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GRÉGOIRE XVI

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mois, le conclave s’ouvrit le 14 décembre 1830. Le cardinal Giustiniani, ancien nonce à Madrid, allait triompher quand l’Espagne signifia l’exclusive contre lui ; Giustiniani se mit alors à la tête du parti des zelanli, y rallia l nalement Albani, chef de la faction opposée, et le conclave élisait Je 2 février 1831 le cardinal Capellari, qui déclara prendre le nom de Grégoire XVI en souvenir de Grégoire XV, fondateur de la Propagande dont Capellari avait été préfet.

Cardinal, Maur Capellari était resté religieux dans la force du terme, très austère, très observateur de la règle de son ordre, intransigeant pour lui-même et pour les autres. Plein de droiture, mais avec assez peu d’ouverture d’esprit, pas du tout d’expérience et une profonde défiance pour toutes les idées nouvelles, il portera sur le trône de saint Pierre ces mêmes dispositions d’esprit qui resteront caractéristiques de son pontificat. Les difficultés de tout genre ne devaient pas lui manquer.

If. Pendant son pontificat. — 1° Gouvernement des Étals pontificaux. -- Depuis que le congrès de Vienne avait rétabli le pouvoir temporel du Saint-Siège, les embarras ne faisaient que croître dans les États de l’Église ; sous la pression des sociétés secrètes, de nombreuses émeutes avaient éclaté, d’ailleurs sévèrement répriméss par le gouvernement. Les réformes accomplies par Léon XII dans l’administration, la justice et les finances avaient été insuffisantes à calmer le mécontentement profond des sujets du pape surtout dans la partie nord du. territoire (Légations, Romagnes, Marches). La révolution française de juillet 1830 fut le signal dans toute l’Europe d’une vive agitation, les Etats pontificaux ne pouvaient pas échapper au contre-coup que cet événement produisait partout.

Le 6 février 1831, au moment où Grégoire XVI sortait de la cérémonie où lui avaient été conférées la consécration épiscopaleet la tiare pontificale, il apprenait que deux jours auparavant Bologne s’était soulevée, avait emprisonné le légat, proclamé la déchéance du pape comme souverain temporel et formé un gouvernement provisoire. De Bologne le mouvement s’étendit très vite aux villes de la Romagne et aux Marches ; un vieux colonel des guerres impériales s’empara d’Ancône et se prépara à marcher sur Rome. En une semaine les deux tiers des États pontificaux étaient en pleine révolution ; le cardinal Benvenuti, envoyé comme légat avec des pouvoirs extraordinaires pour ramener l’ordre dans les provinces insurgées, est fait prisonnier, conduit à Bologne, puis à Ancône ; des troubles se préparent à Rome même.

Le cardinal Berne tti. nommé secrétaire d’État, était décidé à user de la manière forte pour réprimer l’insurrection, mais en même temps il aurait voulu que l’État pontifical se tirât d’affaire lui-même, sans faire appel à l’intervention étrangère. Il fallut bien cependant y recourir ; incapable de résister par ses seules forces, Grégoire XVI écrivit à l’empereur d’Autriche François II pour lui demander secours. L’Autriche saisit avec empressement cette occasion qui lui permettait d’intervenir plus profondément encore dans les affaires de fa péninsule. Le 25 février, une forte armée autrichienne s’avance sur Bologne, d’où le gouvernement provisoire s’enfuit, pour se réfugier à Ancône. Poursuivis par les Autrichiens, les révoltés enfermés dans cette place signent avec le cardinal Benvenuti, leur prisonnier, une capitulation accordant une amnistie générale. Le 29 mars, l’armée autrichienne entrait dans Ancône, et le 5 avril Grégoire XVI cassait la convention extorquée à son légal et prenait des mesures énergiques de répression.

Cette intervention autrichienne fournissait aux grandes puissances l’occasion <le s’occuper des affaires pontificales ; elles n’y manquèrent pas, et les représen tants de l’Angleterre, de l’Autriche, de la France, de la Prusse et de la Russie se mirent d’accord pour signaler au pape, dans un Mémorandum du 21 mars 1831, les principales réformes de nature à supprimer, on l’espérait du moins, les plus graves sujets de mécontentement dans les États de l’Église. On indiquait au pape, comme mesures à prendre à bref délai : la participation des laïques à l’administration et à la justice, jusque là exclusivement réservées aux ecclésiastiques, l’établissement d’une représentation municipale élue, de conseils provinciaux assistant le gouverneur, enfin d’une assemblée des notables ayant surtout des attributions financières. Un édit du 5 juillet 1831 s’efforça de réaliser un certain nombre de ces desidemla ; en même temps Bernetti négociait avec l’Autriche l’évacuation complète du territoire pontifical, après avoir obtenu des puissances qu’elles garantiraient la tranquillité de l’État romain.

L’évacuation autrichienne était à peine terminée, que les Romagnols, ne se sentant plus contenus par la force, commencèrent à réclamer l’application immédiate des réformes promises. Bientôt des gardes civiques s’organisent dans les différentes villes et entrent en conflit avec les troupes suisses envoyées pour les désarmer (janvier 1832). II fallut rappeler les Autrichiens, qui eurent tôt fait de rétablir l’ordre dans les Légations et se préparèrent à occuper les Marches. Mais le gouvernement français, irrité de cette mainmise de l’Autriche sur la péninsule, se décida brusquement à faire occuper Ancône (23 février 1832). Les débuts de l’occupation n’eurent rien d’amical, et il fallut quelque temps à l’ambassadeur français pour la faire accepter par le gouvernement pontifical. A toutes les observations, la France déclara qu’elle resterait à Ancône, tant que les troupes autrichiennes n’auraient pas évacué le territoire du Saint-Siège. La double occupation française et autrichienne ne prit fin que dans les derniers jours de 1838 ; dans l’intervalle, en 1836, Grégoire XVI avait dû sacrifier Bernetti, son secrétaire d’État, aux rancunes de l’Autriche et l’avait remplacé par Lambruschini, plus réactionnaire encore que son prédécesseur. En retirant leurs troupes, les deux puissances catholiques avaient de nouveau demandé au pape les réformes et les améliorations, nécessaires à leur avis pour le maintien de l’ordre dans l’État pontifical. Mais rien ne se lit : les réformes réclamées par le Mémorandum de 1831 ne furent jamais sérieusement entreprises. Grégoire XV f et ses ministres se défiaient trop des innovations mises à la mode parle libéralisme politique ; l’Autriche, d’autre part, empêchait de tout son pouvoir des réformes qu’elle ne voulait pas appliquer elle-même dans ses possessions italiennes. Bref, malgré un certain nombre de mesures de bonne administration prises par le pouvoir central, mais mal appliquées par ses représentants lointains, le mécontentement ne fit que grandir dans la partie septentrionale des États de l’Église. Vers la fin de septembre 1845 de nouveaux troubles éclatèrent dans les Romagnes ; la sédition fut si générale et si vive que le courrier qui en apportait la nouvelle à Rome fut obligé de faire un long détour pour y arriver. La répression fut sévère ; mais la force soutenait seule l’édifice chancelant de la souveraineté temporelle. Sans les régiments suisses, le gouvernement pontifical aurait été culbuté en un clin d’œil ; mais l’entretien de ces régiments était une charge énorme pour le trésor pontificat. La situation financière était loin d’être brillante et les deux emprunts que le gouvernement pontifical fut obligé de contracter auprès de la maison Rothschild à des conditions usuraires ne remédièrent point à la situation obérée du trésor. Bref, quand Grégoire XVI mourut, il laissait à son successeur une position singulièrement difficile.

Les événements politiques que nous venons de rap-