Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/349

Cette page n’a pas encore été corrigée
1929
1930
GUERRE


p. 126 sq., la déclaration de guerre n’autorise pas à considérer comme ennemis tous les sujets d’un État contre lequel elle a été faite, car la guerre est une relation de nations à nations, ut taies. On ne peut donc regarder comme ennemis, et traiter comme tels, que ceux qui prennent une part active aux hostilités. Les belligérants doivent donc épargner les enfants, les femmes, les vieillards, les malades, les infirmes, et les citoyens paisibles, non par la raison qu’ils sont des ennemis faibles, innocents, ou inoffensifs, mais parce qu’ils ne sont pas des ennemis, au sens strict du mot, et que, au point de vue de la guerre proprement dite, on doit plutôt les considérer comme neutres. C’est la justice qui défend de toucher à leur vie, et non pas seulement l’honneur ou la générosité chevaleresque. Dans les pays en guerre, une neutralité générale doit protéger tous les habitants qui ne combattent point. Ce principe a été reconnu par la Conférence internationale de La Haye, de 1907.

Les belligérants doivent épargner aussi tous ceux qui accompagnent une armée, sans porter eux-mêmes les armes, et qui s’y trouvent à titre d’aumôniers, de médecins, de chirurgiens, d’infirmiers, etc. Mais ils peuvent attaquer tous ceux qui, officiers ou soldats, sont en devoir de les combattre, et cela, tant que ceuxci n’ont pas déposé les armes, ou que, blessés grièvement, ils ne sont plus en état de continuer les hostilités. Si les ennemis, entourés de forces supérieures, demandent quartier, et se rendent, on doit leur laisser la vie. Les tuer, dans ce cas, serait un injuste assassinat, et un acte de sauvagerie. Cf. Laymann, Theologia moratis, 1. II, tr. III, c. xii, De bello, n. 11, t. i, p. 180 ; Suarez, De charitate, disp. XIII, De bello, sect. vi, n. 15-16, Opéra omnia, t. xii, p. 755 sq. ; Reiffenstuel, Jus canonicum universum juxta titulos quinque librorum Decrelalium, 1. I, tit. xxxiv, De treuga et pace, n. 14, t. i, p. 368 ; Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum secundum quinque libros Decretalium, 1. I, tit. xxxiv, §1, n. 11, t. i b, p. 281 ; Meyer, Institutiones juris naturalis, part. II, sect. iii, 1. II, c. ii, a. 6, n. 748, t. ii, p. 800 ; Palmieri, loc. « 7., n.l50 sq., t. ii, p. 670 ; Noldin, Summa theologiæ moralis, tr. De præceptis Dei et Ecclesise, part. II, 1. V, c. vii, De bello, n. 352 sq., 3 in8°, Inspruck, 1908, t. ii, p. 374 sq.

2. Tous les moyens de destruction sur les personnes sont-ils permis à la guerre ? — Depuis longtemps, le droit des gens a défendu de faire usage du poison, de mettre à prix la tête d’un ennemi, de le faire traîtreusement assassiner, de se servir d’armes qui augmentent inutilement le nombre ou la gravité des blessures, et qui étendraient comme à l’infini les maux de la guerre déjà si terribles par eux-mêmes, comme le seraient, par exemple, des armes empoisonnées dont les moindres atteintes seraient mortelles. Les peuplades sauvages en ont usé de tout temps, et en usent encore. L’antiquité civilisée, même païenne, s’était interdit l’usage de pareils moyens. Cf. Plir.e, Nat. hisl., 1. XI, c. lui ; Valère Maxime, 1. VI, c. v, n. 1 ; Tacite, Annales, 1. II, c. lxxxviii ; Quinte Curce, 1. IV, c. xi, n. 8. Les nations civilisées modernes ont répudié également ces méthodes ou ces moyens. On a bien le droit de frapper un ennemi pour repousser ses attaques, ébranler sa résistance, et en avoir raison. Mais, dès qu’il est hors de combat, et dans l’impossibilité de nuire, de quel droit lui donnerait-on la mort’? La guerre est assez épouvantable par elle-même, sans qu’on ajoute inutilement à ses horreurs. Cf. de Vattel, Le droit des gens, 1. III, c. viii, § 155-157, t. ii, p. 187-193. La Convention internationale de Saint-Pétersbourg, du Il décembre 1868, a interdit l’emploi des balles explosibles, et des balles dum-dum qui s’aplatissent contre le squelette du corps humain, et font des blessures d’une exceptionnelle gravité. Cette défense a été renouvelée à la Conférence internationale de La

Haye, en 1899 et en 1907. Cf. A. Pillet, Les lois actuelles de la guerre, in-8°, Paris, 1898 ; Dalloz, Dictionnaire pratique de droit public, au mot Guerre, §3, n. 18, in-fol., Paris, 1905, p. 702 ; Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre, dans l’Annuaire de la législation française, in-8°, Paris, 1911, p. 201-213.

3. Des considérations précédentes, il découle qu’on n’a pas le droit de faire prisonniers les enfants, les femmes, les vieillards, et en général tous ceux qui ne prennent pas activement part à la guerre, puisque ce ne sont pas des ennemis, à proprement parler. On le faisait autrefois, même parmi les nations civilisées, afin d’avoir des otages, dans le but d’amener plus facilement à un accommodement un adversaire qui tiendrait à délivrer des personnes qui lui sont chères. De Vattel admet la légitimité de cette pratique. Cf. Le droit des gens, 1. III, c. viii, § 148, t. ii, p. 179 sq. Mais, depuis longtemps, entre nations civilisées, ce moyen n’est guère mis en usage.

4. Il ressort également des considérations précédentes que les prisonniers de guerre, d’abord, ne doivent pas être réduits en esclavage, comme le faisaient les anciens païens, contrairement aux prescriptions de la loi naturelle. On n’a le droit de retenir en captivité un ennemi qui a déposé les armes que jusqu’à la conclusion de la paix. Une autre conséquence de ces considérations, c’est qu’on n’est pas autorisé à se permettre envers les prisonniers de guerre des violences ou des mauvais traitements, car on fait la guerre à l’État, et non aux individus. Cf. Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, 1. I, tit. xxxiv, § 2, n. 12, 1. 1 b, p. 282 ; Dalloz, Dictionnaire pratique de droit public, loc. cit., § 3, n. 22, p. 702 ; Meyer, Institutiones juris naturalis, part. II, sect. iii, 1. II, c. ii, a. 2, § 2, n. 761, t. ii, p. 810.

Du droit sur les biens de l’ennemi.

1. La guerre,

se faisant d’État à État, n’autorise que l’expropriation ou la saisie des biens d’État, tels que villes, forteresses, arsenaux, armes, munitions, revenus des domaines publics, ou autres ressources qui constituent la force politique et militaire d’une nation ; mais non celle des biens appartenant à des particuliers, surtout à ceux qui ne prennent point part activement aux hostilités. Ravir ces biens serait faire de la miraude ou du pillage. Les simples soldats doivent s’en abstenir, et les chefs sont obligés en conscience de les empêcher. De même, et à plus forte raison, doit-on respecter les biens des hôpitaux, des églises, des monastères, et des institutions pieuses, ou de bienfaisance. Cf. Bellarmin, 77" Conlroversia generalis. De membris Ecclesiæ mililanlis, 1. III, De laicis, c. xv, Opéra omnia, t. ii, p. 331 ; Suarez, De charitate, disp. XIII, sect. vi, n. 2, 10, 14, Opéra omnia, t. xii, p. 752, 754 sq. ; Salmanticenses, Cursus theologise morali s, tr. XXI, c. viii, § 3, n. 44. t. v, p. 168 ; Laymann, Th-ologia moralis, 1. II, tr. 1 1 1, c. xii, De bello, n. 12-13, t. i, p. 189 ; Schmdzgrueber, loc. cit., § 1, n. 11, t. i b, p. 281 ; Reiffenstuel, 1. I, tit. xxxiv, n. 12, t. i, p. 368 ; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. III, tr. IV, c. i, dub. v, a. 3, n. 409 sq., t. i, p. 663 sq. ; Meyer, Institutiones juris naturalis, t. il, p. 808 ; Dalloz, Dictionnaire de droit public, loc. cit., § 2, n. 12 ; § 3, n. 14, p. 702 ; Lucchini, // digeslo italiano, Enciclopedia melodica ed alfabetica di legislaziom, dotlrinae giurisprudenza, au mot Guerra, tit. iii, c. ii, 43 in-4°, Turin, 18841913, t. xii, p. 1118 sq.

2. Peut-on considérer comme légitime la coutume qu’une armée doit vivre aux dépens du pays envahi, selon l’axiome : « La guerre doit nourrir la guerre » ? — Si, par pays envahi, on entend les biens d’État, la richesse publique, frappés de contributions de guerre, cette coutume peut être considérée comme légitima dans une guerre juste, car l’État offensé qui est obligé de faire la guerre pour recouvrer ce qui lui a été ravi, ou pour demander la réparation d’une injure, est en