Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée

L843 GREGOIRE DE NAZIANZE - - GRÉGOIRE DE NÉOCÉSARÉE

logique sur lequel roule toute sa discussion est ainsi formulé : « Cela seul est guéri, qui est pris parle Verbe ; cela seul est sauvé, qui est uni à Dieu. » Episl., ci, col. 181. D’accord toutefois en ceci avec Apollinaire, notre saint repousse l’idée de la dualité des personnes en Jésus-Christ. « Il y a en lui, écrit-il, deux natures ; il est Dieu et homme, puisqu’il est âme et corps ; mais il n’y a pas deux lils ni deux dieux… Autre et autre, àÀÀo v.t. aÀ/.o, sont les éléments dont est le Sauveur… ; mais le Sauveur, lui, n’est pas un autre et un autre, aÀÀoç /.ai aÀÀo ;, loin de là ! » Epist., ci, col. 180. De l’unité personnelle de Jésus-Christ .lans la dualité des éléments qui le composent, l’un divin, l’autre divinisé, Oral., xxxviii, 13, suit, avec la communication des idiomes, le dogme de la maternité divine de Marie. Les textes classiques se trouvent dans saint Grégoire de Nazianze. « Si quelqu’un n’accepte pas sainte Marie pour mère de Dieu, il est séparé de la divinité. » Epist., ci, col. 177. Marie est la Virgo dcipara. Oral., xxix, 4.

En dehors des questions trinitaires et christologiques, où la foi de saint Grégoire, nonobstant des imprécisions et des obscurités de langage, est restée toujours pure, notre saint regarde les anges comme des créatures immortelles, intelligentes et libres. Oral., xxix, 13. Leur spiritualité est-elle absolue ? Il refuse de se prononcer. Oral., xxviii, 31 ; xxxviii, 9. Voir t. i, col. 1199, 1204. Sanctifiés après leur création, Oral., vi, 12, 13, les anges prévaricateurs ont perdu la grâce par l’effet de l’envie ou de l’orgueil, OraL, xxxviii, 9 ; xlv, 5, et, précipités du ciel, mais non anéantis, ils font actuellement la guerre aux enfants de Dieu. Carm., 1. I, sect. i, 7, P. G., t. xxxvii, col. 443 sq.

Quant à la nature de l’homme et à son état présent, saint Grégoire, sans entrer néanmoins dans toutes les précisions désirables et nécessaires, atteste et sa béatitude primitive et sa déchéance postérieure. Le péché d’Adam, qui est aussi le péché de tous les enfants d’Adam, OraL, xvi, 15 ; xxxviii, 4, 17, a entraîné pour eux la mort, les misères de la vie terrestre, le dérèglement de la convoitise, la perte de la grâce surnaturelle et de l’union avec Dieu. L’image de Dieu n’est pourtant pas effacée totalement dans l’homme, ni sa puissance de coopérer avec la grâce n’est abolie. L’homme déchu peut s’élever du spectacle des choses créées à la connaissance de Dieu, et son libre arbitre lui a été conservé. Le libre arbitre peut donc et doit concourir avec la grâce dans l’œuvre du salut ; sans ce concours, pas de salut possible. Saint Grégoire, en étudiant de moins près que saint Augustin le problème de la grâce, ne laisse pas de maintenir l’homme dans la dépendance de l’action divine, et de faire très large la part de la grâce dans le bien que l’homme accomplit ; la bonne volonté môme de l’homme vient de Dieu. Oral., xxxvii, 13 sq.

Cette grâce, qui nous est indispensable, est le fruit de l’incarnation et de la mort de Jésus-Christ ; mais comment avons-nous été rachetés et délivrés de la mort ? Saint Grégoire de Nazianze attache une grande importance à la doctrine de la rédemption, et il attribue une efficacité spéciale à la passion, qui est un sacrifice réel, dans lequel Jésus-Christ s’est substitué aux coupables. Il condamne absolument l’idée adoptée par saint Basile et par saint Grégoire de Nysse, que nous étions devenus la propriété de Satan et que la vie et le sang de Jésus-Christ sont la rançon payée pour nous au démon. Oral., xlv, 22. Jésus-Christ s’est substitué à nous et s’est fait, à notre place, la victime de la justice de Dieu. Oral., xxx, 5 ; xxxvir, 1. Cf. L. Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, p. 103-104, 174-179, 387, 420-421.

Pendant que notre saint rend hommage à la pri mauté du siège de Rome, Carmen de vita sua, P. G. t. xxxvii, col. 10(18, il proclame la nécessité du baptême sacramentel, pour nous ouvrir, à défaut du martyre, l’entrée de l’Église et nous mettre en possession du bonheur éternel. Oral., xl, 23. En ne requérant pas la sainteté dans le ministre du baptême et en prescrivant le baptême immédiat des enfants, s’ils sont en danger de mort. Oral., xi, 28, saint Grégoire montre qu’il accorde au rite lui-même une efficacité objective pour la production de la grâce. Mais, sans requérir la sainteté du ministre du baptême, il requiert que le ministre ait au moins la foi de l’Église. OraL, xl, 26. C’était reconnaître la nécessité de rebaptiser les hérétiques, conformément à la tradition de Firmilien de Césarée. La présence réelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie et le caractère sacrificiel du mystère eucharistique sont aussi affirmés et mis en lumière. OraL, viii, 18 ; ii, 95 ; Epist., cli. Voir t. v, col. 1148. Les secondes noces et, plus encore, les troisièmes et quatrièmes noces sont mal vues ou même tout à fait réprouvées. Oral., xxxviii, 8. Saint Grégoire n’admet aucune dilation pour les justes de la béatitude éternelle, bien que la chair n’y doive prendre part qu’après la résurrection. Dans la question de la durée des peines de l’enfer, l’influence des idées d’Origène est sensible. Tantôt Grégoire enseigne l’éternité des peines, Oral., xvi, 7 ; tantôt il ne veut pas se prononcer, ou il insiste principalement sur le caractère moral de la peine des damnés. Oral., xl, 36 ; Carm., 1. II, sect. i, 1, P. G., t. xxxvii, col. 1010. Voir t. v, col. 69-70.

Vie de saint Grégoire de Nazianze en grec, P. G., t. xxxv, col. 241-305, avec les préfaces des anciens éditeurs ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, Paris, 1714, t. ix, p. 305-560, 692-731 ; Ch. Clémencet, Vita S. Gregorii theologi, P. G., t. xxxv, col. 147-242 ; Ullmann, Gregorius von Nazianz, der Tlteologe, Darmstadt, 1825 ; A. Benoît, S. Grégoire de Nazianze, Paris, 1885 ; Dubetout, De Gregorii Nazianzeni carminibus, Paris, 1901 ; Fessler-Jungmann, Instituliones patrologiæ, Inspruck, 1890, t. i, p. 532-561 ; P. Batiffol, La littérature grecque, Paris, 1897, p. 237-240 ; Bardenhewer, Les Pères de l’Église, nouv. édit. franc., Paris, 1C05, t. ii, p. 89-103 ; Hurter, Nomenclator, 1903, t. i, col. 163-172 ; Hergenrôther, Die Lehre von der goltliclien Dreieinigkeit nach dem hl. Gregor von Nazianz, Batisbonne, 1850 ; Dr.iseke, Neuplatonisches in der Gregorios von Nazianz Trinitatslehre, dans Bgzantinische Zcilschrijt, 1906, t. xv, p. 141-190 ; Hiimmer, Des hl. Gregor von Nazianz des Theologe Lehre von der Gnade, Kempten, 1890 ; fixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1909, t. u (voir table analytique, p. 522) ; Marcel Guignet, Saint Grégoire de Nazianze, orateur et épistolier, Paris, 1912 ; R. Gottwald, De Gregorio Nazianzeno, phdonico, Breslau, 1906.

P. Godet.

24. GRÉGOIRE DE NÉOCÉSARÉE, ou LE

THAUMATURGE (Saint). — I. Vie. II. Ouvrages.

I. Vie.

Grégoire, nommé aussi primitivement Théodore, et surnommé plus tard le Thaumaturge, naquit vers l’an 213 à Néocésarée, dans le Pont Polémoniaque, d’une des plus nobles familles païennes du pays. Orphelin dès l’âge de quatorze ans, il étudia tour à tour la rhétorique et le droit. Pour parfaire ses études juridiques, il se proposait d’aller, avec son frère puîné Athénodore, à la célèbre école de Béryte en Phénicie, lorsque le mariage de leur sœur avec un assesseur du gouverneur de Palestine attira les deux frères dans sa résidence à Césarée. Là, probablement en 233, ils rencontrèrent Origène, se laissèrent captiver par son enseignement, et oublièrent peu à peu Béryte et la jurisprudence, attachés de toute leur âme au maître, qui réussit à les tourner vers les études philosophiques et bientôt à les convertir tout à fait. Après avoir suivi pendant cinq ans les leçons d’Origène et avoir témoigné de la reconnaissance envers son illustre maître par un discours public, prononcé devant lui,