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GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE


cordance des règles monastiques sur le modèle de celle de saint Benoît d’Aniane, mais avec un caractère national prononcé.

Ici encore nous nous contenterons île renvoyer à un seul livre, celui de dom Cabrol, L’Angleterre chrétienne avant les Normands, Paris, 1909, qui contient une bibliographie très complète de cette époque. Il faut aussi lire les articles sur les principaux personnages mentionnés dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques.

III. De la conquête normande au schisme d’Henri VIII (1066-1534). — La conquête normande ne ralentit pas l’ardeur pour l'étude que nous avons signalée aux deux époques précédentes ; elle l’augmenta plutôt en faisant pénétrer dans les Iles Britaniques un élément nouveau dont la présence se fit bientôt sentir dans toutes les branches de la science sacrée.

Théologie dogmatique.

Nous rencontrons tout

d’abord deux Italiens venus en Normandie, l’un, Lanfranc, pour s’y faire une carrière, l’autre, saint Anselme, pour y chercher le moyen de mener la vie parfaite. Tous deux se rencontrèrent à l’abbaye du Bec, dont ils furent prieurs l’un après l’autre ; tous deux aussi se succédèrent sur le siège de Cantorbéry, et lui donnèrent un éclat qu’il n’avait encore jamais eu. Lanfranc, qui dans sa jeunesse avait été un juriste éminent, s’occupa surtout de choses pratiques, et s’appliqua à réformer l'Église d’Angleterre qui en avait besoin ; il se lança aussi dans les luttes théologiques en écrivant contre Bérenger, et son zèle le porta à corriger les exemplaires fautifs de la sainte Écriture et des écrits des Pères. Saint Anselme, voir t. i, col. 1327, avec ses monographies qui nous donnent un cours à peu près complet de théologie dogmatique, a ouvert une nouvelle voie à la théologie en l’unissant à la philosophie, et a mérité d'être appelé le père de la scolastique.

Nous ne saurions passer sous silence Robert Pullus ou Pulleyn, qui brilla surtout à Paris où son enseignement mérita l’approbation de saint Bernard, mais qui enseigna aussi la théologie à Oxford, de 1130 à 1135, en un temps où les écoles de cette ville ne portaient pas encore le nom d’université. Il fut comme un précurseur de Pierre Lombard en publiant avant lui huit livres de Sentences où l’on pourrait désirer un peu plus d’ordre. Un autre Anglais, Robert, évêque de Hereford, écrivit aussi un Livre des Sentences ou Somme théologique, encore inédite. Il enseigna à Paris où il eut pour élèves plusieurs de ses compatriotes qui devinrent célèbres : saint Thomas Becket, Jean de Cornouailles, qui attaqua la célèbre proposition de Pierre Lombard : Christus secundum qnod est homo non est aliquid ; et surtout Jean de Salisbury, philosophe et théologien remarquable, peut-être l’homme le plus instruit de toute l’Europe, qui dans son Polijcralicus attaque d’un style mordant les abus qui régnaient dans l'État et dans l'Église, tandis que dans le Metalogicus il défend victorieusement la foi chrétienne contre les sophistes qui abusaient de la dialectique. Il mourut évêque de Chartres en 1180. Il avait eu pour élève à Paris Pierre de Blois, qui, après avoir été précepteur de Guillaume II, roi de Sicile, vint en Angleterre en 1169 et y remplit diverses charges ecclésiastiques jusqu'à sa mort qui arriva en 1200. Il se fit remarquer par sa sainteté aussi bien que par sa science, et on l’a appelé un des derniers Pères de l'Église. Ses ouvrages abordent tous les points de la science sacrée.

Il faut faire honneur à l’Angleterre du grand franciscain Alexandre de Halès, le docteur irréfragable, voir t.i, col. 772, sq. ; mais qui ne lui appartient que par la naissance. D’autres franciscains devaient bientôt illustrer l’université d’Oxford, qui commença à sortir de l’ombre dans les premières années du xme siècle.

Ils y arrivèrent en 1221, et y trouvèrent un protec teur puissant dans Robert Grosseteste, chancelier de l’université, dont la forte personnalité domine toute la première moitié du xm° siècle en Angleterre. Il ouvrit ses cours publics dans le couvent des franciscains en 1236, et consacra toute son ardeur à la prospérité de cette école, qui devint ainsi le centre de la faculté de théologie d’Oxford. Il est impossible de nommer ici tous les maîtres qui y enseignèrent ; leurs écrits d’ailleurs se réduisent à des commentaires sur le livre des Sentences. Nous citerons Adam de Marisco, voir t. i, col. 387, élève et ami intime de Grosseteste, qui continua les traditions de son maître à la tête de l'école, et dont les lettres nous font pénétrer dans la vie intellectuelle du xine siècle. On ne peut rattacher à cette école Roger Bacon, voir t. ii, col. 8, qui étudia, il est vrai, à Oxford, mais qui ne devint franciscain qu'à un âge avancé ; Duns Scot, voir t. iv, col. 1865, au contraire, lui a donné un éclat incomparable.

Les dominicains eurent aussi en Angleterre des théologiens remarquables. En 1248, nous trouvons, à Oxford, Thomas Kilwardby, qui, outre Aristote, commenta les livres des Sentences et une partie de la Bible. En 1272, il devint archevêque de Cantorbéry, et dans une visite qu’il fit à Oxford, condamna plusieurs propositions parmi lesquelles se trouvait la doctrine de saint Thomas sur l’unité de la forme substantielle dans l’homme. Au commencement du siècle suivant, Thomas de Jorz, du même ordre, s’attaqua à Duns Scot dans son commentaire sur les livres des Sentences, où il donne d’abord la doctrine du Maître, puis celle de Scot, qu’il réfute sur tous les points où celui-ci s'écarte de saint Thomas.

Il est impossible d'énumérer les théologiens de ces deux ordres et de plusieurs autres qui à cette époque commentèrent les livres des Sentences ; beaucoup de leurs œuvres sont restées en manuscrit. Nous ne pouvons cependant passer sous silence Jean de Galles, franciscain de Worcester, vers la fin du xiie siècle, qu’on avait surnommé Arbor vitæ à cause des fruits d'érudition et d'édification qu’il produisait.

Au xive siècle, nous trouvons encore un grand nombre de théologiens franciscains, dont plusieurs combattirent les doctrines de leur confrère et compatriote Guillaume d’Occam, tandis que le dominicain Robert Holcoth, qui mourut de la peste en 1379, se rendait célèbre par ses œuvres théologiques et scripturaires. Jean Bacon († 1346) illustrait l’ordre des carmes ; il se rapproche des scotistes et des nominalistes, et fonda une école nouvelle à laquelle un chapitre général obligea tout l’ordre à se rallier, mais en vain, car la doctrine de saint Thomas prévalut dans l’ordre des carmes. L’Irlandais Thomas Palmerston († 1330) nous a laissé une Somme de toute la théologie, et Thomas Bradwardine († 1349), archevêque de Cantorbéry, combattit le pélagianisme avec tant d’ardeur qu’il sembla tomber dans l’extrême opposé. Un autre Irlandais, Richard Eitzralph († 1360), archevêque d’Armagh, a laissé une Somme en dix-neuf livres sur les questions concernant les arméniens et les grecs. Il attaqua les ordres mendiants, qui furent défendus par le dominicain anglais Henri Bietwcll et le franciscain gallois Roger Conway.

Quelques bénédictins commentèrent aussi les livres des Sentences, parmi lesquels il faut citer Gautier Bederichtwort, et Jean Boekingham († 1378) qui se fit moine à Cantorbéry après avoir été évêque de Lincoln.

L’hérésie de Wiclef suscita une légion de théologiens de tous les ordres religieux qui le combattirent ; il est impossible de les nommer tous. Le premier qui entra en lice fut le carme Jean Kiningham († 1399), mais le plus célèbre fut un franciscain, Guillaume de Waterford († 1397). La lutte continua au siècle suivant où nous remarquons surtout le carme Etienne Patrington, qui mourut en 1418 évêque de Chichester, et l’augustin