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GUILLAUME D’AUVERGNE


illud hodie suscipianl, quam lurbulenter, irreverenter, ad illud hodie acccdatur, ipsi oculi noslri faciunt nobis jidem, propler quod nec mirurn si virtus cjus et efjicacia apud hujusmodi homines aul parva sil nut nulla, id est quod speciem christianse religionis et signa omnia sanctitatis, et ipsum nomen, non solum erubescant sed eliam formident. rarissimi enim sunt qui non erubescant nique /ormident facere bona aul loqui vera in conspeclu hominum etiam christianorum. De sacmmento confirmalionis, Opéra, t. i, p. 428-429. Si l’on ne savait de qui est ce texte, croirait-on qu’il concerne le moyen âge et qu’il vise les contemporains de saint Louis ? Parce qu’il se trouve dans un traité dogmatique, composé à froid, loin des entraînements de l’éloquence de la chaire, il a plus de force qu’un autre texte très dur pour le clergé d’alors, et dont B. Hauréau, qui l’a extrait d’un sermon inédit, Notices et extraits de quelques manuscrits latins, Paris, 1893, t. vi, p. 228-229, dit que, pour l’apprécier à sa juste valeur, il importe de se rappeler qu’« il est admis qu’un prédicateur peut, en accusant, manquer de mesure » .

Philosophie.

Croyant très orthodoxe, Guillaume

défend les droits de la raison et marque nettement ses frontières et celles de la foi. Nec altendas sermonibus philosophorum in parte ista (il s’agit de l’action de Dieu sur les créatures), nec etiam in aliis, si vis erudilus esse et absque errore in rébus divinalibus : voilà pour la foi. Et voici pour la raison : dans les traités philosophiques, il précise que ses arguments ne reposent pas sur le témoignage des Écritures, mais sur des preuves rationnelles ; tu autem intellige quia in omnibus traclalibus islis specialibus non utor testimonio legis alicujus, nec inlenlionis mese est verilalem communem et communiter sciendam vel credendam ab hominibus aslruere per testimonia sed per probationes irre/ragabiles. Opéra, t. i, p. 1028. L’autorité d’Aristote n’est pas une preuve, et il se garde de l’alléguer comme telle, cum proposilum meum sit, et in hoc tractatu et ubicumque possum, cerlitudinem Jaccre demonstrativam post quam non relinquitur libi dubilalionis ullum vestigium, t. n a, p. 65 ; cf. p. 116. En termes magnifiques, il se déclare partisan du progrès indéfini des sciences, t. ii a, p. 158.

La philosophie de Guillaume a été l’objet de plusieurs monographies. Elle est tout à fait digne d’attention, étant donnée surtout la date où il écrivait. Mais elle est parfois indécise ; l’aristotélisme imparfait, dont les éléments apparaissent chez lui « à l’état sporadique » et qui se teinte d’idées néoplatoniciennes, « est étrangement allié aux doctrines de l’ancienne scolastique : Guillaume essaie de concilier les innovations avec les legs du passé, et là où la conciliation lui paraît impossible, c’est la tradition qui l’emporte. Il en résulte un manque caractéristique de cohésion doctrinale. » M. de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, 2e édit., Louvain, 1905, p. 290.

Dans la question des universaux Guillaume n’est pas, quoi qu’en ait dit B. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, Paris, 1880, t. n a, p. 166, du nombre » des réalistes les plus intempérants » . Il professe un réalisme modéré qui lui est propre, et qui avoisine çà et là le conceptualisme et ailleurs semble préluder au réalisme thomiste. Le premier des scolastiques, à notre connaissance, il enseigne la distinction réelle de l’essence et de l’existence. « Sans doute les mots distinctio realis ne se rencontrent pas dans ses écrits, mais les termes dont il se sert pour exprimer sa pensée expriment l’idée sans équivoque ou obscurité. » C. Henry, Revue thomiste, Paris, 1911, t. xix, p. 446. L’auteur auquel il est directement redevable de cette doctrine paraît être Avicenne. Cf. S. Schindele, Beilràge zur Metaphgsik des Wilhelm von Auvergne, Munich, 1900, p. 25. Le premier encore il a franchement posé le problème de l’origine des connaissances. Il a bien vu quel ques aspects du problème. Il a dénoncé la théorie averroïste de l’intellect agent séparé, intermédiaire entre Dieu et l’homme, exerçant une influence mystérieuse sur la multitude des intelligences passives et enfantant la pensée. Il rejette la théorie du phantasma spiritualisé, ou de l’espèce sensible transformée en espèce intelligible sous l’influence dépurative de l’intellect agent, théorie présentée faussement comme aristotélicienne et grosse de conséquences ruineuses ; beaucoup, avant lui et après lui, s’y laissèrent prendre. Où il est moins heureux, c’est quand il repousse la division de l’intellect en agent et possible. Et, sans parler du reste, sa théorie de la vision en Dieu, qui fait songer à l’ontologisme, est grandement défectueuse. Cf. les textes rassemblés par N. Valois, Guillaume d’Auvergne, p. 266-278. Il est de ceux qui n’osent pas renoncer aux sphères homocentriques d’Al Bitrogi, d’Averroès et d’Aristote, qui rejettent, les excentriques et les épicycles de Ptolémée, mais aussi de ceux qui dénoncent la contradiction formelle entre l’aristotélisme et l’omnipotence divine, et qui, par là, contribuent à susciter cette science parisienne du xive siècle qui, ainsi que l’ont établi les admirables travaux de P. Duhem, formula, avant Newton, Descartes, Galilée et Léonard de Vinci, les principes sur lesquels repose la science moderne. Cf. A. Dufourcq, Les origines de la science moderne d’après les découvertes récentes, dans la Revue des Deux Mondes, 15 juillet 1913, p. 353, 360-362. 4° Place de Guillaume d’Auvergne dans la scolastique.

— Avec Dominique Gundissalvi et, à une place inférieure, Alfred de Sereshel, Guillaume d’Auvergne forme le groupe des précurseurs dans l’ancienne scolastique du xiiie siècle. Aristotélisme, platonisme ou néo-platonisme, éléments juifs et arabes, tout cela est en train d’agir sur la pensée chrétienne. Guillaume a de ces sources diverses une connaissance relativement large ; il aperçoit les problèmes qui se posent, il s’attache à les résoudre. S’il n’y réussit pas toujours, s’il n’échappe pas à toute incohérence doctrinale, il donne plus d’une fois des solutions heureuses, il fraye les bonnes routes. Il se rend compte des dangers que présentent les idées nouvelles, et, selon la juste remarque de S. Schindele, Kirchenlexikon, 2e édit., Fribourgen-Brisgau, 1901, t. xii, col. 1590, tout entier à ce qui est pratique et actuel, il combat l’hérésie régnante du catharisme et les thèses périlleuses de la philosophie arabe et le monopole qu’elle exerce sur Aristote. Ajoutez à cela qu’il est de la lignée de ces grands esprits du moyen âge qui embrassèrent tout le cycle des sciences alors connues. Évêque et docteur, Guillaume d’Auvergne est une des nobles figures du xiiie siècle.

Il est difficile de mesurer son influence sur les scolastiques venus après lui. A défaut de citations, dont les scolastiques n’usaient pas toujours quand ils faisaient usage d’un livre, et en admettant, avec C. Jourdain, La philosophie de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1858, t. i, p. 52, que ce qui lui a manqué, pour agir décisivement sur l’école, c’a été « l’énergique appui d’un ordre religieux intéressé à propager ses écrits et sa gloire » , les nombreux manuscrits de ses œuvres témoignent d’une diffusion sérieuse. Les éloges que lui décernent les copistes indiquent en quelle estime on le tenait. Nobilissimus philosophus… Vir élevâtes intelligentiæ et profundæ speculalionis…, cujus nomen non delebitur de terra viventium, portent des manuscrits de Chartres et d’Oxford. Cf. N. Valois, Guillaume d’Auvergne, p. 326. Des questions qu’il avait soulevées, des théories qu’il avait développées le premier, se retrouvent dans la scolastique postérieure. Pour ne rien dire des pages d’un Thomas de Cantimpré, d’un Etienne de Bourbon, cf. A. Lecoy de La Marche, Anecdotes historiques, légendes et apologues tirés d’É. de Bourbon, Paris, 1877, p. 383, 387-389, et d’un Joinville, édit. Wailly, Paris,