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HABITUDINAIRES


taient bien les remèdes que Notre-Seigneur a institués pour les malades ; et ils prétendaient sauver les âmes autrement que par les sacrements que le divin rédempteur a institués pour leur salut. L’absolution sacramentelle, en clïet, n’est pas seulement un jugement porté sur le pénitent ; elle est aussi un remède. Pour la conversion des pécheurs, dit saint Alphonse, il faut plus espérer de la grâce du sacrement que du délai de l’absolution. Theologia moralis, 1. VI, tr. IV, c. i, dub. ii, n. 103 sq., t. iii, p. 476. Cf. Salmanticenses, tr. VI. De pœniientia, c. v, p. iv, n. 68, t. i, p. 152 sq. L’auteur des Conférences d’Angers semble avoir trop oublié ce sage avertissement, IXe conférence, Du sacrement de pénitence, q. ii, 16 in-8°, Paris, 18291830, t. viii, p. 301 sq. Cf. S. Thomas, Sum. theoL, IIP" Supplem., q. xxv, a. 1, ad 4’"° ; Lacroix, Theologia moralis, 1. VI, part. II, n. 1768.

Dans sa lettre encyclique, Charilale Christi, du 25 décembre 1825, pour l’extension du jubilé de 1826, Léon XII commente éloquemment cette parole du divin Maître : Non egent qui sani sunt medico, sed qui maie habenl. Non en ira veni vocare justos, sed peccatores ad psenitentiam. Luc, v, 31, 32 ; Marc, ii, 17. Il condamne sévèrement les confesseurs qui, à la vue d’un habitudinaire chargé d’une multitude de fautes graves, prononcent qu’ils ne peuvent l’absoudre, et refusent ainsi d’appliquer le remède à ceux-là mêmes dont la guérison est l’objet principal du ministère qui leur a été confié par le divin Sauveur. Cf. Gousset, Théologie morale, Traité du sacrement de pénitence, c. ix, n. 537, t. ii, p. 354. La crainte de mal appliquer les remèdes nécessaires à un malade ne peut justifier les médecins imprudents et coupables qui attendent, pour le soigner, qu’il soit à peu près guéri par ses propres efforts, ou par l’affaiblissement naturel de la maladie elle-même. Que de malades seraient condamnés, en principe, à une mort certaine, par cette inqualifiable méthode 1 C’est au médecin à faire une juste application des remèdes ; mais ces remèdes, il doit les appliquer et ne pas attendre que la maladie fasse de plus grands ravages et cause la perte irréparable de ceux dont il est chargé.

2° Les dispositions suffisantes pour l’absolution consistent dans la contrition et le ferme propos actuels, non dans la correction à venir, et on peut absoudre le pénitent, quoique l’on prévoie une rechute de sa part. Cf. S. Alphonse, loc. cit., t. iii, p. 470. Il est faux, en effet, que le signe de la conversion de la volonté soit l’épreuve du temps : cette conversion dépend de la grâce, laquelle n’a pas besoin d’un intervalle de temps, plus ou moins long, pour agir, mais qui peut, au contraire, agir instantanément. Cette action de la grâce peut donc se manifester non seulement par l’expérience que le temps apporte, mais par d’autres signes. Bien plus, ces signes, ou témoignages des dispositions présentes du pénitent, manifestent bien mieux le changement opéré dans sa volonté que ne le fait l’expérience du temps. Ces signes, en effet, montrent directement les dispositions actuelles du pénitent, tandis que l’expérience du temps ne les montre que d’une façon très indirecte. Il peut arriver en effet, que quelqu’un s’abstienne pendant quelque temps de pécher, principalement et même uniquement pour des considérations d’ordre purement humain, comme le fait remarquer justement saint Grégoire le Grand : se a viliis pro mundi hujus honcslale continecd. Ilomil., xiii, in Lvangct., ]>. L., t. lxxvi, col. 1124. Saint Jean Chrysostome parle de même : Je ne demande pas, (lit-il, l’épreuve du temps ; mais seulement la conversion de l’âme. Le pécheur est-il converti ? sa volonté perverse est-elle changée ? Cela suffit. Homil., xiv, in Epist. II ad Corinthios, n. 3, P. G., t. lxi, col. 502. Saint Jean Damascène enseigne la même doctrine.

A la suite des saints Pères, les maîtres de la théologie se sont attachés à démontrer que les dispositions nécessaires à la réception de l’absolution sont la douleur actuelle du péché avec le ferme propos de l’éviter à l’avenir, sans qu’il soit besoin d’en appeler à la contreépreuve du temps.

On retrouve cette doctrine si sage rappelée au cleiuô par la lettre pastorale des évoques de Belgique pour l’exécution du bref d’Innocent XII, du 13 avril 1697 : Confessarius a quibusvis peccatoribus gravibus, staluta lege non exigat, ut per notabile lempus prævic exercuerint opéra pœnitentise ; sed cum sanctis Palribus expendat Deum in conversione peccalorum non tam considérai ;  : mensuram temporis quam doloris. Cf. Lacroix, Theologia moralis, 1. VI, part. II, n. 1823 ; De Ram, Synodicum Belgieum, seu acla omnium ecclesiarum Belgis a celebntto concilio Tridentino usque ad concordatum anni 1801, Malines, 1828-1839, t. i, p. 623.

Il faut tenir compte beaucoup aussi de la distinction entre les habitudinaires qui commettent habituellement le péché froidement, par la perversion de la volonté, et ceux qui le commettent uniquement par fragilité, dans le feu de la passion. Les premiers détestent rarement le péché, et, par conséquent, sont rarement disposés pour l’absolution ; les seconds, au contraire, le détestent généralement beaucoup, dès qu’ils ne sont plus sous l’effet de la passion. Ceux-ci, en effet, pèchent presque malgré eux, comme le dit saint Anselme : nolenles in codem vilio dejiciuntur. Opuscul. de similitudinibus, c. exc, P. L., t. eux, col. 701. Cf. D’Annibale, Summula theologiæ moralis, 1. III, tr. III, De sacramento pœnilenliæ, c. ii, n. 3, n. 337, t. iii, p. 276 ; Marc, Instiluliones morales alphonsianæ, part. III, tr. V, De sacramento pœnitentiee, diss. III, c. ni, n. 1826, t. ii, p. 336.

Les théologiens rigides qui ne veulent pas absoudre les habitudinaires sans les soumettre à l’épreuve du temps, pendant plusieurs mois, et même plusieurs années, pour s’assurer de leurs bonnes dispositions, disent que les absoudre sans cette précaution, c’est les rendre plus coupables. Mais les renvoyer sans l’absolution, et, par conséquent, sans la grâce que le sacrement confère, est-ce les rendre plus forts, et assurer leur conversion ? N’est-ce pas plutôt les éloigner des sacrements, les exposer au désespoir et les jeter dans la voie de la perdition ? Quot miseros ipse cognovi, dit saint Alphonse, qui ob denegatam absolulionem se dejecerunt in desperationem, et per plures annos a sacramentis aversi aberrarunt. Theologia moralis, loc. cit., n. 464, t. iii, p. 477.

3° En vain, on opposerait à cette assertion l’enseignement de docteurs très recommandables, entre autres, celui de Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XIV : Pœnitere est anteacta deflcre, et flenda non commillere-Ces paroles doivent s’entendre d’actions simultanées, c’est-à-dire que le pénitent, tandis qu’il déplore ses fautes, n’en commette pas d’autres, car, alors, son regret serait seulement sur ses lèvres et nullement dans son cœur ou sa volonté, suivant le mot de saint Grégoire le Grand, loc. cit. : Nam qui sic alia déplorât, ut alia tamen committat, adhuc pœnitentiam agere aut ignorai, aut dissimulât. Quid enim prodest, si peccata luxuriæ quis defleat, et adhuc luxuriæ. œstibus anhelal ? Saint Thomsa apporte sa clarté ordinaire dans cette question, et la met en pleine lumière par les paroles suivantes : Disccndum quod pœnitere sil anteat ta deflcre et flenda non commiltere, scilicet, dum flct acla, vel proposito. Ille enim est irrisor et non peenitens, qui simul dum psenitet, agit quod pœnilel, vel proponit iterum se facturum quod gessit, vel ctiam actualitcr peccal eodem vel alio génère peccali. Quod autem aliquis poslca peccet, vel aciu, vel proposito, non excluait quin prius pœniientia mra fuerit. Nunquam enim veritas