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1789
1790
GREGOIRE III — GREGOIRE V


vers Constantinople, et leur mise en tutelle sous le protectorat des Francs. On rapporte aussi que Grégoire III aurait conféré à Charles les titres de « consul et de patrice » de Rome. Créé par Constantin, le titre de patrice donnait rang de prince. Depuis la chute de l’empire romain, en 470, il constituait une viceroyauté, s’exerçant sur une région délimitée. Absentes dans les documents contemporains des intéressés, ces assertions sont contestées. Exactes, elles ne feraient point d’ailleurs le procès de Grégoire III ; elles ne l’accuseraient pas de manquer de loyalisme à l’égard du pouvoir byzantin ; elles n’assimileraient pas à un vol la constitution de la puissance temporelle des papeî. Elles manifesteraient, sans aucun doute, la reconnaissance implicite faite par le pontife de sa souveraineté sur Rome. Au fond, la ville éternelle était bien niillius à cette époque de violence.

L’empereur byzantin avait conquis Rome par hasard dans la personne de Justinien. Depuis ce moment, le pape l’avait gouvernée, sauf dans les époques de crise. Cf. Lavisse, L’entrée en scène de la papauté, dans la Revue des deux mondes, 15 décembre 1886. Mais depuis 734, Léon III l’Isaurien avait pratiquement renoncé à la conquête de son prédécesseur. Grégoire III n’était pas tenu d’être plus impérialiste et plus loyaliste cjue l’empereur, l’ennemi de la thèse catholique, repoussé par le peuple romain. La fonction de de[cnsor civilatis était légale dans tout l’empire depuis Valentinien I er en 364. Le défenseur de la cité figure en 387 en tête des magistrats municipaux. Il est élu pour cinq ans par toutes les classes de la société. Il n’est plus qu’un curiale comme les autres, supérieur aux autres, sans doute, mais non plus étranger à eux ; il est absorbé par les soins du gouvernement local qui finit par lui incomber tout entier. Dans bien des cités, l’évèquc avait été nommé de/ensor civilatis. Il faut dire que, partout, il s’était montré à la hauteur de sa tâche ; à Rome, il n’avait pas failli à son devoir. En 741, devant l’abdication et l’impuissance byzantine, Grégoire, sur le mandat du peuple, n’a d’autre prétention que de se montrer Romain dans ses offres à Charles Martel. En proclamant sa souveraineté, il fait acte de citoyen. Il est bien le de/ensor civilatis qui voit dans sa tactique la sauvegarde même de ses dogmes religieux. Les monnaies gravées au nom de Grégoire III, les années précédentes, montrent que le peuple de Rome, depuis longtemps, déjà, lui avait donné quitus. Cf. Kirsch et Luksch, Geschichte der katholischen Kirche, p. 196. La ville des papes était maintenant la propriété collective de tous ses citoyens. Soustraite à l’autocratie des Isauriens, protégée par la lieutenance franque, désormais patentée pour la défense du Saint-Siège, elle devait être bientôt sous Etienne II (752-757) la propriété même du pontife. Grégoire III avait constitué pour beaucoup ce résultat. Si l’on ajoute que, dans sa vie d’activité incessante, il avait encore relevé de leurs ruines de nombreux monastères, où il prescrivit la récitation de l’office divin aux heures fixées du jour et de la nuit, on conclura que son pontificat de dix années a largement contribué au fait catholique. Pionnier infatigable de la civilisation humaine et chrétienne, défenseur intègre de la doctrine traditionnelle, réalisateur de moyens matériels de vie pour l’idée apostolique, il mourut le 27 novembre 741. un mois après Charles Martel, son lieutenant. Il serait le plus grand pape du viii° siècle, si la gloire de ses débuts ne revenait à Grégoire II.

I. Sources.

Il reste de Grégoire III des lettres à l’empereur Léon, à Charles Martel, à saint Boniface et à divers personnages pour confirmer l’autorité et seconder l’oeuvre de Boniface. Elles se trouvent dans P. L., t. lxxxix, col. 575-588 ; Jaft’é, Bibliotheca rcrurn germanicarum, Berlin, 1860, t. iii, p. 315 sq. ; Reg. pont. rom. (1851), p. 180-181 ;

Liber pontificalis, édit.Duchesne, Paris, 1885, 1. 1, p. 414-425 ; le livre de « Lettres » qu’il mentionne n’a pas été retrouvé ; Anastase le bibliothécaire, P. L., t. cxxviir, col. 1023-1048. On attribue aussi à Grégoire III un manuel a l’usage des confesseurs et des pénitents : Excerptum ex Palruni diclis et canonum sententiis. Les preuves de cette attribution font défaut.

II. Ouvrages.

Voir Ulysse Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge. Bio-bibliographie, Paris, 1877, 1886, au mot Grégoire III, et tous les ouvrages mentionnés à l’art, précédent Grégoire II, relativement à la conquête de la Germanie et à la controverse des iconoclastes. — Pour ce qui concerne les relations de Grégoire III et de Charles Martel et l’ébauche du pouvoir temporel, voir Weltmann, De palricialu Karoli Martelli, in-8°, Munster, 1863 ; Barmby, Gregorius II et Gregorius III, dans Di’ctionarg o/ Christian biographg de W. Smith et de H. Wace, Londres, 1877-1887, t. n ; Gregorovius, Die Stadl Rom im Mitlclalter, 8 vol., Stuttgart, 1859-1872.

P. MONCELLE.

4. GREGOIRE IV, pape (827-844). Romain d’origine, prêtre du titre de Saint-Marc, Grégoire fut élu par la noblesse romaine, après Valentin qui n’avait régne que quelques semaines, fin août 827. Pieux, savant, il fut traîné de force de l’église des Saints-Cosme-ct-Damicn à celle du Lalran et fut ordonné seulement le 29 mars 828, après vérification de son élection par un légat de l’empereur Louis le Débonnaire. Son pontificat fut troublé par les discordes survenues entre Louis le Pieux et les fils de sa première femme, Lolhaire, Pépin et Louis le Germanique. Il vint en France pour amener la paix entre eux ; mais comme il parut prendre parti pour les fils contre le père et menacer d’excommunier les ôvêques partisans de l’empereur, ceux-ci lui répondirent que, s’il venait dans ces intentions, il serait lui-même excommunié. Il s’en revint, après avoir manqué son but, tout attristé d’avoir contribué involontairement à la scène du Champ-du-Mensonge où Louis le Débonnaire fut capturé par ses fils (833). Il ne reconnut pas sa déposition. En Italie, il construisit, dans ses dernières années, près d’Ostie, une forteresse appelée Gregoriopolis, pour résister aux invasions des Sarrasins. Il mourut le 25 janvier 844 et fut inhumé au Vatican. Il avait étendu au monde entier la fête de Tous les Saints réservée à Rome. Il eut pour successeur Sergius II.

JalTé, Regesta pontificum romanorum, 2’édit., 1885, t. i, p. 323 327 ; P. L., t. evi, col. 841 sq. ; Duchesne, Lifter pontificalis, 1892, t. ii, p. 73-85.

A. Clerval.

5. GREGOIRE V, pape (996-999). Saxon, fils d’Othon, duc de Carinthie, et petit-fils de Lui tgar de, fille d’Othon I er, Brunon était chapelain d’Othon III, son cousin, et âgé de vingt-trois ans, quand celui-ci, prié par des délégués romains à Ravenne de désigner le successeur du pape Jean XV, le nomma pour cette haute fonction. Élu en avril 996, Brunon fut consacré le 3 mai sous le nom de Grégoire V et fut le premier pape allemand. L’un de ses premiers actes fut de sacrer empereur son cousin Othon, le 21 mai.

A Rome, après le dépari de l’empereur, il fut en butte d’abord à la révolte de Crescentius, qu’il avait pourtant dérobé aux sanctions d’Othon ; obligé de fuir, il l’anathématisa dans un concile de Pavie (février 997) ; ilfut encore en bulle à celle du grec Jean Philagathe de Calabre, archevêque de Plaisance, que ce Crescentius installa antipape sous le nom de Jean XVI (avril 997). Mais Othon étant revenu, en février 998, avec Grégoire, l’on déposa l’antipape au Latran, l’on prit et décapita Crescentius au château Saint-Ange (29 avril 998). Eu France, Grégoire V soutint la légitimité d’Arnoul, archevêque de Reims, contre l’intrusion de Gerbert, contre le roi Robert et les évêques français qui lui avaient été hostiles. Au concile de Pavie (Pentecôte 997), il demanda compte au roi Robert, el aux évêques