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GUERRE


assurer l’avenir de sa dynastie ? pour reconquérir son prestige perse nnel par une guerre où il espère être vainqueur’? pour écarter le danger d’une révolution ? pour arrêter tes progrès du socialisme qui l’inquiètent ? pour satisfaire l’humeur belliqueuse de son peuple, laquelle se tourne ra contre lui, s’il ne la tourne contre les autres ? pour répondre au désir d’expansion de son peuple, en dehors de ses frontières, etc., etc. ? Assurément non. Qui, en raisonnant froide ment, ne voit là une injustice flagrante et des plus graves, attendu les maux incalculables qui découlent d’une guerre ? Un homme qui aurait des démêlés avec les membres de sa famille, serait-il autorisé à s’en prendre à son voisin qui n’est pour rien dans ces difficultés familiales ? pourrait-il justement lui en faire supporter les conséquences, alors que ce voisin est absolvment innocent de tout cela ? Certairement non. De me" me, une nation, pour résoudre une crise d’oTdre intérieur, n’a nullement le droit de faire la guerre à sa voisine, à moins que celle-ci ne soit l’instigatrice de ces dissensions intestines ; mais, si elle en est absolument innocente, aucune raison ne permet de l’en déclarer responsable, et de lui en faire subir les conséquences.

Des causes douteuses de la guerre.

1. La guerre

est un si grand mal, qu’avant de l’entreprendre un prince doit examiner très attentivement si les raisons de la déclarer sont réellement suffisantes. Il doit se rendre compte non seulement de sa justice, mais aussi de sa nécessité, et même de son opportunité. C’est là, surtout, vu les conséquences si graves qui en découlent, qu’il faut se rappeler le mot de saint Paul : Omnia jnihi Ikent, sed non omnia expediunt. I Cor., vi, 12 ; x, 22. Suivant les théologiens, le prince doit, d’abord, demander la lumière de Dieu par la prière ; puis, réclamer l’avis de conseillers prudents, éclairés et désintéressés. Cf. Suarez, De charitate, disp. X 1 1 1, sect. vi, n. 1 sq.. Opéra omnia, t. xii, p. 748 sq. ; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. III, tr. IV, c. 1, dub. v, a. 2, n. 403, t. i, p. 659 ; Tanquerey, Synthèse de la doctrine, théologique sur le droit de guerre, c. ii, in-8°, Paris, 1913, p. 16 sq. 2. Dai s le doute sur la ju tice d’une guerre, un prince peut-il suivre une opinion seulement probable ? La question est très controversée, et la solution pratique dépend de circonstances parfois extrêmement compliquées. Il est souvent fort difficile de savoir s’il y a proportion équitable entre les maux épouvantables qui découleraient d’une guerre, et les raisons d’ordre supérieur qui pousseraient à l’entreprendre. Les théologiens examinent le cas où, la justice de sa cause n’étant que probable chez un prince, son ennemi posséderait cependant en bonne foi les objets, villes ou provinces, qu’il détient, et que ce prince veut recouvrer. Théoriquement, la question peut être posée ainsi ; mais, pratiquement, cemment peut-il conster à ce prince ou à ce chef d’État que son adversaire possède de bonne foi ? On admet généralement qu’une guerre ne peut théoriquement être juste des deux côtés à la fois ; elle le peut, cependant, pratiquement, si les deux adversaires se persuadent chacun avoir pour eux le bon droit. Cf. Suarez, loc. cit., n. 3, Opéra omnia, t. xii, p. 749 ; Salmantieenses, Cursus theologise moralis, tr. XXI, De prœceplis Decalogi, c. viii, p. iii, § 1, n. 21-27, 6 in-fol., Venise, 1728, t. v, p. 163 ; Fr. de Victoria, De jure belli, relect. VI, n. 27 ; S. Alphonse, Theologia moralis, loc. cit., n. 404, t. i, p. 660 sq.

3. Quant aux simples soldats et même aux officiers, à moins qu’ils ne soient certains de l’injustice de la guerre, ils peuvent, et mime ils doivent obéir au chef de la nation, qui peut avoir, pour agir, des raisons légitimes qui leur sont inconnues. Cf. Salmanticcnses, Cursus theologise moredis, tr. XXI, c. viii, p. iii, § 1, n. 29-31. t. v, p. 166 ; Lamann, Theologia moralis, 1. II, tr III, c xii, De bello, n. 8, 2 in-fol., Venise, 1683, t. i,

p. 188 : Bellarmin, II a Controversia generalis, De membris Ecclesiæ militantis, 1. III, De laicis, c. xv, Opéra omnia, t. ii, p. 331 : Suarez, De charitate, disp. XIII, sect. vi, n. 8-12, Opéra omnia, t. xii, p. 750-752 ; S. Alphonse, Theologia moralis, loc. cit., n. 408, t. i, p. 662 sq. ; Palmieri, Opus theologicum in Buscnbaum n.édullaw, tr. VI, De præceplis Decalogi, sect. v, c. iii, De bello, n. 148 sq., 7 in-8°, Prato, 1889-1893, t. ii, p. 669 sq.

De la déclaration de guerre.

La guerre défensive

n’a pas besoin d’être déclarée, car, de par la loi naturelle, tout individu a le droit de se défendre, dès qu’on l’attaque. Mais, dans une guerre offensive, il en est différemment. Puisque la conscience exige qu’on n’entreprenne une guerre offensive que lorsque tous les autres moyens d’accommodement ont été épuisés, une nation qui veut se faire justice doit, avant de prendre les arme » , annoncer officiellement qu’elle va se résoudre à ce parti, si, à une époque déterminée, justice ne lui a pas été rendue. Il est à espérer, en effet, que la crainte de ses armes et l’imminence du conflit fassent impression sur l’esprit de son adversaiie, et l’amènent à transiger ; c’est ce qu’on appelle, en langage moderne, poser un ultimatum. Si, après réception de l’ultimatum, l’ennemi accepte de transiger, la guerre ne doit pas être faite, et, si elle est commencée quand arrive la réponse de l’adversaire, on doit la terminer au plus tôt, si ce n’est toujours par rigueur de stricte justice, du moins, le plus souvent, par charité et par humanité. Cf. Suarez, De charitate, disp. XIII, sect. vii, n. 3, Opéra omnia, t. xii, p. 752 sq. ; Salmanticenses, Cursus theologise moralis, tr. XXI, c. viii, p. iii, § 1, n. 20, t. v, p. 165 ; de N attel, Du droit des gens, 1. III, c. iv, § 51 sq., t. ii, p. 116-126 ; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. III, tr. IV, c. i, dub. v, a. 2, n. 405, t. ii, p. 661 : Meyer, Instiluliones juris naturalisait. II, sect. iii, 1. II, en, a. 2, §2, n.747, t. ii, p. 798 sq. ; Olivart, Del reconoscimienio de beligcranci a y sus efectos immedialas, in-8°, Madrid, 1895 ; Sainte-Croix, La déclaration de guerre et ses effets immédiats, in-8°, Paris, 1899. La Conférence internationale réunie à I a Haye, en 1899, sous l’initiative de l’empereur de Russie, s’est ralliée en ce point à l’enseignement théologique, dans l’article 1 er de la Convention ainsi rédigé : « Les puissances contractantes reconnaissent que les hostilités entre elles ne doivent pas commencer sans un avertissement préalable et non équivocrue, qui aura soit la forme d’une déclaration de guerre motivée, soit celle d’un ultimatum avec déclaration de guerre conditionnnelle. » Il n’y a pas cependant de forme spéciale pour la déclaration de guerre. Le rappel des agents diplomatiques n’équivaut pas strictement à une déclaration de guerre, s’il n’est accompagné d’un ultimatum. Ces règles néanmoins, ne sont pas toujours observées. A l’ouverture de la guerre russo-japonaise, en 1904, par exemple, les Japonais commencèrent les hostilités, dès la rupture des relations diplomatiques, avant même que la Russie pût considérer cette rupture comme une déclaration formelle de guerre. On se demande si, après la déclaration de guerre, tous les traités conclus précédemment entre les nations belligérantes cessent de plein droit. S’il s’agit de traités d’alliance, c’est évident ; mais les traités de commerce, de navigation, etc., ne sont pas brisés. Leurs effets sont simplement suspendus, et devraient reprendre de plein droit, à la fin des hostilités. La coutume tend cependant à s’établir que, pour leur remise en vigueur, il faut une disposition expresse du traité de paix, comme cela fut statué au traité de Francfort, en 1871, a. 11, et au traité gréco-turc du 12 décembre 1897, a. 12-13.

VII. De ce qui est permis durant la guerre. — 1° Du droit de vie et de mort sur l’ennemi.

1. Malgré

ce qu’en ont dit certains jurisconsultes, par exemple, de Vatlel, Du droit des gens, 1. III, c. v, § 69 sq., t. ii,