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GUERRE


sèment qui le détourne… » Cf. Les soirées de Saint-Pélersbourg, ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, suivis d’un Traité sur les sacrifices, V I [ entretien, 2 in-8°, Paris, 1802, t. il, p. 41. L’histoire est pleine de ces événements déconcertants ! … Parfois, les plus contraires à toute probabilité sont précisément ceux qui s’accomplissent en dépit de tous les efforts tentés pour y mettre obstacle. L’histoire de toutes les nations est remplie de faits de ce genre, qui montrent que la puissance des gros bataillons, soit que l’on considère leur nombre, soit que l’on considère leur outillage perfectionné, ou l’habileté professionnelle de leurs chefs, ne suffît pas pour assurer la victoire. En dernière analyse, celle-ci dépend d’une foule de circonstances qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme de faire naître, ou d’écarter. Ainsi, sans violentei en rien la volonté humaine, en semblant même ne pas s’occuper des choses de la terre, et en laissant le champ libre aux passions humaines les plus ardentes, Dieu est le suprême arbitre des destinées des individus, comme de celles des nations.

Oui, rien dans le monde ne dépend plus immédiatement de Dieu que la guerre, dans son origine, dans son développement, dans sa terminaison et dans ses résultats.

2 U Il n’appartient à aucune intelligence humaine, ici-bas, de scruter et de découvrir les raisons cachées que la Providence peut avoir, dans ses desseins impénétrables, de déchaîner l’épouvantable fléau de la guerre, ni les fins qu’elle a en vue, et qu’elle atteint par ce moyen, dont elle dispose souverainement. O altitudo sapirnliæ et scientiæ Dei ! … Quam incompreliensibilia sunt judicia cjus, et investigabiles viæ ejusl Quis enim cognovil sensum Domini ? aul quis consiliarius ejus fuit ? Rom., xi, 33, 34. Puis, les décrets de Dieu sont, parfois, à longue échéance. Ils ne se révèlent que peu à peu à l’esprit observateur… Il en est quelques-uns, cependant, desquels l’enseignement des siècles a soulevé le voile qui les cachait à la vue des générations, depuis longtemps descendues dans la tombe. N’est-il pas, en effet, certain, maintenant, pour qui sait réfléchir, et ne se laisse pas entraîner par des préjugés, que la préparation au christianisme a été la fin principale à laquelle Dieu a ordonné les guerres, les abaissements et les relèvements successifs du peuple hébreu, comme aussi les vicissitudes dans la grandeur et la décadence des grands empires des Assyriens, des Perses, des Grecs et des Romains ? Cf. Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, in-8°, Paris, 1681, 1868. Quand Israël se relâchait dans l’observance des lois divines, ou même abandonnait les autels de Jéhovah pour courir aux idoles, Dieu déchaînait contre lui les peuples de l’Egypte ou de l’Assyrie. Des conquérants insatiables, à la tête de hordes féroces, s’emparaient des villes de la Judée, parfois de Jérusalem même, mettaient tout à feu et à sang, massacraient en grand nombre guerriers, enfants, femmes et vieillards, et traînaient en captivité ceux que le glaive avait épargnés. La guerre était le châtiment par lequel Dieu rappelait au devoir son peuple prévaricateur. Il lui révélait par ses prophètes la raison de ces massacres et de ces ruines. « Vous m’avez abandonné, lui fit-il dire par le prophète Séméias, après la première invasion de Sésac, roi d’Egypte, la cinquième année du règne de Roboam, fils de Salomon ; vous m’avez abandonné, et moi aussi je vous abandonne dans les mains de Sésac. » II Par., xii, 2-5 ; III Reg., xiv, 24-26. Consternés, les princes et le roi reconnurent la justice de la sentence : Juslus est Dominus, s’écrièrent-ils ; et le Seigneur, ayant agréé leur repentir, leur fit dire par le même messager qu’il ne les anéantirait pas totalement, qu’il leur donnerait un peu de secours, et que sa colère ne se répandrait I | ; ï ce ii plètement sur Jérusalem par les mains tic |

Sésac ; mais que, cependant, ils lui seraient soumis, afin qu’ils apprissent par expérience combien la servitude imposée par un roi de la terre est plus dure que le joug du Seigneur. Sésac, en effet, ne détruisit pas Jérusalem ; mais se contenta d’enlever les trésors et les ornements d’or du temple et du palais royal. II Par., xii, 5-12.

Aux invasions égyptiennes succédèrent celles des Assyriens. Salmanasar IV, roi d’Assyrie, commença le siège de Samarie, qui après trois ans fut prise par Sargon, en 721. Irrité de cette longue résistance, il massacra une partie de la population, emmena le reste en captivité, et détruisit ainsi le royaume d’Israël, formé par le schisme des dix tribus. IV Reg., xvii, 1-6. Or, par le moyen de ses prophètes, IV Reg., xvii, 13-18, et en particulier par Osée, Dieu avait fait annoncer aux Israélites la chute de Samarie et leur avait révélé la raison de cette catastrophe. « Ils m’ont oublié et ils ont rempli mon cœur d’amertume… Je serai pour eux comme une lionne furieuse, comme le léopard, en me servant des Assyriens pour détruire leur puissance 1… Qu’ils périssent par le glaive… Parvuli eorum elidantur, et felæ ejus discindantur /… Ose., xiii, 6-8 ; xiv, 1. En même temps, au nom du Seigneur, le prophète exhorte les coupables à se convertir, leur promettant que, s’ils le font, Dieu non seulement guérira leurs blessures, mais augmentera leur prospérité. Ose., xiv, 2-10.

Après la chute du royaume d’Israël, restait encore le royaume de Juda, dont la capitale, Jérusalem, fut à son tour assiégée par Nabuchodonosor II, roi de Babylone. La résistance de la ville fut longue, héroïque et désespérée ; mais, vaincue par la faim, elle dut se rendre Les Babyloniens irrités brûlèrent le temple, le palais royal, les demeures des principaux citoyens, massacrèrent un grand nombre d’habitants, et emmenèrent le reste en captivité à Babylone, la troisième année du règne de Joachim, 587 avant Jésus-Christ. Cf. Dan., i, 1, 2. Ce fut le commencement de la grande captivité de soixante-dix ans. Mais Dieu fit savoir aux juifs, par la bouche du prophète Jérémie, que cette catastrophe se produisait parce qu’ils n’avaient pas écouté les avis qu’il leur avait fait donner, pour les exciter à se convertir. Cf. Jer., xxv, 8-11. Dans cette prophétie, Dieu dit que Nabuchodonosor est son serviteur, parce qu’il se sert de lui pour châtier les coupables. Il ajoute, cependant, qu’il ne veut pas détruire absolument son peuple, mais que, lorsque les juifs se seront convertis, il les ramènera de la captivité, Jer., xxix, 10-14 ; Baruch, iv, 7 ; et que, alors, il châtiera Babylone elle-même de ses impiétés, car il n’avait élevé l’empire de Babylone que pour en faire l’instrument de ses vengeances, et il le briserait ensuite à cause des crimes des Babyloniens. Cf. Is., ix, 5-17 ; xiii, 1-22 ; xiv, 3-27 ; Jer., xxv, 12. De même fut châtiée l’Egypte, Ezech., xxix, 2-13 ; xxx, 10-19, 22-26 ; puis Ninive, Nahum, i-m ; Tyr et Sidon. Ezech., xxvi-xxviii. Dieu fait toujours connaître la raison du châtiment : « Ils sauront que je suis le Seigneur. » Ezech., xxx, 19, 25.

Ainsi en fut-il de la chute de l’empire romain. Les saints Pères affirment, à diverses reprises, que Dieu qui avait permis l’élévation et la croissance extraordinaire de cet empire à travers le monde, pour préparer la diffusion du christianisme dans tout l’univers, l’abaissa ensuite et le fit disparaître, à cause de son endurcissement en présence de l’Évangile, et de son entîtement à ne pas se courber sous la loi du Christ. Cf. S. Cyprien, Ad Demetrianum, P. L., t. iv, col. 549 ; S. Augustin, De civilale Dei, 1. I, c. i, P. L., t. xli, col. 15 ; S. Grégoire le Grand, In Ezech., P. L., t. lxxvi, col. 1009. Les anciens païens eux-mêmes avaient compris que le sang humain doit couler pour purifier la