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GRETSER — GREVE


sur les images : Georgius Codinus curopalata de offiviis et oflicialibus magnæ ecclesiie et aulæ Constanlinopolitanæ, Paris, 1625, les Notes sur l’histoire de Cantacuzène, etc.

L’histoire profane lui est redevable d’excellents travaux. Il donne la première édition du fameux Codex Carolinus, l’édition du meilleur manuscrit sur la vie d’Otto de Bamberg, publie et rassemble une foule d’importants documents inédits ou reproduits dans des textes fautifs. Il pousse Gewold à éditer les Scriptores rerum Boicarum ; lui-même fait transcrire le Chronicon Reichenspergense et réunit un grand nombre de matériaux pour les Antiqua monumenta d’Henri Canisius, Ingolstadt, 1601-1604. Leibniz place Gretser à côté de Brunner pour les services rendus à l’histoire de l’Allemagne.

Si l’on ajoute à ces immenses travaux les labeurs ordinaires de sa charge de professeur à l’université d’Ingolstadt, de 1589 à 1616, de prédicateur, de confesseur, on se demande par quel prodige un seul homme a pu fournir une pareille carrière. Il fut aidé toutefois dans ce formidable travail jusqu’en 1614 par le P. Ferdinand Crendel. Gretser ne donnait chaque nuit que quatre heures au repos ; la cloche du couvent voisin lui fixait à minuit, au signal des matines, l’heure du sommeil. Sa santé eut à souffrir de ce sévère régime et Clément VIII, qui l’avait en haute estime, recommanda instamment à ses supérieurs de veiller sur les jours de ce grand serviteur de l’Église. Sa réputation était universelle. L’empereur Ferdinand II le consultait dans les cas difficiles ; à son retour de la diète de Francfort où il fut élu empereur, son premier soin fut d’appeler Gretser auprès de lui à Munich. Gretser resta toujours un homme simple, modeste et droit, un religieux d’éminente vertu. Il mourut à Ingolstadt, le^28 janvier 1624. Son oraison funèbre fut prononcée parle célèbre professeur de droit, Ferdinand Waizenegger ^et la faculté de théologie fit aussitôt graver dans la grande salle des cours un éloge magnifique du grand controversiste qu’elle regardait comme sa gloire la plus pure.

Depuis 1616, Gretser travaillait à une édition complète de ses œuvres, qu’il revisait avec soin. Le P. Georges Stengel continua activement ce travail. L’édition ne parut qu’au siècle suivant, 17 in-fol., Ratisbonne, 1734-1742, sous la direction du P. G. Kolb.

B. Duhr, Geschichte der Jesuiten in den Làndern deutscher Zunge, Fribourg-en-Brisgau, 1910-1913, t. n a, p. 531 sq. ; t. il b, p. 391 sq., 654 sq. ; Ad. Hirschmann, Jakob Gretser als Apologetderôescllschaft Jesu, dans Theologische-praktische Monastchrifl de Passau, t. vi, p. 474 sq., 545 sq. ; Gretsers Sclirilten ùber das Kreuz, dans Zeitscliri/t fur kath. Théologie, t. xx, p. 284 ; B. Duhr, Die deutschen Jesuiten als Historiker, ibid., t. xii, p. 62 ; Ch. Verdière, Histoire de l’université d’Ingolstadt, Paris, 1887, t. ii, p. 230-239, 527-530 ; Max Haushofer, Die Ludwig-Maximilians Universilàt in Ingolstadt, Munich, 1890, p. 17 ; Dùrrwâchter, Christophe Gewolde, Munich, 1904, p. 39 sq., 102 sq. ; Sommervogel, Bibliothèque de la C" de Jésus, t. iii, col. 1745-1809 ; Hurter, Nomenclator, 3e édit., Inspruck, 1907, t. iii, col. 728-736.

P. Bernard.

GRÈVE. — I. Notion. II. Légitimité. III. Grève et sabotage. IV. Grève et liberté de travail. V. Grève des patrons ou lock oui. VI. Obligation d’éviter les grèves.

I. Notion.

La grève, que les théologiens contemporains appellent operistitium ou simplement cessatio operis, est un produit d’origine récente : elle ne date guère que du xixe siècle ; elle consiste dans la cessation collective et concertée de travail par les ouvriers d’une usine, d’une industrie ou d’une profession. Operistitium, dit Lehmkuhl, est cessatio operariorum a labore consilio’communi peracla. Theologia moralis, 11e édit., t. i, p. 779. Pour qu’il y ait grève proprement dite, il faut que la cessation de travail soit à peu près générale et

qu’elle résulte d’une entente entre les ouvriers intéressés.

Les grèves sont occasionnées, parfois, par des injustices dont l’ouvrier a à se plaindre ou par un légitime désir, chez lui, d’améliorer son sort au point de vue du salaire et à celui des heures de travail ; mais elles le sont, souvent aussi, par des exigences exagérées, des mécontentements mal fondés, des convoitises inacceptables de la part des ouvriers, ou bien encore par des excitations intéressées et des promesses trompeuses venant de gens qui trouvent leur compte à ces conflits entre le capital et le travail. Toutes les grèves ne sont donc pas sérieusement motivées et justes.

La grève doit être considérée comme un fléau ; car elle entraîne un énorme gaspillage de forces productives, elle cause de grandes pertes et de grandes soufrances et laisse dans le cœur du vaincu — patron ou ouvrier — des ressentiments qui préparent de nouvelles collisions. Elle est préjudiciable à tous, même quand elle n’est accompagnée d’aucune des violences qui la rendent plus redoutable encore.

II. Légitimité.

La grève doit donc être considérée comme un malheur social ; elle est un moyen de guerre, elle a tous les inconvénients de la guerre ; malgré cela, les ouvriers ont, dans certains cas, le droit d’y recourir. Ce droit est une suite logique du droit naturel d’association. Si les travailleurs peuvent licitement s’unir et se concerter pour défendre leurs intérêts, ils peuvent tout aussi licitement s’entendre pour décider la cessation collective de leur travail, au moins lorsque cette cessation est, comme cela arrive assez souvent, le seul moyen d’obtenir justice et de faire prévaloir leurs légitimes revendications. Le droit à la fin donne droit à l’emploi des moyens, pourvu que les moyens soient honnêtes. Le droit de grève, les gouvernements de presque tous les grands États l’ont reconnu, à la fin du siècle dernier ; ils l’ont inscrit dans la législation, tout en l’entourant de certaines réserves, comme c’était leur devoir. La grève a cessé d’être un délit, mais il ne s’ensuit pas qu’elle doive être toujours tenue pour légitime. Il faut, pour en apprécier la licéité ou la non-licéité, tenir compte et de la cessation du travail en elle-même, et des moyens employés pour la produire, et des conditions révolutionnaires ou régulières dans lesquelles elle s’elïectue.

Les ouvriers ne peuvent légitimement se mettre en grève tant qu’ils sont liés, envers leur patron, par un contrat ou un quasi-contrat, à moins que ce contrat ne soit notoirement nul, injuste, ou que le patron n’en ait le premier violé les clauses. Le contrat de travail est un contrat synallagmatique, il oblige les deux parties pour tout le temps de sa durée ; l’une d’elles ne peut valablement l’annuler seule, parce qu’elle y trouve satisfaction ou profit ; il faut le consentement des deux. Ce n’est qu’à l’expiration de la convention ou à sa résiliation librement consentie par le patron, que les ouvriers ont le droit de cesser le travail : « L’ouvrier, a dit Léon XIII dans l’encyclique Rerum novarum, doit fournir intégralement et fidèlement tout le travail auquel il s’est engagé par contrat libre et conforme à l’équité. » Il est évident que, si le contrat avait été nul, à l’origine, pour cause d’erreur, défaut de liberté ou tout autre motif, le travailleur serait en droit de le considérer comme inopérant.

Le contrat aurait-il été valide, si le patron n’en observe pas les clauses, les ouvriers peuvent, en toute justice, considérer la convention comme résiliée et suspendre le travail immédiatement : Anie lempus contractus elapsum operistitium facere injustum non fuerit, si ex parle domini aperta commitlitur conlractus lœsio, neque Me monitus velit ab inferenda injustitia desislere. Lehmkuhl, op. cit., p. 779. Il en serait de même si le patron, sans violer les clauses proprement dites du