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GUERRE

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q. iii, De pa’nitentia, dist. V, can. 3, et, comme le font remarquer les commentateurs de ce texte du Corpus juris, le pape, par ces paroles, ne réprouve pas la guerre, en général ; mais il parle de ceux qui, ayant été condamnés à une certaine pénitence publique, revenaient à la vie des camps avant d’avoir achevé cette pénitence qui devait réparer leurs fautes et assurer leur persévérance dans le bien. Il y avait eu, d’ailleurs, de nombreuses raisons, au commencement de l’Église, de défendre aux néophytes de s’enrôler aussitôt dans les armées, sous des chefs infidèles, et au milieu de camarades pour la plupart infidèles. C’était pour eux un grand danger de perversion. Cf. Suarez, De charilale, disp. XIV, sect. ii, n. 3, Opéra omnia, t. xiii, p. 378. Ces raisons n’existaient plus au temps de saint Léon, et ces paroles font surtout allusion à ceux qui, ayant commis de nombreuses fautes dans la profession militaire, avaient subi une pénitence publique, et étaient, cependant, retournés à cette vie des camps, où l’expérience leur avait démontré qu’ils ne pouvaient vivre sans commettre une foule de fautes, non point que l’état militaire soit un état intrinsèquement mauvais, mais à cause de leur propre faiblesse. Cf. S. Jean Chrysostome, In Maith., homil. lxi, c. ii, P. G., t. lvii, col. 590 ; Bellarmin, II* Controversia generalis, De membris Ecelesiæ mililanlis, 1. III, De laicis, c. xiv, Opéra omnia, t. ii, p. 328.

4. La même pensée est exprimée par saint Grégoire le Grand dans une prescription insérée aussi dans le Décret de Gratien, part. II, caus. XXXIII, q. iii, De pœnilenlia, dist. V, can. 6. Ceux qui s’adonnent à un état qu’ils ne peuvent exercer sans offenser Dieu, dit le pape, ne peuvent être admis à la pénitence que s’ils renoncent à cet état, et il donne comme exemple l’état militaire. Quicumque miles, vel negotiator, vel alicui officio deditus quod sine peccaio exerceri non possil, si culpis gravioribus irretitus, ad pœnitentiam venerit… arma deponat, et ulterius non ferai. Mais il est évident par le contexte que l’intention du pape n’est pas de proscrire l’état militaire en général, car après avoir dit que ceuxlà agissent mal qui, après leur pénitence, retournent à l’état militaire, ce qui fait douter de la sincérité de leur pénitence, falsas pœnitentias dicimus, il excepte ceux qui reviennent à la vie des camps, sur le conseil des évêques et des prêtres, pour défendre la cause de la justice, nisi consilio religiosorum episcoporum pro defendenda juslitia. Décret de Gratien, loc. cit. L’état militaire n’est pris ici que comme un exemple, au même titre que le négoce, pour conseiller la fuite de l’occasion du péché. Cf. Bellarmin, II 2 - Controv. generalis, De membris Ecelesiæ. militantis, 1. III, De laicis, c. xiv, t. ii, p. 328.

V. La guerre et l’Église. — 1° Durant les persécutions. — 1. Fidèle interprète de la pensée du Christ, l’Église, quoique prêchant la paix et la charité universelles, ne condamna jamais la guerre. Comme saint Jean-Baptiste, elle donna des règles de conduite aux militaires, mais ne les obligea pas à quitter leur profession. Dès les premiers siècles, même au temps des persécutions, on vit des soldats embrasser le christianisme, sans abandonner le service des armes, et des chrétiens, nés dans la vraie foi, s’élever aux plus hauts grades dans les armées impériales, tels que saint Sébastien et autres. Plusieurs s’y sanctifièrent et y obtinrent la couronne du martyre. Si l’on trouve parfois, dans les écrivains de cette époque, des paroles tendant à signaler une certaine incompatibilité entre l’état militaire et le christianisme, ce n’est point que cet état leur parût intrinsèquement mauvais, ou contraire aux lois de l’Évangile, mais parce que la fréquentation des compagnons d’armes païens et la soumission à des chefs infidèles présentai, nt un vrai danger de perversion et d’apostasie pour les chrétiens, qui pouvaicui être forcés

à prendre part aux sacrifices idolâtriques, ou à vénérer les images des faux dieux placées sur les étendards. Il y avait donc là, pour eux, vu ces circonstances spéciales, un péril prochain de chute grave, contre lequel on ne pouvait trop les prémunir. Mais l’histoire nous apprend que, nonobstant ces appréhensions si fondées, il y avait des légions entières composées presque uniquement de chrétiens, telles que la légion thébaine commandée par saint Maurice, et la légion fulminante. Dieu montra, quelquefois, par des miracles, combien par leurs vertus lui étaient agréables ces soldats chrétiens, même quand ils servaient, néanmoins, sous des chefs infidèles. Tertullien, dans son Apologétique, c. v, P. L., t. i, col. 295, nous rapporte le miracle remarquable accordé à leur prière, sous le règne de Marc-Aurèle, pendant la guerre de Germanie. Saint Basile, dans son panégyrique des quarante martyrs de Sébaste, nous dit que, dans les armées des princes infidèles, se trouvaient beaucoup de soldats chrétiens, P. G., t. xxxi, col. 512. De même saint Grégoire de Nazianze, Orat.. i, in Julianum, P. G., t. xxxv, col. 581. Cf. Eusèbe, H. E., 1. VIII, c. iv ; 1. IX, c. x, P. G., t. xx, col. 749, 831.

2. Le I er concile œcuménique de Nicée tenu en 325, dans son 12e canon, prononça, il est vrai, une peine très grave (treize ans de pénitence publique) contre les militaires, officiers ou soldats, qui, ayant abandonné la carrière des armes, y retournaient, et allaient même jusqu’à donner de fortes sommes d’argent pour y être réintégrés, ou récupérer leurs grades précédemment possédés, à cause des grands avantages qu’ils y trouvaient au triple peint de vue des honneurs, de la richesse et des privilèges. Pour flétrir leur conduite, le concile se sert d’une expression très sévère, et les compare à des chiens retournant à leur vomissement, ïr.l tov o’.xîïov £[a£tov àvaBpaucivTsç <l>ç x’Jveç. Cf. Mansi, ConciL. t. ii, col. 670. Ce texte, cependant, malgré l’énergie des termes employés, n’est pas une condamnation de l’état militaire, en général ; mais uniquement une mesure contre les apostats pendant la persécution de Licinius, qui ne s’était terminée que quelques années avant le concile de Nicée, à la suite de la défaite de ce prince par Constantin. Licinius, ami de Galère, s’était posé comme le champion du paganisme, et, voulant épurer son armée, avait exigé de tous ses soldats et de tous ses officiers une apostasie formelle, en les forçant de prendre part aux sacrifices en l’honneur des fausses divinités païennes, sous peine d’exclusion immédiate de l’armée. Cf. Sulpice Sévère, Hislor. sacra, 1. II, c. xxxiii, P. L., t. xx, col. 147 ; Eusèbe, H. E., 1. VIII, c. iv ; 1. IX, c. x, P. G., t. xx, col. 749, 831 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, 16 in-4°, Paris, 1698-1712, t. v, note 1 ; Allard, Histoire des persécutions, 5 in-8°, Paris, 1903, t. v, p. 306 sq. ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 591-593. Retourner à l’armée dans des conditions semblables, c’était, de fait, apostasier. Tel est le sens de ce canon du concile de Nicée, et c’est à cette fin qu’il fut, dans l’intérêt de la vérité historique, plutôt que par une prescription encore en vigueur, inséré dans le Décret de Gratien, part. II, caus. XXXIII, De pœnitentia, dist. V, c. 4, Si qui. Le concile de Nicée ne réprouva donc l’état militaire, qu’en tant qu’il était un signe d’apostasie. Cf. Bellarmin, II 3 - Controversia generalis, De membris Ecelesiæ mililanlis, 1. II, De conciliorum auclorilate, c. viii, Opéra omnia, t. ii, p. 50 sq. ; Suarez, De charilale, disp. XIII, sect. i, n. 3-4, Opéra omnia, t. xii, p. 738.’2° Au moyen âge. Législation ecclésiastique au sujet de la guerre. — 1. La pensée de l’Église sur la guerre ressort clairement d’une foule de textes du Corpus juris canonici, qui en traitent longuement, jamais pour