Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/298

Cette page n’a pas encore été corrigée
1827
1828
GREGOIRE XVI


agitation devait aboutir à la guerre du Sonderbund (1817). Grégoire XVI ne vit pas la paix religieuse se rétablir en Suisse.

4. Avec la Prusse.

Les puissances absolutistes du Nord ne causaient pas moins de difficultés au pape que les Étals où se trouvaient aux prises libéraux et catholiques. La question des mariages mixtes aboutissait en Prusse à un conllit aigu entre l’Église et l’État. La loi prusienne de 1803 avait stipulé que les enfants issus de mariages mixtes suivraient, dans tous les cas, la religion de leur père. C’était une grave atteinte au droit canonique qui ne tolère de tels mariages qu’à la double condition que le conjoint catholique ne sera pas exposé au péril de perversion et que les deux futurs promettront, avant la célébration du mariage, de faire élever tous leurs enfants dans la religion catholique. Après qu’en 1825 la loi prussienne eut été mise en vigueur dans le pays rhénan, Pie VIII avait rappelé dans un bref aux ôvêques prussiens, du 25 mars 1830, le déplaisir que causent à l’Église de telles unions, et, pour mieux inculquer cette idée aux fidèles, avait interdit aux curés d’honorer par une cérémonie religieuse de semblables mariages. Le curé prêterait simplement son assistance passive. Grégoire XVI, dans un bref du 27 mars 1832 aux évoques de Bavière, et dans une instruction du 12 septembre 1834, complétant le même document, avait insisté à nouveau sur cette doctrine de l’Église. Il rappelait avec beaucoup de force que l’indiflérentisme religieux est le plus ordinaire résultat de la multiplication de semblables mariages. Enfin il négociait avec la Prusse pour obtenir que les évêques de cet État pussent appliquer les prescriptions édictées par Pie VIII.

Mais le gouvernement prussien comptait avec le servilisme de l’archevêque de Cologne, Spiegel, et de ses sufïragants, qui s’efforcèrent d’empêcher que les instructions pontificales fussent connues du clergé et des fidèles. Il ne fit rien de ce qu’il avait promis au pape. C’est seulement à la mort de Spiegel (1835), que l’Allemagne religieuse connut les instructions de Pie VIII et de Grégoire XVI. Le nouvel archevêque de Cologne, Clément-Auguste de Droste-Vischering, rapporta les ordonnances de son prédécesseur et déclara ne connaître que les instructions de Pie VIII. Le gouvernement prussien pensa avoir raison de l’archevêque par la manière forte. Le 20 novembre 1837, Droste fut arrêté et conduit dans la forteresse de Minden. Dans un consistoire public du 10 décembre 1837, Grégoire XVI protesta contre cette violation des droits de l’Église, exalta le courage de l’archevêque, et déclara « d’une manière solennelle et en forme authentique qu’il condamnait toutes les pratiques relatives aux mariages mixtes introduites en Prusse contrairement aux prescriptions de son prédécesseur. » A cet acte pontifical, le gouvernement prussien répondit en faisant arrêter l’évêque de Posen, qui fut traduit devant les tribunaux pour excitation à la révolte et à la désobéissance aux lois, condamné à six mois de prison et maintenu en forteresse, sans jugement, à l’expiration de sa peine (avril 1839). Les allocutions consistoriales du 13 septembre 1838 et du 8 juillet 1839 s’élèvent avec véhémence contre ces empiétements du gouvernement prussien contre la juridiction ecclésiastique. L’avènement de Frédéric-Guillaume IV (1840) vint heureusement couper court à ces difficultés tragiques. L’évêque de Posen put rentrer dans son diocèse ; on donna à l’archevêque de Cologne, toujours banni de son siège, un coadjuteur qui administrerait le diocèse à sa place. Moyennant ce sacrifice, auquel le pape eut beaucoup de peine à consentir, le roi accordait la pleine liberté de l’Église de Prusse.

5. Avec la Russie.

La Russie devait être beaucoup plus lente à entrer dans la voie des accommodements.

Elle comptait, depuis les annexions de 1772, 1793 et 1795, deux catégories bien distinctes de sujets catholiques : des latins (polonais et habitants de la Russie Blanche) et des ruthènes formant depuis le xvi c siècle une Église slave uniate. Le pontificat de Grégoire XVI verra se dérouler en ce pays de terribles événements qui aboutirent à la destruction presque complète de l’Église uniate, et à de rudes persécutions contre l’Église latine. Depuis son avènement (1825), Nicolas I er ne dissimulait pas son désir de ramener à l’orthodoxie moscovite les ruthènes unis à Rome ; il trouva, parmi les hauts dignitaires uniates des instruments tout dévoués à ses desseins. En particulier le métropolite Siemazko se chargea de faire aboutir les projets schismatiques du tzar. Dès 1825, un oukaze interdisait aux uniates toute correspondance avec Rome, puis des décrets successifs réorganisèrent l’Église ruthène ; elle serait administrée par un collège grec-uni, sous la surveillance du ministre des cultes, les évêques seraient nommés par le tzar. En même temps les couvents étaient en grande partie supprimés, les écoles ecclésiastiques et les séminaires fermés, les clercs contraints de faire leurs études à l’université de Pétersbourg. Puis des livres liturgiques furent mis en circulation, qui, sournoisement, prêchaient le schisme. Enfin les évêques vendus au gouvernement extorquèrent à leurs prêtres des formulaires d’adhésion à l’Église orthodoxe. En février 1839, l’œuvre schismatique semblait assez avancée pour qu’on pût lever le masque : les prélats apostats se réunirent et au nom de leurs diocésains déclarèrent abolie l’union signée avec l’Église romaine en 1595 ; ils demandaient au tzar « la permission de rentrer dans l’Église de leurs pères. » Mais beaucoup d’uniates résistaient à ces tentatives schismatiques. N’ayant pas réussi à les convaincre par le mensonge, on mit en œuvre la violence ; les religieux des deux sexes, les prêtres fidèles furent enfermés en des monastères orthodoxes où les pires traitements leur furent infligés. L’abbesse Makrana Miezlawska, qui parvint à s’échapper, révéla plus tard à Grégoire XVI et à l’Europe les horreurs qui furent commises. Les populations fidèles ne furent pas mieux traitées. Cette dure persécution produisit ses fruits ; en 1850 il ne restait plus d’uniates que dans la Pologne propre.

Mieux protégée contre le schisme par ses rites et sa langue liturgique, l’Église latine eut néanmoins à subir les plus rudes persécutions. Dès 1827, une série d’ordonnances entravent le recrutement du clergé et des ordres religieux ; en même temps le gouvernement s’elîorce de faire élever à l’épiscopat des personnages vieillis ou sans caractère. Les griefs religieux des Polonais catholiques expliquent autant que leurs griefs politiques l’insurrection de 1830-1831. Mais Grégoire XVI, trompé par les mensonges du gouvernement russe, n’en réprouva pas moins l’insurrection dans l’encyclique Cum primum, adressée le 9 juin 1832 aux évêques de Pologne. Il ne voulait voir, dans les griefs religieux invoqués parles insurgés, qu’un prétexte trom peur, déclarait que c’est un devoir absolu de se soumettre à la puissance légitimement constituée par Dieu, sauf au cas, où, par hasard, elle commanderait quelque chose de contraire aux lois de Dieu et de l’Église. « Les évêques devront de tout leur pouvoir inculquer cette doctrine à leurs peuples, et le très courageux empereur, auprès de qui le pape ne manquera pas d’interposer ses bons offices, recevra toujours avec bonne grâce les demandes qui lui seront faites en faveur d’une religion à qui il a promis que sa protection ne ferait jamais défaut. »

Ce document, où se rellètent plus encore les préoccupations de Grégoire XVI, souverain temporel, que son antipathie pour les idées libérales, ne contribua guère à adoucir les souffrances de la malheureuse