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GRASSI — GRATIEN

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dont voici le titre : Dissertatio de principio ralionis sufficicnlis in duas partes distributa ; in quorum prima agitur de ipso principio ejusque extensione ad causas cliam libéras ; in altéra de usa ejusdem prinripii in theologia rcvclata, in-4°, Lugano, 1773. L’auteur, cédant aux instances de ses amis, se décida à publier cette dissertation pour répondre aux attaques de ses adversaires, mais il fut surpris par la mort, au moment même où tout était prêt pour l’impression, et ce fut un de ses amis qui se chargea de ce soin. Grassi se montre dans cet ouvrage partisan décidé des doctrines de Leibnitz, Wolf et Boscowich, et entreprend de démontrer que le principe de la « raison suffisante » donne la solution du grave problème qui divise les thomistes et les molinistes au sujet de la grâce efficace et de la liberté humaine ; enfin qu’on peut déduire de ce principe un système complet sur la grâce, qui mettra d’accord toutes les écoles, sans exiger d’aucune l’abandon de ses principes essentiels. On peut douter, a-t-on écrit justement, que Grassi ait convaincu un seul de ses adversaires. îl réédita, en y faisant de nombreuses additions, le cours de philosophie du jésuite Sagner : Instituiiones philosophiez in usum scholarum… a Gasparo Sagner, 4 in-8°, Plaisance. 1767. On lui attribue aussi une édition de la Théologie de Habert publiée à Plaisance en 1772.

Notices bibliographiques sur les écrivains de la congréqalion de la Mission par un prêtre de la même congrégation [E. Rosset], Angoulême, 1878 ; La congregazione délia Missione in Jtalia, Paris, 1881, p. 374.

A. Milon.


GRATANIUS ou DE GRACE Thomas, religieux augustin belge, naquit à Liège en 1554. Il se consacra principalement à la prédication, et, dans les diverses charges qu’il occupa, notamment celle de provincial à partir de 1610, à l’extension de son ordre. La province augustinienne de Belgique dut en grande partie à ses conseils et à ses exemples de s’orienter à cette époque vers l’instruction de la jeunesse en acceptant la direction de nombreux collèges d’humanités, ce qui fut une des grandes causes de sa prospérité pendant le xvie el le xviie siècle. Ce Pèie mourut à Anvers en 1627, à l’âge de 73 ans. Il avait auparavant donné au public : 1° Anastasis augustiniana in qua scriplores ordinis eremitarum S. Auguslini qui abhinc sœculis aliquot vixerunl, una cum neolericis, in sericm digesti sunt, Anvers, 1613 ; 2° Orationcs in vilain Christi, Liège, 1626.

Ossinger, Bibliolheca augustiniana, Ingolstadt, 1768 ; .T. Dclaporte, Chronique du couvent de Tournai, manuscrit conservé à la bibliothèque de ladite ville ; J. Wils, Obiluaire des augustins de Louvain, dans les Analecles pour servir éi l’histoire de Belgique, t. xxx, p. 381.

N. Merlin.


1. GRATIEN. On étudiera successivement : 1° la vie et l’œuvre de ce canoniste ; 2° la théologie dans les sources où il a puisé et chez les glossateurs de son Décret.

I. GRATIEN. VIE ET ŒUVRE.

I. Vie.

Gratien est le nom d’un moine bolonais du mi'e siècle rendu célèbre par la compilation canonique qui porte le nom de Decrelum Gratiani, le Décret de Gratien. Nous sommes peu renseignés sur sa personne. Où était-il né ? Peutêtre à Chiusi, en Toscane, comme l’affirme, au siècle suivant, Martinus Polonus dans sa Chronique, mais sans donner de référence. Nous ignorons totalement l’année de sa naissance, le nom et la situation de ses parents, car il faut renvoyer aux légendes le récit qui circula au moyen âge et qui faisait de Gratien, de Pierre Lombard, l’auteur des Sentences, et de Pierre Coine tor, l’auteur de VHistoria scolastica, trois frères adultérins. Cette légende, dont on trouve trace dans un passage des Flores temporum, œuvre d’un frère mineur de la fin du xiir siècle, ne repose que sur l’imagination. Il était italien, moine camaldule au couvent des Saints-Nabor-et-Félix à Bologne, où il enseigna le droit. D’où venait-il ? Quelle avait été jusque-là sa vie ? Nous l’ignorons. On ne sait pas davantage sur quoi repose l’affirmation qu’il serait devenu évêque de Chiusi. Nulle part on ne le voit nommé autrement que Magister Gratianus, sans aucun qualificatif qui laisse deviner un clerc revêtu de l’épiscopat. Nous ignorons aussi l’époque de sa mort, sinon qu’elle dut arriver certainement avant le IIIe concile de Latran (5 mars 1179). En effet, la Summa Parisiensis du manuscrit de Bamberg, et celle de Simon de Bisignano, deux commentaires du Décret de Gratien, compilés avant le IIIe concile de Latran, parlent de Gratien comme d’un mort ; peut-être même sa mort est-elle plus ancienne, car dans la Summa ou Stroma de son disciple Roland Bandinelli, qui fut écrite avant que Roland ne devînt pape, en 1159, sous le nom d’Alexandre III, nulle part on ne laisse penser que Gratien soit à cette époque encore vivant.

II. Œuvre.

Si la personne est peu connue, l’œuvre l’est au contraire beaucoup, et son authenticité n’a jamais été et ne peut pas être révoquée en doute, étant affirmée dès les origines par les contemporains. Elle a pour titre : Concordanlia (ou Concordia ) diseordanlium canonum. Ce titre lui a-t-il été donné par Gratien lui-même ? On ne peut l’affirmer avec une entière certitude ; toutefois l’affirmation ne serait pas improbable, car la Summa Ru fini, commentaire qui parut vers 1165, peu de temps donc après la mort de Gratien, attribue au compilateur de la collection le choix de ce titre : … universo operi titulum præscribit discordaktium canonum concor D1A.V, cf..1. Fr. von Sehultc, Gcschichte der Qui lien und der Lilcratur des canonischen Rcchls, t. i, p. 250, et, avant Rufin, Roland fait indubitablement allusion à ce titre quand il dit : Cum ergo de negotiis ccclesiaslicis concoroia canonum a gai ; Gratien lui-même semble l’indiquer en divers endroits de son œuvre, par exemple, dans ce dictum après le c. 24, dist. L, quomodo igitur hujusmodi aucloriiatum dissonantia ad concordiam revocari valeat, et la Summa Lipsiensis, qui daterait d’environ 1186, écrit plus clair encore : unde non sine ralione lilulus tali operi inscribitur : INCIPIT CONCORBIA DISCORDANTIUM CANONUM. Quant au litre Decrelum Graliani, qui est le plus employé, c’est le titre courant donné dès la fin du xiie siècle par les commentateurs et les écrivains, peut-être en souvenir du Decrelum d’Yves de Chartres et du Decrelum de Burchard que le volume de Gratien était destiné à remplacer. On le nomma aussi Décréta, Corpus Decrelorum, Liber canonum, voire Corpus juris, si bien que les textes que les collections postérieures, même les collections officielles, apportèrent, furent déclarés extra (Corpus deerctorum ou juris) vaaanles. Gratien, ce fut pendant un laps de temps assez considérable, jusqu’à l’apparition de la collection des Décrétales de Grégoire IX, le Droit.

Qu’est-ce au juste que ce Decretum ? Nous l’avons nommé jusqu’ici une compilation. C’est plus et mieux. Ce n’est pas une pure et simple collection de décrets comme les siècles précédents en avaient connu beaucoup. Non seulement, comme ces compilations antérieures, il comprenait le plus grand nombre possible de textes des Pères, décrets des conciles et des papes, qui formaient la base du droit canonique ; non seulement, comme les plus récentes de ces collections antérieures, il avait réparti ces textes non par ordre chronologique, mais par matières, réunissant les décisions sous certains titres systématiques ; ce par quoi le Decrelum se distinguait de toutes les collections précédentes, c’est qu’il était en même temps