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1907
1908
GUERRE


menls de jer du soldat allemand, in-S°, Leipzig, 1915. Tout cela, d’ailleurs, était déjà très clairement exprimé par l’historien de l’Allemagne contemporaine, Karl Lamprecht, 7ur iungsten deutschen Vergangenhcit, 3 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1903-1905 ; Moderne Geschichleswissenschalt, in-8°, Berlin, 1909.

Et il s’est trouvé des théologiens pour soutenir cette abominable thèse, en invoquant l’axiome : In extrema necessilate omnia bona suni communia. Comme si une collectivité regorgeant de richesses, enivrée de puissance et d’orgueil, et assoifTée de domination mondiale ( W’.ltpolitik), pouvait être assimilée à un individu qui, mourant de faim, a le droit de prendre, quoique ne lui appartenant pas, un morceau de pain qu’il trouverait à sa portée, parce que, en le lui refusant, le propriétaire commettrait une faute grave 1 D’après ses partisans eux-mêmes, la Wellpolitik devait entraîner inévitablement la guerre. Cf. Mumbauer, dans la revue Hoch land, 1914-1915, p. 99 sq. Donc, pour s’emparer du bien d’autrui qu’elle convoite, l’Allemagne a le droit de déchirer les traites qu’elle a signés ; de manquer à la foi jurée ; de ne tenir aucun compte des serments les plus solennels ; de violer la neutralité des nations non belligérantes ; d’attaquer même les citoyens paisibles qui ne portent pas les armes ; de bombarder par ses zeppelins et ses avions les villes ouvertes ; de couler par ses sous-marins les navires même de commerce, et cela sans avertissement préalable, sans se soucier de la vie des voyageurs inoffensifs, seraient-ils absolument étrangers à la guerre ; de massacrer par conséquent les innocents ; de faire marcher devant ses soldats, pour leur faire un rempart de leur corps, les vieillards, les enfants et les femmes ; de diminuer le nombre de ses adversaires en tirant sur les ambulances et les hôpitaux ; de déporter en masse des populations entières, sans s’inquiéter des liens de famille, ni des prescriptions de la morale la plus élémentaire, en séparant arbitrairement les jeunes filles de leurs mères, ou des parents, pères et frères, qui pourraient protéger leur vertu contre les passions brutales de la soldatesque effrénée ; d’incendier méthodiquement, systématiquement, et de détruire de fond en comble villes et villages, pour inspirer partout la terreur salutaire de son nom ; de ne pas même épargner les églises et cathédrales, temples du Dieu vivant, etc. « Ces infractions voulues délibérément aux lois de la guerre, dit le docteur Karl Strupp, nous apparaissent, malgré leurs horreurs, comme conformes au droit des gens, et toute ville est coupable des actes de chacun de ses habitants. « Das internationale Landgriegsrecht, in-8°, Berlin, 1914, p. 9, 248. Toutes ces idées avaient été émises, deux ans auparavant, dans un ouvrage publié par M. Daniel Frymann, sous le titre : Wenn ich der Kaiser war I in-8°, Leipzig, 1912, et dont il s’est vendu plus de trente mille exemplaires en Allemagne. Ces mêmes idées furent répandues, d’autre part, dans le grand public, quelques mois axant que la guerre allemande éclatât, et, cette fois, avec la haute approbation du prince héritier de la couronne impériale, par le colonel von H. Frobeninus, Des Deutschen Beiches Schichsalstunde, in-8°, Berlin, 1914. Cf. Louis Bertrand, Nietzsche et la guerre, in-8 c, Paris, 1915 ; Léon Daudet, L’esprit allemand. De Kant à Krupp, in-12, Paris, 1915 ; M. F. Boz, La préméditation allemande démontrée dans un livre anglais de 1912, dans le Correspondant du 25 mars 1915, ouvrage d’autant plus significatif qu’il a paru deux ans avant la guerre de 1914, qui devait traduire en action, et sur une si vaste échelle, ces abominables doctrines ; A. Pillet, professeur à l’université de Paris, La science allemande et le droit de la guerre, dans la Revue des Deux Mondes, du 1 er avril 1915 ; Jacques Flach, membre de l’Institut, professeur au Collège de France, Essai sur la formation

de l’esprit public allemand, in-12, Paris, 1915 : E. Lavisse et Ch. Ander, Pratique et doctrine allemandes de la guerre, in-8°, Paris, 1915.

2° La guerre, cependant, est-elle intrinsèquement mauvaise et contraire au droit naturel ? — 1, Faut-il souscrire aux déclarations de prétendus philanthropes qui répètent de toutes manières, à notre époque, que la guerre n’est que le meurtre et le vol enseignés publiquement et commandés, sous les peines les plus graves, aux peuples par leurs gouvernements respectifs ? qu’elle est le meurtre et le vol acclamés, loués, récompensés, blasonnés, couronnés ? qu’elle est le meurtre et le vol soustraits à l’échafaud par l’arc de triomphe ? qu’elle est donc le meurtre et le vol, moins le châtiment et la honte, plus l’impunité et la gloire ? qu’elle est donc aussi la plus flagrante des inconséquences légales, puisque dans la guerre la société autorise ce qu’elle défend par ses lois, récompense ce qu’elle punit chez les individus, et glorifie ce qu’elle flétrit de ses anathèmes ; de sorte que ce que fait la société par la guerre ne diffère de ce qu’elle défend si sévèrement aux individus que par le nom, l’étendue et la multiplicité. Mais depuis quand la multitude des crimes commis, ou leur universalité, ou les noms pompeux dont on les décore, en atténuent-ils la culpabilité ?

Il y a dans ces déclamations plus de phraséologie que de vérité. Quoique la guerre soit un redoutable fléau entraînant toutes sortes de calamités, elle n’est pas cependant intrinsèquement mauvaise et contraire au droit naturel. Elle est toujours un très grand mal physique ; elle n’est pas toujours un mal moral. Elle peut être juste, et, quelquefois, même nécessaire.

Parfois, en effet, elle est l’unique moyen par lequel un État peut pourvoir à sa propre sécurité, et assurer son existence contre les injustes agressions d’un État voisin, ou maintenir le respect de droits d’une grande importance auxquels il ne saurait renoncer sans un grave dommage, ou sans un déshonneur plus préjudiciable encore qu’une perte de biens matériels. Or, de même que, de droit naturel, il est permis à un individu de repousser, même par la violence, un injuste agresseur qui en veut à sa vie, à sa fortune, ou à son honneur ; de même, et à plus forte raison, cela est permis à une nation, qui, constituée en corps politique, forme une personne morale et publique. Le chef de cette nation a non seulement le droit, mais aussi le devoir de prendre ce moyen pour sauvegarder les intérêts généraux dont il a la charge. Ce droit et ce devoir s’entendent non seulement de la guerre strictement défensive, mais aussi de la guerre offensive rendue nécessaire par les agissements d’un État voisin, dont les menées ambitieuses constitueraient un danger réel. Cf. Bellarmin, II* Conlroversia generalis, De membris Ecclesiæ mililanlis, 1. III, De laicis, c. xiv, Opéra omnia, 8 in-4°, Naples, 1872, t. ii, p. 327.

2. La guerre qui, évidemment, n’est pas toujours contraire aux lois de la justice, n’est-elle pas du moins toujours opposée aux lois de la charité ? S’il en était ainsi, on devrait conclure que la guerre n’est jamais légitime, car il ne suffît pas à un homme, serait-il chef d’État, de respecter les lois de la justice : celles de la charité ne l’obligent pas moins. Ce qui est conforme aux lois de la stricte justice n’est pas toujours permis, car les limites de la justice stricte confinent de près à l’injustice : summum jus, summa injuria. Il peut arriver qu’une guerre, juste en soi, au point de vue de la justice stricte, devienne, cependant, in concrelo, et vu les circonstances, gravement coupable, si elle viole, par ailleurs, en matière grave, le précepte naturel par lequel nous sommes tenus d’aimer le prochain, notre frère, comme nous-mêmes. Mais, en faisant abstraction de ces circonstances particulières, où la loi de la charité commanderait de tempérer un peu la poursuite des