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GREGOIRE VII


que par la rigueur : « II faut, disait Grégoire VII à sou entourage, donner aux estomacs faibles du lait, non pas des mets trop lourds. » Il pressa Bérenger de signer une formule adoucie. Voir t. il, col. 733. Les zelanti n’étaient pas rassurés ; cette profession de foi ne leur semblait pas assez explicite. Le Il février 1079. Bérenger, sous la foi du serment, était invité par Grégoire VII à signer une formule proclamant la transsubstantiation et la présence réelle. Voir t. ii, col. 73 1.

Le schisme grec.

Le pape, qui avait su travaille : -Bérenger

pour l’amener à résipiscence, n’avait p i > renoncé à ramener les schismatiques à des sentiments plus conciliants avec la papauté romaine. Grégoire Vil pouvait se souvenir des tristes jours de 1054 ; archi diacre du pape Léon IX, il avait vu les légats pontificaux et à leur tête le cardinal Humbert déposer sur le maître autel de Sainte-Sopbie une bulle solennelle d’excommunication contre Michel Cérulaire et ses adhérents avec ces mots : Videat Dcus et judicel. Il ne pouvait se résoudre à croire la séparation définitive. Dès 1073, la première année de son pontificat, il envoya vers l’empereur Michel le patriarche de Venise. Les termes de la lettre confiée au légat sont à citer. Ils démontrent un besoin d’entente et de paix. Non autem non solum inter Romanam, cui licel indigni deservimus, Ecclesiam et filiam cjus Constantinopolilanam, anliquam, Deo ordinante, concordiam cupimus innovare, sed si fieri potest, quod ex vobis est, cum omnibus hominibus pacem habere. Scitis enim quia quantum anleccssorum noslrorum et veslrorum sancta aposlolieæ sedi et imperio palrocinium concordia projuil, lantum deinceps nocuit quod utrinque eorumdem charitas friguit. P. L.. t. cxlviii, col. 300. Le succès ne répondit pas à ces elïorts. De mal en pis, les relations de Grégoire VII et de la cour byzantine n’aboutirent qu’à l’excommunication de l’empereur de Constantinople au XIe concile romain. Cf. Liber pontificalis, édit. Duchesne, Paris, 1892, t. ii, p. 285.

Rappelons, en terminant qu’en 1078, dans son Ve synode, le pape avait maintenu l’attribution ecclésiastique de la dîme, et affirmé la nécessité des honoraires de messes, de même que l’obligation du maigre le samedi, à moins que la célébration d’une fête ou une raison de santé n’en donnât la dispense. P. L., t. cxlviii, col. 800 ; Mansi, Concil., t. xx, col. 507.

III. Méthode.

Les laïques ont souvent dépeint l’adversaire d’Henri IV comme l’autocrate insupporté parce qu’insupportable. Le gallicanisme a vii, dans Hildebrand, l’adversaire irréductible des libertés légitimes des Églises nationales, le pontife des excommunications per fas et ne/as, le monopolisateur de l’administration des États. En fait, il n’en est rien. Plus que d’autres, il a rendu à César ce qui est à César. Sans doute, il a voulu l’entente harmonieuse dans la république chrétienne entre le pouvoir spirituel et la puissance temporelle. Son idéal fut dans l’existence parallèle du sacerdoce et de l’empire, chacun dans sa sphère, étroitement unis dans une réciprocité de services mutuels ; l’État devait protéger matériellement l’Église, l’Église soutenir spirituellement l’État. La sauvegarde même de cette organisation était en Dieu qui maintient l’ordre dans la société et voilà pourquoi Grégoire VII affirme la nécessité et la souveraineté de l’Église : elle rappelait aux États en toute mission divine les principes de santé sociale, oubliés ou négligés par eux. S’il rappela à quelques rois la donation faite par leurs ancêtres de leurs nations à la papauté, ce ne fut jamais que dans un sens spirituel. Nolum autem tibi esse credimus regum Hungariie, sicut et alia nobilissima régna in propriæ liberialis statu debere esse, et nulli régi allerius regni subjici nisi sancto et universali matri Romanæ Eccksise, quse subjectos non habet ut servos, sed ut fdios suscepit universos. Ad Censam, Hungariæ ducem, en

1075, P. L., t. cxlviii, col. 414. Il faudrait pouvoir citer toutes les lettres de Grégoire VII aux différents souverains de la catholicité. Le protocole le plus respectueux y est observé. Chaque phrase dit la mansuétude ; l’ensemble, ignorant la contingence, allirme l’idée nécessaire. Cf. AdRoduljum, Sueviæ ducem, P. L., t. cxlviii, col. 302-390 ; Ad Sancium, regem Aragonise, col. 339 ; Ad Alphonsum Castcllw et Sancium Aragoniæ reges, col. 339 ; Ad Wralislaum, Bohemorum ducem, col. 351 ; Ad Philippum I, Franciæ regem, col. 348 (il le prend par les vertus de sa race) ; Ad Sucnium, regem Danorum, col. 426 ; Ad Dcmetrium, regem Russorum. col. 425 ; Ad Boleslaum, Polonorum ducem, col. 423 ; Ad Guillclmum, regem Anglorum, col. 568 ; Ad Roberlum régis Anglorum fûium, col. 570.

Dans son action contre Henri IV, Grégoire VII ne défendit pas l’idée catholique avec une autre méthode. Il voulut l’affranchissement de l’Église avec une mansuétude évangélique. Il avait à compter, il faut le dire, avec l’exaspération des Saxons contre leur empereur franconien, avec la fureur des princes allemands qui avaient d’abord menacé, puis déposé Henri IV.

A Canossa, le pape n’imposa qu’une pénitence normale pour l’époque, acceptée d’ailleurs avec empressement par les conseillers de l’empereur. Une réduction de peine de la part du pontife pouvait le compromettre près de défenseurs loyaux. Dans la suite, malgré l’instance de l’idée théologique, Grégoire VII mit trois années pour accepter la démission de Forcheim-sur-Regnitz. Le Liber pontificalis est des plus éloquents à ce sujet. Des lettres sont envoyées à Rodolphe de Souabe comme à Henri IV : Dum vero in excommunicatione manebat, divorlium quoddam inter Henricum regem. cl Rodulfum de dignilate regni ortum est ; quod videlicel divorlium mulli a domno papa faclum esse clamabant, sed nullo modo se illos offendisse prædiclus pontijex profilebatur. Immo ulrique misit ut viam sibi prsepararent quedenus pro di/finiendo lanlo negolio posset procedere, quia matel millics, si posset, mori quam sua occasione loi millia hominum morti traderentur. Cf. Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. ii, p. 284. Dans la même lettre, on trouve la phrase suivante : In magna enim tristilia et dolore, cor noslrum fluctuât si per unius hominis superbiam lot millies hominum ehristianorum lemporali et œternse morti Iraduntur. Ibid., p. 291. Après le concile de 1078, deux légats partaient de Rome pour conclure une paix entre Rodolphe et Henri… ut stricte discernèrent quis ex duobus majorem haberel jusliliam ; et cuicunque justilia competerel, illi regni gubernacula tribuerent, quia juslior pars amplius de Deo confulere potest et potestate beati Pétri omni modo crit ad juta. Ibid., t. ii, p. 285. Grégoire VII ignora le point de vue mesquin, L’empereur Henri IV resta rebelle à cette tactique très ferme pour la thèse, mais condescendante pour la personne.

Avec Bérenger, le pape avait été plus heureux. Sa bonté pour le sectateur ne s’était pas découragée. P. L., t. cxlviii, col. 506 ; d’Achery, Spicilegium, Paris, 1057, t. ii, p. 508. Elle lui valut quelques suspicions de la part des zelanti sur son orthodoxie. Le pseudo-synode de Brixen lui reprocha d’avoir pactisé avec l’hérésiarque. Cf. cardinal Benno, De vita et geslis Hildebrandi libri II, dans Monumental Germaniæ, t. xi ; Egilbert de Trêves, Epist. adv. Gregor. VII, dans Eccard, Corpus historiæ medii œvi, t. ii, p. 170. Martens s’est inspiré de ces adversaires pour reprocher à Grégoire VII une condescendance excessive à l’égard de Bérenger et de ses doctrines. Au fond, la douceur restait bien toujours la base même de la tactique du pontife. Au lendemain du concile de 1079, il donnait au repentant, partant pour la France, une lettre de recommandation où il défendait sous peine d’anathème qu’on l’accusât désormais d’hérésie. Cf. d’Achery, Spicilegium, t. iii, p. 43.