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1893
1896
GUÉRANGER


près de Sablé, fut mis en vente. La pensée vint alors à l’abbé Guéranger d’acheter le vieux monastère et d’y rétablir le culte divin et les études avec la pratique de la règle de saint Benoît. Il s’ouvrit de ce dessein à quelques amis et, soutenu par Mgr Caron, évêque da Mans, il en prit possession le Il juillet 1833. Au milieu d’embarras de toute nature, il fit paraître sous le nom de la communauté de Solesmes : Les origines de l’Église romaine, in-4°, Paris, 1836 ; puis il se rendit à Rome à Saint-Paul-hors-les-Murs où il fit profession de la règle de saint Benoît le 26 juillet 1837. Le 1 er septembre suivant, Grégoire XVI approuvait l’œuvre commencée, érigeait le prieuré en abbaye et nommait dom Guéranger abbé de Saint-Pierre de Solesmes et supérieur général de la congrégation de France de l’ordre de Saint-Benoît. Le nouvel abbé revenait aussitôt en France et le 21 novembre il recevait la profession de ses premiers compagnons. L’évêque du Mans, Mgr Bouvier, s’était montré tout d’abord très favorable à l’œuvre de la restauration bénédictine ; ses dispositions ne tardèrent pas à se modifier. L’exemption monastique et les privilèges accordés aux supérieurs des abbayes lui parurent une diminution de son autorité épiscopale. De là naquirent des difficultés de toute nature dont les conséquences pesèrent lourdement sur dom Guéranger pendant tout le reste de sa vie. L’abbé de Solesmes ne laissait pas toutefois de continuer ses travaux. En 1840 paraissait le I er vol. des Institutions liturgiques, in-8°, le Mans et Paris, traduit en allemand par le D r Jacob Fluck : Geschichle der Liturgie, in-8°, Ratisbonne, 1854 ; le IIe fut publié en 1 841 et le me seulement en 1851, in-8°, Paris. L’auteur montrait que les missels et bréviaires introduits dans la plupart des églises de France au xviie et au xvine siècle manquaient de valeur et d’autorité et qu’il fallait revenir à la liturgie romaine. Par suite des polémiques soulevées par l’apparition de cet ouvrage, dom Guéranger fut amené à publier : Lettre à Mgr l’archevêque de Reims sur le droit de la liturgie, in-8°, le Mans, 1843 ; Défense des Institutions liturgiques, Lettre à Mgr l’archevêque de Toulouse, in-8°, le Mans et Paris, 1844 ; Nouvelle défense des Institutions liturgiques : trois Lettres « Mgr l’évêque d’Orléans, 3 in-8°, le Mans et Paris, 1846-1847. La 2e édition des Institutions liturgiques, 4 in-8°, Paris, 1878-1885, reproduit toutes ces brochures. En même temps qu’il travaillait avec succès au rétablissement de la liturgie romaine dans l’Église de France, dom Guéranger commençait la publication de l’Année liturgique, destinée à donner à tous les chrétiens cette éducation surnaturelle que recueillent du cœur de l’Église tous les fidèles en communion avec sa liturgie. Le 1 er vol., L’Avent liturgique, parut en 1841, in-12, le Mans. L’ouvrage complet compte 15 vol. ; les neuf premiers seuls sont l’œuvre de dom Guéranger. Un de ses fils devait continuer et terminer heureusement l’Année liturgique. Chacun des volumes a eu de nombreuses éditions et a été traduit en italien, en anglais et en allemand. Au milieu de tous ses travaux et des préoccupations inséparables d’un monastère se développant malgré bien des difficultés, dom Guéranger n’était indifférent à aucun des événements intéressant la vie de l’Église à son époque. Le nonce à Paris, Mgr Fornari, qui se plaisait à lui témoigner la plus confiante amitié, Mgr Pie, évêque de Poitiers, le pressèrent de composer un écrit qui pût hâter le moment où Rome proclamerait dogme de foi l’immaculée conception de la Mère de Dieu. Le travail demandé parut sous le titre : Mémoire sur la question de l’immaculée conception de la très sainte Vierge, in-8°, Paris, 1850. Ce travail fut très remarqué, et Mgr Malou, évêque de Bruges, pouvait écrire : « De tous les écrits publiés en 1850 sur le mystère de l’immaculée conceptio i, le plus remarquable, sans contredit, est le Mémoire

de dom Guéranger. » L’année suivante, l’abbé de Solesmes était obligé de se rendre à Rome, où Pie IX l’accueillit avec la plus paternelle bonté, et le nomma consulteur des S. C. de l’Index et des Rites. Effrayé des tendances naturalistes qu’il remarquait dans l’étude de la philosophie et l’histoire, dom Guéranger publia dans Y Univers, 12 octobre 1856-20 décembre 1857, une série d’articles reproduits avec quelques modifications dans un volume intitulé : Essais sur le naturalisme contemporain. M. de Broglie, historien de l’Église, in-8°, Paris, 1858. L’affaire Mortara vint ensuite lui fournir l’occasion de proclamer les droits de l’Église à maintenir l’enfant en possession des avantages qu’il a reçus dans son baptême et il le fit dans un article fort apprécié à Rome et publié dans l’Univers du 24 octobre 1858.

L’œuvre principale de dom Guéranger, la restauration de la vie bénédictine, ne laissait pas cependant de progresser. Sur l’invitation de Mgr Pie, des moines de Solesmes avaient en 1853 relevé l’antique abbaye de Saint-Martin de Ligugé, et en 1865 un prieuré était fondé dans la ville de Marseille sous le patronage de sainte Madeleine. Les religieux allemands qui devaient établir l’abbaye et la congrégation de Saint-Martin de Beuron venaient à Solesmes recevoir les conseils et profiter de l’expérience de dom Guéranger. Puis en 1866 celui-ci commençait la fondation d’un monastère de bénédictines qu’il plaçait sous le vocable de sainte Cécile. De ses voyages à Rome l’abbé de Solesmes avait rapporté une tendre dévotion à la grande martyre romaine. En 1849, il avait publié une Histoire de sainte Cécile, vierge et martyre, in-12, Paris ; 2e édit., in-12, Paris, 1853, ouvrage traduit en anglais, en allemand et en italien. Plus tard, il reprit ce travail, le refit complètement sous le titre : Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles, in-4°, Paris, 1874 ; in-8°, Paris, 1878 : sous ces deux formats l’ouvrage eut de nombreuses éditions. Mais tant de travaux avaiente i raison des forces de dom Guéranger : aussi quand il reçut l’invitation de se rendre au concile du Vatican, il dut faire agréer ses excuses. Malgré les pressantes et affectueuses sollicitations du cardinal Pitra, de Mgr Pie, évêque de Poitiers, de Mgr Fillion, évêque du Mans, de Louis Veuillot, il demeura dans son abbaye de Solesmes, suivant avec attention les polémiques engagées soit en France, soit à l’étranger au sujet de l’infaillibilité du pontife romain. Il publia alors : Première défense de l’Église romaine contre les accusations du Ii. P. Gralrij, dans la Revue du monde catholique. 10 février 1870, et in-8°, le Mans et Paris ; Deuxième défense, dans la Revue du monde catholique, 25 mars 1870, et in-8°, Paris ; Troisième défense, dans l’Univers, 3, Il et 21 juin, 7 juillet 1870, articles intitulés : La quatrième lettre du P. Gralry ; cette troisième défense fut traduite en anglais : Defence of the Roman Church against Falher Gralry, in-8°, Londres, 1870 : Réponse aux dernières objections contre la définition de l’infaillibilité du pontife romain, in-8°, Paris, 1870 ; De la définition de l’infaillibilité papale à propos de la lettre de Mgr d’Orléans à Mgr de Mcdincs, dans la Revue du monde catholique, avril 1870, et in-8°, Paris ; De la monarchie pontificale à propos du livre de Mgr de Sura, in-8°, Paris, 1870 ; deux autres éditions parurent en cette même année ainsi qu’une traduction allemande : Die hôchste Lehrgewalt des Papstes, in-8°, Mayence, 1870. Pie IX, quelques années plus tard, après la mort de dom Guéranger, dans un bref du 19 mars 1875, louait l’abbé de Solesmes de s’être appliqué pendant toute sa longue vie à défendre courageusement, dans des écrits de la plus haute valeur, la doctrine de l’Église romaine et les prérogatives du pontife romain, brisant les efforts et réfutant les erreurs de ceux qui les combattaient.