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HEBREUX


vid Schulz, Der Brief an die Hebrâer, Breslau, 1818, p. 125-130 (cf. L. Hug. Einleitung in die Schriften des N. T., 4e édit., Stuttgard et Tubingue, 1847, t. i, p. 400-4041 ; Bleck, Der Brief an die Hebrâer, Berlin, 1828. La plupart des critiques modernes, sauf de rares exceptions, n’admettent plus, à aucun titre, l’origine paulinienne de l’Épître aux Hébreux pour des arguments intrinsèques que nous allons rapporter. Quelquesuns cependant pensent qu’elle est l’œuvre d’un disciple de saint Paul, qui aurait exposé en un grec très pur les doctrines de son maître. Ponr les mêmes raisons et vu la divergence d’opinions des anciens écrivains ecclésiastiques, beaucoup de catholiques récents, depuis le milieu du xixe siècle, ne soutiennent plus que l’origine paulinienne indirecte de cette lettre : un disciple de l’apôtre aurait, non pas sans doute sous sa dictée, ni même par son ordre, mais dans son esprit, composé cette lettre adressée aux juifs convertis de Jérusalem ; il aurait exposé les idées de son maître, en y mêlant quelques-unes des siennes, et il aurait donné à la lettre la forme qu’elle a actuellement.

II. ARGUMENTS INTRINSÈQUES.

1° En faVCUT de

l’origine paulinienne directe. — La lettre elle-même ne fournit qu’un seul argument direct, qui soit favorable à son origine paulinienne : c’est la mention de Timothée, xiii, 23, mention faite dans les Épîtres authentiques de l’apôtre. I Thés., iii, 2 ; II Cor., i, 1 ; Col., i, 1 ; Philem., 1. Elle prouve que l’auteur s’intéresse au sort d’un compagnon de saint Paul, et on en peut conclure qu’il est Paul lui-même. L’indication qu’il a été libéré de la prison ou déclaré innocent d’un crime (car à710XeXuij.évov peut avoir ces deux sens), ne va pas à rencontre, car nous ignorons beaucoup de particularités de la vie de Timothée et il n’est pas prouvé que ce fait soit postérieur à la mort de saint Paul ; il peut correspondre à sa seconde captivité et à la date qu’on attribue à l’Épitre. Cet indice est peu concluant. — On a voulu voir une autre preuve de cette origine dans une prétendue allusion aux chaînes de saint Paul, x, 34. Mais la leçon toi ; Séapioiç (/.ou, bien qu’elle soit attestée par le Sinaiticus et cinq autres onciaux (EHKLP), n’est pas authentique, et il faut lire en cet endroit : toi ; Sêuiiioiç, leçon reproduite par la Vulgate. — Une allusion du même genre a été aperçue aussi, xiii, 18, 19, où l’auteur a confiance dans la bonté de sa cause et demande des prières pour être rendu plus promptement à ses lecteurs : ce serait saint Paul emprisonné qui attendrait sa libération. Mais le verset 23 laisse supposer que l’écrivain jouissait de sa liberté.

On peut encore faire valoir en faveur de l’origine paulinienne de cette Épître l’accord de sa doctrine et de ses idées avec la doctrine et les idées de l’apôtre, la ressemblance des exhortations et même celle des expressions. Voir plus loin.

Contre l’origine paulinienne.

Ces arguments

sont tirés du fond et de la forme de la lettre. — 1. Du fond. — a) Seule de toutes les lettres attribuées à saint Paul, celle-ci est anonyme. L’apôtre a coutume de se nommer et d’indiquer ses titres au début de ses missives. Ici, l’inscription ordinaire manque, et l’auteur ne fournit aucun détail personnel. A la fin, il n’adresse pas, comme saint Paul, des salutations à des amis qu’il nomme. Les anciens ont expliqué l’absence de suscription par une raison de prudence, pour ne pas écarter, dès les premiers mots, les lecteurs judéo-chrétiens auxquels il écrivait. Cette explication ne s’accorde guère avec le caractère franc et loyal de l’apôtre, et l’omission de son nom et de ses titres était bien inutile, car les lecteurs ne pouvaient ignorer longtemps qui leur écrivait. L’absence de salutations personnelles a toutefois son pendant dans l’Épître aux Éphésiens, que des critiques, il est vrai, tiennent pour non authentique.

b) L’auteur semble se distinguer nettement de la pre DICT. DE TDÉOL. CATHOL

mière génération chrétienne et se ranger au nombre da ceux qui ont reçu l’Évangile de seconde main. Le salut qui a commencé à être prêché par le Seigneur, nous a été confirmé, dit-il, par ceux qui l’avaient entendu, il, 3. Or, dans ses Épitres authentiques, Gal., i, 1, 11, 12, 15, 16 ; ii, 6, saint Paul dit qu’il a reçu son Évangile de Jésus lui-même et qu’il n’est redevable de rien aux apôtres. Il ne peut donc pas être l’auteur de cette Épître. D’ailleurs, il serait étonnant qu’écrivant aux juifs de Jérusalem, il n’ait pas revendiqué son indépendance apostolique. On peut répondre, il est vrai, que l’auteur parle de ses lecteurs, et non de lui-même, puisqu’il leur fait une exhortation. Saint Paul, écrivant aux chrétiens de Jérusalem, n’avait aucune raison d’en appeler à la révélation immédiate du Christ. Au surplus, il n’était pas, comme les autres apôtres, le disciple auriculaire de Jésus et il n’avait pas, comme eux, confirmé la foi des Hiérosolymitains. Ceux-ci connaissaient sa conversion, et il n’était pas nécessaire de la leur rappeler ni de la justifier, au milieu d’une courte exhortation dans laquelle les apôtres étaient nommés incidemment.

c) On oppose avec plus de force à l’authenticité paulinienne de l’Épître les nombreuses différences de doctrine qu’on constate entre elle et les Épîtres do saint Paul. — a. La théorie générale sur la loi. — Pour saint Paul, la loi mosaïque est une règle de vie, que Dieu a tracée et qui aurait pu justifier ceux qui l’observaient, si la faiblesse humaine ne l’avait rendue impuissante pour la justification, et c’est pourquoi elle a été abrogée. Rom., viii, 3. Dans l’Épître aux Hébreux, elle est un ensemble de règlements rituels et moraux, dont le but est de faciliter l’union des hommes avec Dieu ; elle était le signe et le moyen de l’alliance entre Dieu et les hommes. Elle a été abrogée parce qu’elle était imparfaite, et, par suite, impuissante et inutile. Heb., vu, 18, 19. Saint Paul dit que la loi a été abrogée par Jésus ; l’Épître ne le dit pas. D’après saint Paul, elle devait préparer l’Évangile ; d’après l’Épître, elle en était seulement l’ombre et la figure, viii, 5 ; ix 8* x, 1. Cependant saint Paul la tient aussi pour une ombre de l’avenir. Col., ii, 17. D’ailleurs, les deux points de vue, quoique différents, ne sont pas contradictoires et peuvent se compléter. Enfin, l’Épître présente avec la doctrine de l’apôtre sur la loi plusieurs points de contact. Ainsi la loi a été révélée par les anges, Heb., ii, 2, et promulguée par eux, Gal., iii, 19 ; elle est impuissante et inutile, Heb., vii, 18 ; Gal., iv, 19 (si on entend d’elle les éléments grossiers du monde) ; elle n’a rien amené à la perfection, Heb., vii, 19 ; elle est incapable de justifier, Gal., ii, 16 ; elle n’inspirait que la crainte, Heb., xii, 18-21 ; Rom., viii, 3 ; Gal., iii, 3 ; iv, 3 ; les sacrifices qu’elle commandait ne pouvaient rendre parfaits ceux qui les offraient, Heb., x, 1 ; elle ne justifiait personne, Gal., ni, 11 ; les biens futurs dont elle était l’ombre étaient la cité future, Heb., xii, 22 ; xiii, 14, la Jérusalem céleste Gal., iv, 26. — b. Christologie. — Jésus-Christ crucifié et ressuscité est le centre de la christologie de saint Paul, Rom., vi, 4-9, etc. ; dans l’Épître aux Hébreux, c’est Jésus monté au ciel et assis à la droite de son Père, i, 3 ; viii, 1 ; ix, 11. S’il s’est incarné, ce n’est pas pour la même raison : pour l’apôtre, Jésus, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour enrichir les hommes par sa pauvreté, II Cor., viii, 9 ; il s’est dépouillé lui-même, étant en forme de Dieu, Phil., ii, 6, 7 ; il s’est donc fait homme pour sauver et relever l’humanité abaissée et déchue, tandis que, dans l’Épître aux Hébreux, il convenait que Dieu amenât ses fils à la gloire en les sauvant par la passion de son Fils, ii, 10, qui a sauvé tous les hommes par sa propre perfection, v, 9. Pour saint Paul, Jésus-Christ. est mort pour le pécheur, en se substituant à lui ; pour satisfaire à la justice de Dieu

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