Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée
1841
1842
GREGOIRE DE NAZIANZE


tion des plus jeunes membres du concile, et qu’il vit en outre les évêques d’Egypte et de Macédoine, tardivement invités, contester sa nomination au siège de Constantinople, écœuré des ambitions et des intrigues de nombre d’évoqués, il se démit de la charge qu’il venait à peine d’assumer, et quitta Constantinople, au mois de juin 381 probablement. Il retourna ensuite à Xazianze, qu’il administra pendant la vacance du siège et défendit des ravages de l’apollinarisme. Enfin, lorsque, vers 383, il put procurer à Nazianze en la personne de son cousin Eulalius le pasteur de ses vœux, il se retira près d’Arianze, sur le domaine de ses pères, où il était né. Il y mourut en 389 ou au plus tard en 390, adonné aux pratiques de l’ascétisme chrétien et à la culture des vers dont la passion avait enchanté sa jeunesse.

IL Ouvrages. — Les œuvres de saint Grégoire se divisent en trois groupes : Discours, lettres et poésies.

Discours.

Des 45 discours qui ont survécu,

P. G., t. xxxv-xxxvi, les premiers, pour la célébrité comme pour l’importance, sont les discours xxvii-xxxi du recueil. Ces cinq discours sur la Trinité, intitulés par l’orateur lui-même Discours théologiques, Oî Tfj ; SsoXo-fÊaç Xo’y<h, ont été prononcés à Constantinople, en 380, contre les unomiens et les pneumatomaques, et par leur vigueur, ils ont mérité à saint Grégoire de Nazianze le titre de théologien ; ce sont les morceaux classiques de la théologie grecque. Deux autres discours, qui datent aussi du séjour de Constantinople, le xx c sur le sacre et l’intronisation des évêques, le xxxiie sur la mesure à garder dans les discussions, abordent souvent les mêmes sujets que les discours théologiques et s’en rapprochent beaucoup. Deux discours passionnés contre l’empereur Julien, Ào’yot (jtt)Xi-TîJt’. /.oî, iv et v, n’ont été composés qu’après la mort de ce prince, 26 juin 363, et, selon toute apparence, n’ont pas été prononcés. Le discours ii, dans lequel saint Grégoire explique et justifie sa fuite après son ordination sacerdotale, n’a sans doute jamais été porté dans la chaire sous sa forme actuelle ; il est fort à croire que la partie purement apologétique en fut seule prononcée, l’an 362 ou 363, à Nazianze, et que l’orateur, remaniant plus tard son travail primitif, en fit l’ample traité qui nous est parvenu sur la sublimité de l’état ecclésiastique. Les sujets des autres discours sont très variés. Le prédicateur s’inspire tantôt d’une fête de l’Église, tantôt d’un article du symbole ou d’une obligation de la vie chrétienne. Ailleurs, il célèbre la mémoire de quelques martyrs fameux, honore le souvenir de ses parents et de ses amis, Césaire, son jeune frère, vii, Gorgonie sa sœur, viii, Grégoire, son père, xviii, saint Basile, xliii, raconte enfin dans un but d’apologie les faits saillants de sa propre carrière. Nulle part l’éloquence de saint Grégoire n’est exempte des recherches et des artifices de la rhétorique ; partout, même dans les oraisons funèbres, le sophiste perce à côté de l’orateur. En général, le faux et l’exagéré se mêlent avec le grand et le beau, une sensibilité délicate et profonde avec une froide et creuse redondance. Rufin d’Aquilée nous apprend, P. L., t. xxi, col. 250, qu’il a traduit en latin huit discours de saint Grégoire ; mais on ne trouve dans P. G., t. xxxvi, col. 735-736, que la préface de cette version. Des éditions spéciales des discours de saint Grégoire de Nazianze ont été faites par Goldhorn, Leipzig, 1854, et par J. A. Mason, Cambridge, 1899.

Lettres.

Il nous est resté de saint Grégoire 244

lettres, P. G., t. xxxvii, qui datent pour la plupart de la retraite d’Arianze, 383-389. Mercati, Varia sacra, Rome, 1903, t. i, p. 53-56, a fait paraître une nouvelle et courte lettre de saint Grégoire à saint Basile, avec la réponse de ce dernier. La lettre ccxiin 6 au moine Évagre, P. G t. xxxvii, col. 383 ; t. xlvi,

col. 1101-1108, est apocryphe. Travaillées avec soin et comme en vue du public, ces lettres ont pour trait distinctif une énergique brièveté. Mais elles n’offrent point au fond d’intérêt historique ; elles ne nous initient qu’à des détails de la vie de l’auteur ou de ses amis et de ses parents. Il y est rarement question de théologie. Signalons pourtant sous cet aspect les deux lettres au prêtre Cledonius, ci et en, composées probablement toutes les deux en 382 et dirigées contre l’apollinarisme.

3° Poésies. - - Comme la plupart des lettres de saint Grégoire de Nazianze, la plupart de ses poésies s’échelonnent de l’an 383 à l’an 389, J’. G., t. xxxviixxxviii. Poésies théologiques, traitant tour à tour du dogme et de la morale, et poésies historiques, celles-ci sur lui-même, celles-là sur les autres. Le poète s’y était donné la tâche de combattre avec leurs propres armes les apollinaristes, qui se servaient du vers pour répandre leurs doctrines dans le peuple. On a critiqué la poésie didactique de saint Grégoire, pour n’être, a-t-on dit, que de la prose versifiée, traînante et redondante. Les élégies, au contraire, où Grégoire a pleuré ses malheurs, reflètent une tristesse rêveuse, une mélancolie mystique d’un charme singulier et qui va au cœur. Les principaux mètres de la prosodie classique — hexamètres, trochées, trimètres iambiques, etc. — foisonnent dans l’œuvre de saint Grégoire. On y remarque toutefois dans quelques vers les premiers avant-coureurs de la poésie moderne. Un Hymne du soir et une Exhortation aux vierges, P. G., t. xxxvii, col. 511-514, 632-640, sont, dans la littérature grecque, le plus lointain exemple de cette poésie nouvelle, fondée sur l’accent tonique et non plus sur la quantité.

III. Doctrine. — Saint Grégoire de Nazianze, appuyé fermement sur la double autorité de l’Écriture et de la tradition, est le champion et le représentant de la foi de l’Église grecque à la fin du ive siècle. « C’est une preuve manifeste d’erreur dans la foi, écrira Rufin d’Aquilée, P. G., t. xxxvi, col. 736, que de ne pas s’accorder avec la foi de Grégoire. » On a révéré de tout temps sa doctrine, et les conciles œcuméniques à maintes reprises l’ont expressément invoquée. Ainsi, au milieu des hérésies trinitaires et christologiques du iv sièele, en face des semi-ariens, des macédoniens et des apollinaristes, l’orthodoxie de saint Grégoire est demeurée sans tache. Continuateur de saint Athanase, et partisan fidèle, quoi qu’on ait dit, du strict ôij-ocôaio ; nicéen, il distingue avec une netteté particulière l’ojaia et l’ûr.otrtaaic, permettant même sous une condition antisabellienne l’emploi du mot rpdawjtov, et il reconnaît en Dieu trois hypostases ou personnes, consubstantielles entre elles, toutes les trois égales et également adorables, ayant la même volonté, la même connaissance, la même action. « Il y a diversité quant au nombre, mais non partage de substance. » Orat., xxix, 2 ; xxxi, 9, et passim. Voir t. v, col. 2455. Les propriétés caractéristiques de ces trois personnes divines, par où chacune s’oppose aux deux autres, sont, selon saint Grégoire, Orat., xxv, 16 ; xxxi, 29, ràysvvrisîa, la ysvvTjata ou yÉvv7]CTtç, l’iz-opjejt ; ou’éy.~i’x^<. :. En quoi précisément la procession du Saint-Esprit diffère delà génération du Fils, notre saint avoue qu’il nous est impossible de le marquer. Orat., xxxix, 12 ; xxiii, 1 1 ; xxxi, 8. Du Filioque, de la procession du Saint-Esprit par le Fils, il ne nous dit à peu près rien ; cependant, bien qu’il n’en parle presque pas, il la présuppose. Oral., xlii, 15. Voir t. v, col. 787-788. En revanche, saint Grégoire s’élève contre la mutilation que l’apollinarisme voulait infliger à la nature humaine de Jésus-Christ, et il maintient avec fermeté l’existence de l’âme raisonnable, voùç, dans l’humanité du Sau veur. Orat., ii, 23 ; xxxvii, 2. Le principe sotério