était destinée, habitaient une ville rapprochée de la mer et à moitié grecque. Les allusions à leur histoire et aux vices qu’ils doivent éviter indiquent aussi un pays de ce genre. Les lecteurs n’ont pas supporté toutes les persécutions précédentes des Églises palestiniennes, x, 32 sq. Ils étaient riches, xiii, 5, et livrés aux plaisirs de la chair, xiii, 4. Or, cette situation, d’après Josèphe, Ant. jud., xx, 8, 9, convenait à l’Église de Césarée de Palestine. Sous Félix, les juifs riches et les païens cherchaient à occuDer la plus haute situation. Néron,