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GREGOIRE VII

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de saint Pierre Damien en 1072 n’ait pas permis à Grégoire VII, le pontife de l’année suivante, de jouir longtemps encore d’un concours efficace et sûr. Le lutteur se serait trouvé moins isolé ; il aurait surtout moins souffert, en voyant un saint préconiser et même devancer son programme.

Son pontificat.

Les obsèques d’Alexandre II

n’étaient pas terminées qu’Hildebrand avait été acclamé par le clergé et le peuple d’une voix unanime. S’il prit le nom de Grégoire VII, ce fut peut-être par affection pour Grégoire VI qui l’avait désigné vingt-huit ans plus tôt à la vie officielle. Le nom, en toute hypothèse, était presque un symbole, si l’on se souvient des trois premiers Grégoire. Bonizo de Sutri nous affirme qu’Hildebrand notifia sa nomination à l’empereur Henri IV, cf. Watterich, op. cit., pour lui en demander l’approbation. C’était une façon de réponse à une interprétation malveillante du décret de 1059. Grégoire VII se défendait implicitement d’avoir travaillé pour lui-même. Mais, dès 1073, la querelle des investitures commençait. Le concile de Rome de 1074 fut une déclaration de guerre à la simonie et à l’incontinence des prêtres. Interdiction était faite à tous les fidèles d’assister aux offices des clercs atteints. Mansi, Concil., t. xx, col. 724, can. 11-20. A l’art. Célibat, col. 2086, on a fait connaître tous les faux-fuyants pris par les ecclésiastiques sujets à caution. Grégoire, sans s’effrayer, envoya partout ses légats ; ils firent bonne besogne en gagnant dans les trois grands pays catholiques du temps, France, Angleterre et Empire, la masse des fidèles à la cause de la réforme. Cf. Lambert d’Hersfeld, dans Monumenta Germanise, Scriplores, t. v, p. 217 ; Watterich, op. cit., t. i, p. 363. En Allemagne, l’évêque de Constance, Otton, enjoignit sans doute à ses prêtres de se marier au plus tôt ; mais les décrets de 1074 furent vengés par l’archevêque de Mayence, Sigefroid, et l’évêque de Passau, Altmann, au péril de leur vie. Cf. Sdralek, Die Slreilschri/len Allmanns von Passau, Paderborn, 1890. En réalité, c’était tout un système politico-religieux que Grégoire VII atteignait. Philippe I er, en France, Guillaume le Conquérant en Angleterre, Henri IV, dans le saint empire romain germanique, allaient composer ou se heurter avec Grégoire VII.

En Angleterre, comme en France, la lutte ne prit pas de grandes proportions. Guillaume le Conquérant lit respecter les décrets du pape sur le célibat ; il maintint l’investiture laïque, sans encourir l’excommunication. Il y avait là, à n’en pas douter, une tactique intelligente ; elle ménageait le souverain qui, en toute autre circonstance, savait prendre et suivre les pieux avis de Lanfranc, archevêque de Cantorbéry et primat d’Angleterre. Philippe I er, en France, avait reçu, dès

1073, une lettre très énergique de Grégoire VII ; en

1074, le pape essaya de soulever contre lui les évêques de son royaume. En fait, les choses se tassèrent vite ; sans changement dans la vie même de Philippe I er, sans mise en interdit du royaume par les évoques, l’œuvre d’épuration se poursuivit sans relâche. Sous la pression du célèbre légat Hugues de Die, dont Grégoire VII dut parfois tempérer la vigueur, de 1076 à 1080, les archevêques de Bordeaux et de Sens, nombre d’évêques de la province de Reims, leur métropolitain Mariasses, en tête, furent déposés ou interdits. Au nord, comme au midi, ce fut un véritable renouvellement du corps épiscopal. Cf. Giry, Grégoire VII et les évêques de Thérouanne, dans la Revue historique (1876), p. 387-409.

Le dur combat se livra contre Henri IV. Trois partis divisèrent religieusement l’Allemagne : celui des grégoriens déclarés : il eut pour chef Gebhard de Salzbourg ; Adalbert de Brème dirigea le parti de l’empereur ; enfin la cause de la médiation trouva son homme dans

Annon de Cologne. Les trois protagonistes, revêtus du caractère épiscopal, apportaient dans la lutte les forces de leurs Églises réciproques. Les villes et les bourgeois soutinrent souvent les deux derniers groupes. De cette tactique, Henri IV tira quelques succès passagers.

Au début, pourtant, les rapports des deux adversaires avaient été excellents. Le concile de Rome de 1074 n’avait trouvé dans Henri IV qu’un sujet docile aux volontés du Saint-Siège. Ses lettres marquaient la nécessité d’une entente entre les deux pouvoirs : les légats de Grégoire VII avaient été reçus par lui avec honneur ; il avait renvojêses conseillers excommuniés par Alexandre II, promis de renoncer à ses désordres et de s’amender. La mauvaise éducation qui avait fait du jeune empereur un impulsif, un illuminé à froid, reprit le dessus dès 1075. Au carême de cette année, Grégoire condamnait l’investiture laïque par la crosse et l’anneau ; le roi, maintenant l’abus en Saxe, comme en Italie, ne considéra plus ces régions que comme les terres de trafic des dignités ecclésiastiques pour ses créatures. Depuis quelques aimées déjà, le cri des Saxons avait été entendu par Alexandre II. Il avait cité le roi à comparaître à Rome pour s’y justifier. La mort l’avait surpris dans ces difficultés. Au lendemain du concile de 1075, Henri IV promouvait anticanoniquement Thédald à l’archevêché de Milan. Une dernière fois, le pape pressa le souverain de se convertir et d’éviter toute relation avec ses conseillers excommuniés. La diète de Worms fut la réponse. Elle déposa le pontife : les partisans d’Henri, en particulier, le cardinal excommunié, Hugues le Blanc, lancèrent sur Grégoire les bruits les plus désobligeants. On l’accusa même d’avoir avec Mathilde de Toscane des relations coupables. Ces calomnies ont trouvé leur écho dans Select history oj the loosc and incesluous loves of pope Grcgory VII, comnwnly called Hildebrand, und of //i « cardinal de Richelieu, Londres, 1722. La sentence de Worms fut notifiée à Grégoire VII par Henri IV lui-même. Le pape était déposé « comme hérétique, magicien, adultère, flatteur de la populace, usurpateur de l’Empire, bête féroce, et sanguinaire. » Les évêques lombards adhéraient d’ailleurs à ces décisions dans les conciles de Plaisance et de Pavic. Au carême de 1076 (22 février), Grégoire VII excommuniait tous les évêques qui avaient assisté au pseudoconcile de Worms ; l’empereur lui-même était déposé ; ses sujets étaient déliés du serment de fidélité. Une lettre adressée à toute la chrétienté sous la forme d’une invocation à saint Pierre notifiait cette condamnation. L’effet produit fut fatal à l’empereur. Le pape avait conquis l’opinion. Les évêques les uns après les autres vinrent implorer le pardon du pape. En octobre 1076, les princes allemands réunis à Tribur (Oppenheim) décidèrent qu’une diète générale serait convoquée à Augsbourg pour le jour de la Purification de l’année suivante, que Grégoire VII serait supplié de s’y rendre. En sa présence, Henri IV devrait se justifier et se faire absoudre. Si, dans l’espace d’un an, il n’avait pas fait la paix avec l’Église, il serait déposé juxla palatinas leycs. L’attitude des princes, celle des Saxons surtout, décida l’empereur. Au creur de l’hiver, en compagnie de sa femme Bcrthe, il traversa les Alpes. Les Lombards ne purent le décider à marcher contre le pape. En janvier 1077, il était au château de Canossa, où la comtesse Mathilde de Toscane avait hospitalisé Grégoire VII. Après une pénitence de trois jours, sur les instances de son hôtesse, le pontife levait l’anathème le 28 janvier.

Dans la HauteItalie, les seigneurs lombards et les évêques simoniaques, manquant de soutien, firent éclater leur mécontentement contre le souverain. Leurs excitations amenèrent Henri à manquer de parole. Les princes allemands ne lui pardonnèrent pas ; réunis en diète à Forcheim-sur-Regnitz en mars 1077, ils déposèrent Henri IV pour le remplacer par Rodolphe, duc