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logue), abélard et, finalement. Gratien, dist. L, c. 28, à la fin. Un théologien contemporain de la querelle des investitures, Bernold de Constance, un des écrivains les

plus féconds de ce moment et qui a le mérite d’être revenu à la saine doctrine dans la question des sacrements des indignes, donne aux premiers essais d’harmonisation une forme plus satisfaisante : peut-être s’inspire-t-il pour ce travail d’un ancien traité d’Hincmar aujourd’hui perdu. Voir Saltct, Les réordinations, p. 395 sq. ; Thaner, dans son édition de Bernold, Monumenta Germanise historien, Libelli de lite imperatorum et pontificum, t. il, p. 112. Bernold pose, comme règle, la connaissance du contexte complet et non de l’extrait seul, la comparaison avec d’autres décrets, l’examen des circonstances de temps, de lieu, de personne, les causes originelles de ces canons et les différences qui séparent ceux qui sont d’une portée absolue et ceux qui permettent ou qui constituent une dispense. De excommun icalis vitandis, dans les Libelli de lite, t. ii, p. 139-140. Ailleurs, Bernold ajoute encore la condition de l’authenticité des pièces. De prudenti dispensalione ecclesiasticarum sanctionum, c. xiii, P. L., t. cxlyiii, col. 1267. Le principal canoniste antérieur à Gratien, Yves de Chartres, consacre à la matière une monographie spéciale qui, sous le titre de De consonanlia canonum, sert de préface à ses recueils ; la correspondance du grand évêque contient du reste un grand nombre de passages similaires. Comme nouvel élément, avec la restriction toutefois que Bernold avait déjà préludé à cette explication, Yves fait surtout intervenir la distinction entre les lois nécessaires ou immuables et les lois contingentes, et, par suite, il développe sa grande théorie de la dispense. P. L., t. clxi, col. 47-49. Abélard, qui reprend toutes les idées de ses prédécesseurs théologiens ou canonistes, ouvre un nouveau chapitre dans cette histoire : celui où la théologie apporte aux canonistes une contribution de valeur. Comme préface à son célèbre ouvrage du Sic et non, P. L., t. clxxviii, col. 1339-1349, il formule ses réflexions, dont plusieurs sont d’une justesse remarquable ; quelques-unes sont originales, les autres avaient déjà été énoncées précédemment ; elles ont pour objet les circonstances de temps, de lieu, de personne, la distinction entre les lois absolues et les préceptes dont on peut dispenser, etc. ; mais elles sont répétées ici plus nettement dans un exposé systématique, qui prend pour point de départ quelques-uns des principes de la sémantique moderne. Le principal apport d’Abélard est celui qui est contenu dans la grande règle suivante : facilis ciutem plerumque conlroversiarum solulio reperieiur, si cadem verba in diversis significationibus a diversis auctoribus posita defendere poterimus. Ibid., col. 1344. Ce principe s’appuie sur de fort sages considérations qui tiennent compte du but des Pères, de la manière dont ils adaptaient leur langage aux destinataires de leurs écrits, etc. De la théologie, ce principe allait tout de suite passer dans le droit canon ; on rencontre son application fréquente chez Gratien, comme l’a montré Thaner, Abelard und dus canonische Rechl, Gratz, p. 23. Pierre Lombard et les théologiens, non moins que Gratien et les glossateurs du Décret, en font un usage constant. Ils vont même jusqu’à en abuser ; ou tout au moins négligent-ils plus d’une fois de contrôler sur le terrain des faits l’hypothèse des significations multiples. Un peu plus tard, l’œuvre de Pierre de Blois n’apporte rien de bien nouveau ; c’est un petit traité qui résume et éclaire par beaucoup d’exemples ce qui avait été dit de bon précédemment. Opusculum de distinctionibus in canonum inlerprelalionibus adhibendis, édit. Reimarus, Berlin, 1837, p. 6-9. Mais il n’est pas nécessaire de poursuivre cette histoire au delà de la seconde moitié du xii a siècle ; le dossier ne s’enrichira guère plus. C’est à Yves de Chartres et à Abélard que revient

la principale part des progrès, et malgré les excès ou les applications maladroites des règles qu’ils ont tracées, il y a lieu de leur faire une place de choix dans l’histoire de l’herméneutique et de la manipulation des textes palrisliques. Voir de Ghellinck, Le mouvement théologique du xiie siècle, c. v, p. 320-338 ; Grabmann, Die Geschichte der scholaslischen Méthode, t. i, p. 236238. Les théologiens qui les suivent leur doivent beaucoup.

III. Rapports des commentaires et des gloses

DES CANONISTES AVEC LE DOGME APRÈS GRATIEN.

Comme on l’a déjà insinué plus haut diverses fois, les œuvres des canonistes continuent toujours, après l’époque de Gratien, à alimenter les écrits des théologiens ; ceux-ci trouvent là tout un répertoire de textes patristiques. auquel ils recourent constamment.il n’y a pas lieu, croyons-nous, de développer longuement la preuve de cette assertion. Cela nous ferait sortir de la période de l’élaboration des deux sciences, dans laquelle surtout il esl instructif d’étudier les rapports et les échanges entre les deux groupes d’auteurs. Aussi bien, avec Gratien, les recueils canoniques ont fini, ou peu s’en faut, de grossir leur dossier patristique ; désormais, les additions de textes consistent en décrétâtes des papes de l’époque, et le travail du canoniste est avant tout consacré à la glose et au commentaire des canons livrés par Gratien ou par les nouveaux recueils de Compilutioncs et de Décrétales. Il nous suffira donc de mentionner ici un ou deux exemples de ces rapports entre les deux sciences, sur le terrain de la documentation patristique. Ce qui nous retiendra davantage ensuite est le développement des matières communes pendant la période de l’élaboration théologique, c’est-à-dire pendant les cinquante ou soixante ans qui séparent la mort de Pierre Lombard des premières Sommes du xiiie siècle ; cet exposé peut prendre fin en 1215 environ, avec le IVe concile de Latran.

Documentation patristique.

L’utilisation des

recueils canoniques par les théologiens des siècles suivants, surtout l’utilisation du Décret de Gratien, nous est attestée par le grand nombre des exemplaires annotés des Sententiie de Pierre Lombard. Cet ouvrage devenu classique dans toutes les universités, pour l’enseignement de la théologie, porte fréquemment dans les marges de ses folios l’indication des endroits du Décret qui ont fourni la documentation patristique, ou que l’on regardait soit comme les sources, soit comme des loci paralleli du Lombard. Avec les passages pris à la Glossa de Walafrid Strabon, ou les loci paralleli de Hugues de.SaintVictor, ces mentions sont les plus fréquente ; , parmi celles que l’on rencontre au moins dans le domaine des notes critiques. Des manuscrits de toute provenance et de tous les pays, de bibliothèques monastiques ou séculières, portent la trace de ces études comparées ; parfois, ce sont de vraies références bibliographiques qui renvoient les étudiants théologiens aux recueils canoniques. Pour plus de renseignements, voir l’étude publiée dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1913, t. xiv, p. 511, 705, sous le titre : Les notes març/inales du Liber Sententiarum, par J. de Ghellinck.

En outre, il n’est pas rare de voir les grands théologiens emprunter au droit canon, non moins qu’à la Glossa de Strabon, les textes patristiques qui servent d’appui ou d’objection à leurs thèses. Citons, au hasard saint Bonaventurc, qui puise chez Gratien tantôt sans le dire, tantôt en mentionnant le Décret, par exemple, In IV Sent., 1. IV, dist. X, part. I, act. un., q. ii, Opéra, Quaracchi, t. iv, p. 219 ; S.Thomas, Sum. theol., IIP’Supplem., q. lxxxii, a. 3 (voir toutefois l’édition vaticane, Rome, 1900, t. xii, p. 128), etc. ; Duns Scot, In J V Sent., 1.1 V, dist. X, q. iv, Opéra, Lyon, 1639, t. viii, p. 532. Plus haut, nous avons déjà cité l’exemple d’Occam à propos de l’eucharistie, Quodlibela, par