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Enfin, le style de saint Luc n w manifeste jamais la rhétorique spéciale et la culture alexandrine du rédacteur de l’Épître aux Hébreux.

Eagar a récemment fait valoir la ressemblance de contenu et de style de l’Épître avec le troisième Évangile et les Actes pour attribuer à saint Luc l’Épître aux Hébreux. The aulhorship of the Epistel to the Hebrews, dans Expositor, 1904, p. 74-80, 110-123. Il a trouvé dans les deux écrits la même économie. Les rapports des deux Testaments sont les mêmes. Dans l’Évangile de l’enfance, le service du temple de Jérusalem est décrit dans le ton de l’Épître, par un artiste et un poète. Luc seul parle des anges annonçant la naissance du Fils de Dieu ; il présente Jésus comme prêtre et hostie. Il expose la vocation des gentils, surtout dans les Actes et dans les sept paraboles évangéliques qui lui sont propres. L’Épître aux Hébreux est seule avec Luc à retracer les rapports du christianisme avec le judaïsme comme conséquence logique de la doctrine de saint Paul. L’Évangile de Luc est l’Évangile des anges, des pauvres et des malheureux pour qui le Sauveur a de la compassion ; il respire la tolérance et la grâce. C’est aussi le caractère de l’Épître aux Hébreux. Le style de Luc présente quelques ressemblances avec celui de l’Épître : quelques allitérations et assonances, des antithèses, des substantifs verbaux actifs, l’emploi fréquent de l’article déterminé, 612 mots communs sur 754, hormis les 154 axaÇ Xeyo’jxsvdc, quelques termes de médecine. Ces ressemblances sont très générales, et il y en a de pareilles entre l’Épître et les lettres de saint Paul. Elles ne prouvent pas l’origine commune des écrits qui les présentent. Il est donc peu vaisemblable que saint Luc soit l’auteur ou même simplement le rédacteur de l’Épître aux Hébreux.

2. Saint Clément de Rome.

On lui attribuait

l’Épître avant Origène déjà. Eusèbe reconnaissait en lui le traducteur de la lettre, à cause de la ressemblance du style et des pensées de la /* Cor. avec elle. Théodoret et le pseudo-Euthalius étaient du même avis. Des critiques catholiques ont pensé, dans les temps modernes, que Clément était le véritable auteur de la lettre : Mash, Reithmayr, Langen, Aberle, Bisping, Kaulen, Cornely. En dehors des citations de l’Épître, la ressemblance de fond et de forme, sur laquelle ils s’appuient, est peu frappante et elle s’explique suffisamment par la connaissance et l’utilisation de l’Épître par saint Clément. D’autre part, le style des deux écrits est si différent que Clément ne peut avoir rédigé l’Épître. Sa pensée est moins originale, son style est moins pur et moins précis ; il est monotone, moins soigné, moins rhétorique ; il a des caractères différents : beaucoup de mots propres, des phrases coordonnées et non subordonnées ; l’Écriture est citée d’une manière spéciale ; les doxologies sont multipliées. Bref, les idées de Clément et la manière de les exprimer témoignent d’une autre orientation d’esprit. Enfin, si Clément avait été l’auteur, ou même simplement le traducteur de l’Épître, on l’aurait su à Rome, où l’Épître aux Hébreux a été longtemps inconnue et où on ignorait le nom de l’auteur, quand elle y fut connue.

3. Saint Barnabe.

Tertullien lui a attribué l’Épître. Quelques critiques ont prétendu que l’Épître aux Hébreux, qui n’est pas nommée parmi les lettres de saint Paul, était désignée dans le canon du codex Claromontanus (vie siècle), qu’on rapporte au iiie siècle et à l’Afrique par les mots : Barnabæ cpist. vers. DCCCL. Zahn, Gcschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. ii, p. 159. Le nombre des stiques : 850, se rapproche de la longueur de cette Épître. Zahn, toc. cit.. p. 170-171, ne trouve pas la preuve suffisante ; les chiffres des stiques ne sont pas sûrs et la différence est notable. Jamais l’Épître aux Hébreux n’a été citée en Afrique sous le titre de Barnabæ Epistola, et le canon est plutôt

alexandrin qu’africain. Zahn, op. cit., t. i, p. 290-294, pensait que la lettre n’avait porté ce titre que dans les communautés montanistes de l’Asie Mineure. Mais quand Tertullien cite, vers 220, l’Épître aux Hébreux comme de Barnabe, il n’est pas encore montaniste. En Orient, on n’a connu l’Épître que comme l’œuvre de saint Paul. Ed. Riggenbach, Dcr Bricf an die Hebrûer, Leipzig, 1913, p. xi, pense que Tertullien n’a pas inventé l’attribution de l’Épître à Barnabe, mais qu’il l’a empruntée aux Romains, qui connaissaient la lettre comme l’œuvre de Barnabe et par suite ne l’admettaient pas au canon biblique. Tel est précisément le sentiment de Tertullien qui estimait toutefois cette Épître plus recevable que le Pasteur d’Hermas. On prétend que le témoignage de Grégoire d’Elvire est indépendant de celui de Tertullien et qu’il attesterait une tradition occidentale, qui attribuait l’Épître à Barnabe et dont le point de départ aurait été Rome. Saint Philastre visait peut-être un écrivain qui pensait comme Grégoire d’Elvire. User., 89, P. L., t. xii, col. 1201. Dom de Bruyne, Un prologue inédit des Épttrcs catholiques, dans la Revue bénédictine, 1906, p. 84-85, a publié, d’après un manuscrit de l’Ambrosienne du xie siècle, un catalogue qui débute ainsi : Canoncs Novi Testamenti primus Pelrus scripsil, secundus Jacobus, tertius Malheus, quartus Judas, quintus Paulus, sexlus Barnabas, septimus Lucas, octavus Marcus, nonus Johannes. L’ordre suivi est l’ordre chronologique ; Barnabe serait donc le sixième écrivain du Nouveau Testament. Puisque sa lettre n’a jamais été tenue pour canonique en Occident, puisqu’il est nommé entre Paul et Luc, disciple de Paul, dom de Bruyne en conclut qu’il est considéré comme l’auteur de l’Épître aux Hébreux. Mais ce catalogue est-il d’origine occidentale ? Ne serait-il pas la traduction d’un original grec ? D’un ensemble de considérations, Riggenbach, op. cit., p. xii-xiv, note, conclut que ce catalogue latin dépend de Clément d’Alexandrie, dont les Hypotyposcs ont été traduites en latin par Cassiodore. Par suite, sous le nom de Barnabe, il n’y a que l’Épître de Barnabe qui puisse être désignée et qui était déjà traduite en latin au ive siècle.

L’attribution de l’Épître aux Hébreux à Barnabe a été adoptée par quelques catholiques, Maicr, Fouard, et par un plus grand nombre de protestants, J. E. Ch. Schmidt, Ullmann, Twesten, Wieseler, VolUmar, Ritschl, 1 " Gran, Thiersch, B. Weiss, Keil, Kubel, Salmon, H. Schulz, Overbeck, Lagarde, Zahn, Blass, Bartlet, Ayles, Dibelius, Endemann, Riggenbach, et par Renan. En dehors de la tradition occidentale, ils font valoir les caractères généraux de l’Épître. Barnabe était de la génération sub-apostolique, juif de race, helléniste d’éducation, compagnon de saint Paul, ayant vécu dans son intimité, l’ayant souvent entendu parler, étant par suite bien au courant de ses doctrines. Il avait entendu aussi la prédication qui faisait le fond de la tradition évangélique ; il connaissait probablement les écrits de saint Luc et de saint Pierre, ou tcut au moins leurs sources. Il avait été le maître de saint Marc. Lévite, il était au courant du rituel mosaïque, et Blass a supposé que la forme rythmique de l’Épître était l’œuvre d’un lévite, habitué au chant des psaumes dans le service liturgique. Natif de Chypre, Barnabe a parlé grec dès son enfance, et la littérature alexandrine a pu lui être familière. Il était au mieux avec la communauté chrétienne de Jérusalem, à laquelle il avait abandonné ses biens, Act., iv, 37, et il jouissait d’une grande autorité en Palestine. Act., xi, 24. La lettre qui porte son nom ne peut être un obstacle à cette attribution, puisqu’elle n’est pas de lui. Par conséquent, la différence de style et de doctrine des deux écrits s’explique par la diversité des auteurs.

La tradition occidentale est-elle aussi favorable