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GROPPER


électorale, basé sur l’accord de la loi civile et des règles canoniques. Il y déterminait exactement les juridictions, de façon à éviter les conflits qui étaient tout à la fois occasion de luttes personnelles et de scandale. Ce projet fut publié l’année suivante sous le titre : Jurisdictionis ecclesiasticæ archiepiscopalis curiæ Coloniensis reformatio, Cologne, 1529. En 1530, il prenait un premier contact immédiat avec la Réforme protestante. Il accompagnait son archevêque à la diète d’Augsbourg. C’est là qu’il noua des relations assez intimes avec Mélanchthon. Il allait d’ailleurs avoir affaire directement avec la poussée protestante qui essayait de pénétrer dans les provinces rhénanes.

Elle se faisait jour dès lors à Soest. Et c’est là l’origine, dans la vie de Gropper, d’un curieux problème d’histoire littéraire. A partir de 1533 paraît toute une série de publications satiriques, qui ridiculisent vivement les tentatives des réformateurs sur Soest. Elles sont signées du nom, qui est évidemment un pseudonyme, de Daniel de Soest. Les principales sont la Confession des prêdicants de Soest (1534), le Dialogue sur le début d’Isaïe (1537), enfin, en 1538, Y Apologetikon. Ces ouvrages, écrits en bas-allemand, sont certainement l’œuvre d’un homme qui connaissait très bien Soest et sa situation intérieure. D’autre part, il habitait Cologne. En effet, le conseil de Soest s’adressa au conseil de cette dernière ville pour avoir le nom de l’auteur. Il obtint, du reste, une réponse évasive. Or, d’après Jostes, dont les conclusions sont acceptées par van Gulik, le mystérieux Daniel ne serait autre que Gropper lui-même. Pour des raisons purement philologiques, qui d’ailleurs sont loin d’être décisives, cette conjecture fut rejetée par Edouard Schrôder, dans la Deutsche Lilteraturzcilung, 7 juillet 1888, et par Seelmann, Littcraiurblall fur germ. und rom. Philologie, t. xi, p. 178. Pourtant, les derniers travaux de Schmitz-Kallenberg, qui démontrent les relations étroites que Gropper garda toute sa vie avec sa ville natale, tendraient à confirmer l’hypothèse de Jostes. Le chancelier de Cologne y intervient dans des questions de discipline intérieure et d’enseignement. Il reste en correspondance avec les prêtres catholiques de la ville auxquels il donne des conseils. Il obtient même la réintégration du gardien des frères mineurs qui avait été expulsé. Une pareille influence répond bien aux données du problème que pose Daniel de Soest.

A la suite de la diète d’Augsbourg, Hermann de Wied s’était décidé à réformer son diocèse. Le meilleur moyen lui parut être la réunion d’un synode, qui se tint effectivement à Cologne du 6 au 10 mars 1536. Mais le concile avait été précédé de travaux importants dus pour la plus grande part à Gropper. C’était d’abord un projet de statuts concernant l’abus de l’excommunication dans les affaires civiles, l’âge trop tendre de certains bénéficiers, l’uniformité des rites et du missel dans toute l’étendue de l’archidiocèse, les règles des prédicateurs d’indulgences, la limitation du nombre des processions du saint-sacrement, et la fixation à 25 ans de l’âge des vœux solennels. Toutes ces règles, admises par le concile, se heurtèrent dans l’application au mauvais vouloir des princes temporels, en particulier du duc de Clèves. Aussi ne publia-t-on immédiatement que la formule de la visite diocésaine avec un résumé des canons, sous le titre : Formula ad quam visilalio inlra diœcesim Coloniensem exigetur, Cologne, 1536. Deux ans après seulement parut l’œuvre complète du synode sous le titre : Canones concilii provincialis Coloniensis, Cologne, 1538.

Mais ce volume renferme autre chose que les canons de Cologne. Il se complète par un travail qui est entièrement de la main de Gropper et qui forme la première de ses œuvres théologiques. Le chancelier d’Her mann de Wied avait voulu tracer un exposé complet de la foi catholique, dans lequel il prenait position au sujet des questions controversées. Il lui avait donné le titre de Enchiridion christianse inslitulionis. On y trouve une explication du symbole des apôtres, de la doctrine des sept sacrements, de l’oraison dominicale et du décalogue. L’ouvrage, dès son apparition, provoqua les éloges des plus célèbres théologiens catholiques de l’époque. Pourtant le point de vue de Gropper est très particulier. L’Enchiridion est, en effet, le programme du parti des « expectants » qui cherchait une conciliation doctrinale entre protestants et catholiques. Le point délicat, origine du reste de toutes les autres divergences, était la question de la justification. S’inspirant de la doctrine du théologien de Louvain, Albert Pigghe (Albertus Pighius), Gropper distinguait une double cause formelle de notre justification, d’abord la justice imputée, comme effet de la foi spéciale, puis la justice inhérente, qui, toujours insuffisante, ne pourrait à elle seule opérer la justification. Grâce à cette distinction, on pouvait, pensait-il, interpréter dans un sens catholique la théorie protestante de la sola fides. En même temps, Gropper continuait ses travaux de réforme intérieure dans l’archidiocèse. A cette fin, il publiait cette même année son ouvrage allemand : Des Erzstiffts Côllen Reformation der welllicher Gericht, Rechts und Pollizeij. Cet essai traitait surtout des tribunaux civils. Mais il touchait aussi par bien des points à l’organisation religieuse. Aussi Gropper y reprenait-il différentes ordonnances qu’il avait déjà établies dans sa Reformatio de 1529.

Une semblable activité avait fait avantageusement connaître le chancelier de Cologne. Charles-Quint résolut alors de l’employer pour une œuvre qui répondait du reste aux idées et au caractère de Gropper. L’empereur espérait toujours terminer les controverses et les luttes religieuses par la voie pacifique des discussions entre théologiens catholiques et théologiens protestants. A cette fin, il provoquait, en 1540, les colloques de Haguenau et de Worms. Gropper y fut appelé et prit une part considérable aux essais de conciliation, qui, du reste, n’aboutirent pas. Charles-Quint ne perdait point ses illusions. L’année suivante, la diète de Ratisbonne lui fut une occasion de renouveler la tentative. II y appela, du côté catholique, Gropper, son ami Julius Pflug, évêque de Naumbourg, et Jean Eck ; du côté protestant, Mélanchthon, Rucer et Pistorius. Les discussions furent présidées par le palatin Frédéric et par l’évêque Granvelle. Les cardinaux Contarini et Morone, favorables aux idées de Gropper, y assistaient. L’empereur fit soumettre aux théologiens un projet d’union dont on ne connaît pas bien l’origine. Cf. L. Cardauns, Zur Geschichte der kirchlichen Unions und Reformbeslrebungen von 153$ bis 1542, p. 16 sq. Après de longues discussions, sortit de la collaboration de Gropper avec Rucer la formule de concorde connue sous le nom d’Intérim de Ratisbonne. Elle traitait en vingt-trois articles toutes les matières controversées. Pour la doctrine de la justification en particulier, elle poussait à l’extrême la complaisance vis-à-vis des théories protestantes. L’original latin en a été publié pour la première fois par Eieck, Dasdreyfache Intérim, Leipzig, 1721.

Au moment même où Gropper pensait être arrivé à une formule satisfaisante pour les deux partis, son œuvre était attaquée des deux côtés à la fois. Mélanchthon déclarait ne pouvoir accepter ni la double justice, ni la définition de la foi qui faisaient le fond de la théologie des expectants. De son côté, Jean Eck combattait l’une et l’autre dans son ResponsumD. Joannis Eckii theologi contra librum Cœsareanum, publié par Quirini, Epislolæ Reginaldi Poli, Rrixen, 1748, t. iii, p. xliii sq. Les auteurs de Y Intérim voulurent le