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GRATIEN


de Bisiniano, de Sicard de Crémone, de Jean de Fænza, d’Huguccio, etc., la Summa Coloniensis, la Sunmia Parisiensis, ta Summa Lipsiensis, etc. L’édition d’Huguccio est en

préparation. L’on trouve dans les marges des anciennes éditions du Decretum, par exemple, celle de Lyon, 1C84 (t. i du Corpus juris canonici), un certain nombre de gloses des premiers glossateurs ; voir l’étude de von Sclmlte, Die Glosse zum Dekrct Gratians von ihrcn Anfàngen bis au/ die jùngslen Ausgaben, dans les Denksehriflen der k. Akademie der Wissenschaften, de Vienne, 1872, t. xxi.

III. Rapports entre la théologie et le droit canon. — Indications précieuses dans les travaux déjà mentionnés de P. Fournier et dans Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, passim. La question a été traitée dans une esquisse rapide par J. de Ghellinck, Le mouvement idéologique, Paris, 191 1, p. 277-369 ; voir dans cet ouvrage les compléments bibliographiques. L’on peut consulter avec profit les nombreux articles de Fr.Gillmann sur les glossateurs du Décret, parus dans l’Arehtv fur katholischen Kirehenreclil, Mayence, et dans Der Katholik, Mayence, depuis 1906-1907. Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1910, parle surtout des théologiens. L’ouvrage de G. L. ilahn, Die Lehre von den Sakramenten in ihrer geschichtlichen Entwickelung, Breslau, 1864, se cantonne pour la littérature canonique a peu prés uniquement dans le Décret de Gratien.

J. de Ghellinck.


2. GRATIEN (ou plus exactement GRAZIANI) Jean-Baptiste-Guillaume, évêque constitutionnel, né à Saint-Philippe de Verceil (Piémont) le 24 juin 1747. Il appartenait à la congrégation de la Mission, où il avait été admis le Il octobre 1767. Il fit ses vœux, à la maison-mère de Paris, le 13 octobre 1769. Il fut, pendant les années qui précédèrent la Révolution, supérieur du séminaire de Chartres. Il était profondément attaché aux principes gallicans et jansénistes et, dans un Tractatus scolasticus de contractibus jœneratiliis, in-12, Chartres, 1790 (ne se trouve pas à la Bibliothèque nationale), il adoptait relativement au prêt à intérêt les opinions que l’école économique soutenait contre l’enseignement commun des théologiens. Ce prêt n’était contraire ni au droit naturel ni au droit divin. Son opinion fut combattue par Ambroise Rendu. Considérations sur le prêt à intérêt, par un jurisconsulte, in-8°, Paris, 1806.

Quand fut publiée la constitution civile, on dit que Gratien avait promis à son évêque, M. de Lubersac, de la combattre ; cependant il prêta le serment et fit paraître un écrit pour le justifier : Exposition de mes sentiments, etc. ; il en résulta une polémique assez acerbe dans laquelle intervint le janséniste Jabinaud, qui, se séparant de ses amis, avait pris position parmi les adversaires de la constitution civile.

Par son savoir et ses vertus, Gratien avait sur le clergé chartrain une influence aussi considérable que justifiée et qu’il mit au service des idées nouvelles. Quand le curé de Saint-Michel, Nicolas Bonnet, eut été élu évêque, en remplacement de M. de Lubersac, il fut son principal conseiller ; pieux et régulier, l’intrus d’Eure-et-Loir était de talents très médiocres et en fait Gratien gouverna l’Église de Chartres pendant un an ; il le fit avec autorité, montrant une fermeté dont Bonnet était incapable.

Le 26 février 1792, Gratien fut élu évêque de Seine-Inférieure et « métropolitain des Côtes de la Manche, » il succédait à Louis Charrier de La Roche, qui, découragé par les mauvais vouloirs qu’il avait rencontrés, avait donné sa démission dès le mois d’octobre 1791. Sacré dans la cathédrale de Rouen le 18 mars, par Lindet, évêque de l’Eure, assisté de Bonnet, de Chartres, et de Massieu, de l’Oise, Gratien vint occuper son siège usurpé dans des conditions qui déjà étaient peu rassurantes. « Son épiscopat, écrit l’abbé Cochet, historien du diocèse de Rouen, fui triste et laborieux. Charrier avait connu les beaux jours de l’enthousiasme et de la nouveauté ; son installation avait été pompeuse ; celle de Gratien fut lugubre. Quand Charrier visitait le diocèse, son passage ressemblait à celui d’un triomphateur ; Gratien, au contraire, n’éprouve guère que la tolérance de la part de l’autorité civile, qui, préoccupée d’une multitude d’embarras extérieurs, faisait à peine attention à lui. Aussi, dans ses visites pastorales, plus de cortège, plus de canons, plus de fêtes, plus de cérémonies ; son entrée à Rouen, à Dieppe, au Havre se fit sans bruit et presque incognito. Le silence des peuples est la leçon des rois, a dit un ancien ; à ce compte, le métropolitain de Rouen dut juger quel sort menaçait son pénible pontificat… »

Gratien s’était fait précéder par une lettre pastorale dans laquelle il s’efforçait de justifier son élection et de repousser la qualification d’intrus que lui appliquait la portion du clergé restée fidèle au cardinal Dominique de La Rochefoucault. Il fut réfuté par son confrère, le lazariste L. J. François, dans Lettres (trois) sur la juridiction épiscopalc. A peine installé, il fit une ordination, car, dans une lettre postérieure de douze jours à son sacre, il annonce au district la nomination à une cure d’un prêtre que, dit-il, il vient d’ordonner.

En juin 1792, parut un mandement sur « la continence des ministres du culte ; » il était publié à l’occasion du scandaleux mariage du curé du Havre. Cette lettre ne fut pas reçue avec une soumission unanime par le clergé constitutionnel et provoqua de violentes répliques. A l’Assemblée, le député Lejosne dénonçait ce qu’il appelait un dangereux libelle et l’affaire fut renvoyée au comité des recherches, qui ne s’en occupa pas. Mais le 25 juillet, la municipalité retirait à Gratien la jouissance du palais épiscopal.

En octobre de la même année, Gratien eut à donner à son clergé les instructions dont il avait besoin pour se conformer à la loi qui retirait au curé la tenue des registres de l’état civil. Moins intransigeant que son voisin de Bayeux, Fauchet, Gratien invite ses prêtres à la soumission ; cependant, il leur fait remarquer qu’ils conservent l’obligation de tenir note de l’administration des sacrements de baptême et de mariage ; puis, élargissant la question, il développe ses théories sur la théologie sacramentaire et insiste sur la distinction chère aux gallicans entre le mariage, valide en lui-même comme contrat civil, et le mariage sanctifié par la bénédiction nuptiale donnée par le prêtre ministre du sacrement ; il conclut en protestant en termes fort courageux, vu le temps, contre le divorce des époux catholiques et ordonne aux confesseurs de ne pas accorder l’absolution aux divorcés. Il fut réfuté par l’abbé Baston, M. Gratien invité à revoir ses assertions sur le mariage, in-8°, Rouen, 1792.

La fermeté dont Gratien avait donné les preuves attira sur lui les vengeances révolutionnaires ; mis en arrestation en novembre 1793, il refusa avec indignation une liberté dont le prix eût été l’apostasie ; il demeura près d’un an dans la prison qui avait été établie dans la maison de Saint Yon, ancien établissement des frères des écoles chrétiennes. Vers la fin de la Terreur, il fut éloigné de Rouen comme étranger et transféré dans la prison de Saint-Louis à Versailles. Il ne fut élargi qu’à la fin de janvier 1795.

Repoussé de Rouen, d’où il était légalement expulsé, Gratien s’installa à Paris, dans l’orbite de Grégoire, qui l’invita à faire partie de son comité des « évêques réunis » . On voit sa signature en bas de la lettre encyclique des constitutionnels où sont indiquées les conditions mises à la réconciliation des prêtres qui avaient faibli pendant la persécution, et, dans sa lettre adressée le mercredi saint aux fidèles de Rouen, l’évêque renouvelle les mêmes prescriptions.

Au mois d’octobre 1795, Gratien put rentrer à Rouen et il notifia sa « reprise de possession » dans une remarquable lettre intitulée : La vérité de la religion chrétienne démontrée par les miracles de Jésus-Christ.