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GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE

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d’avec Rome, l’Angleterre était divisée au point de vue ecclésiastique en deux provinces, celle de Cantorbéry, dont l’archevêque avait le titre de primat, avec seize diocèses sufïragants, et celle d’York, avec deux suffragants. L’épiscopat était loyalement attaché au Saint-Siège, et si l’hérésie de AYiclef avait laissé certains ferments de révolte dans les esprits, ces ferments n’auraient pas suffi à séparer l’Angleterre de Rome s’ils n’avaient été habilement mis en œuvre par Henri VIII et ceux qui vinrent après lui. Comme nous l’avons dit plus haut, voir t. i, col. 1281, le roi n’avait d’autre dessein que d’enlever l’Angleterre à la juridiction de Rome, tout en conservant la doctrine catholique, et il persécuta ceux qui pensaient autrement que lui, tant ceux qui voulaient rester fidèles au pape que ceux qui avaient des tendances calvinistes et luthériennes. A la fin de son règne, très peu de ses sujets étaient satisfaits de l’état de choses établi. Beaucoup étaient en complète sympathie avec les réformateurs allemands, tandis que la grande majorité désirait revenir à l’obédience du pape. Sous les deux règnes suivants, ces deux partis eurent l’ascendant l’un après l’autre. Avec le jeune Edouard VI, tout ce qui restait du papisme fut aboli, et tous les biens ecclésiastiques qu’Henri VIII avait épargnés furent confisqués, tandis que les évoques qui avaient conservé un esprit plus catholique, comme Gardiner et Bonner, furent envoyés à la Tour. Les violences qui accompagnèrent ces mesures provoquèrent une réaction, de sorte que, quand Marie monta sur le trône en 1553, elle avait avec elle tout le peuple d’Angleterre pour le rétablissement de la religion catholique. A la demande du parlement, l’absolution fut accordée à la nation par le cardinal Pôle le 30 novembre 1554, et le catholicisme redevint la religion d’État.

Sous Elisabeth et Jacques I CT.

Mais bientôt, le

17 novembre 1558, la reine et le cardinal mouraient à quelques heures d’intervalle, et un des premiers soins d’Elisabeth fut de détruire tout ce qui avait été fait sous le règne précédent. Les deux premières lois qu’elle arracha à son parlement furent l’Acte de suprématie et l’Acte de conformité. Le premier obligeait tous ses sujets à la reconnaître comme « le seul suprême gouverneur de ce royaume aussi bien dans les causes spirituelles et ecclésiastiques que dans les temporelles ; » l’autre imposait l’usage dans toutes les églises du second Pruijer book d’Edouard VI, et ordonnait à tous les laïques d’assister à cet office dans les églises paroissiales les dimanches et fêtes. Tous les évêques refusèrent d’accepter ces lois, sauf un, Kitchen, évêque de Llandaff, qui put ainsi conserver son siège, tandis que les autres étaient dépossédés ; la moitié du clergé suivit les évêques ; quant aux laïques, ils se soumirent en majorité, tout comme ils avaient accepté les changements faits à la religion sous Henri VIII, sous Edouard VI et sous Marie. Il n’entre pas dans notre sujet de raconter comment Elisabeth se procura de nouveaux évêques, mais il est bon de remarquer que c’est ainsi que l’Église officielle d’Angleterre devint un département de l’État. Les évêques sont nommés par la couronne, et l’élection par les chapitres n’est qu’une comédie. Le roi envoie aux chanoines le « congé d’élire » , mais il a soin d’envoyer en même temps le nom de celui qu’il faut élire. De même les convocations ou assemblées ecclésiastiques des deux provinces ne peuvent traiter les questions de leur ressort avant d’avoir reçu du roi des « lettres d’affaires » . Le roi est l’arbitre souverain dans toutes les causes qui intéressent la foi et les mœurs, et ses décisions, données par son conseil privé, sont irréformables.

A partir de ce moment, les catholiques ne purent exercer leur culte qu’en cachette, au risque des peines les plus sévères. Beaucoup d’entre eux crurent pouvoir

transiger avec leur conscience ; ils assistaient aux services schismaliques avec plus ou moins de régularité, tout en protestant qu’ils ne faisaient qu’obéir à une loi civile, et ils saisissaient toutes les occasions d’aller à la messe célébrée par les prêtres restés fidèles, dont un grand nombre était demeuré dans le pays. Elisabeth et ses conseillers fermaient les yeux, dans l’espoir qu’à mesure que les anciens prêtres disparaîtraient, les laïques embrasseraient facilement la nouvelle religion. Mais c’était une erreur. Les catholiques commencèrent bientôt à mieux comprendre leur devoir, et la diminution du nombre des prêtres fit songer au moyen de recruter un clergé suffisant.

C’est alors (1568) que William Allen, depuis cardinal, fonda le séminaire de Douai, le premier de ces collèges qui pendant de longues années furent une pépinière d’apôtres et de martyrs pour les lies Britanniques. Elisabeth vit avec déplaisir les nombreux missionnaires qui furent envoyés en Angleterre, et sauvèrent l’orthodoxie parmi les catholiques ; la bulle par laquelle saint Pie V déliait ses sujets du serment de fidélité mit le comble à sa colère, et les sévérités contre les catholiques redoublèrent.

Dans le désarroi causé par le changement de religion, l’Église catholique en Angleterre était gouvernée directement par le Saint-Siège, mais à cause de la distance, chaque missionnaire faisait à peu près ce qui lui semblait bon. Il en résultait de graves inconvénients, d’autant plus qu’il y avait des dissensions entre les missionnaires. Tout cela faisait désirer un supérieur demeurant dans le pays, et beaucoup demandaient un évêque. Goldwell, le dernier évêque catholique de Saint-Asaph, qui résidait à Rome, obtint du pape la permission de se rendre en Angleterre, mais il mourut en chemin. Il fut question alors de nommer deux évêques, mais le cardinal Allen, à l’avis duquel se rangea le jésuite Persons, fit prévaloir l’avis de déléguer un simple prêtre avec des pouvoirs extraordinaires. En 1598, Clément VIII, après avoir recueilli les votes du clergé anglais, nomma Georges Blackwell, auquel fut donné le titre d’archiprêtre. Un chapitre de douze prêtres assistants lui fut adjoint, et le pays divisé en douze circuits, à la tête de chacun desquels était un de ces prêtres. L’essai ne fut pas heureux. Cette organisation nouvelle rencontra une forte opposition, et il n’y eut que trois archiprêtres. En 1623, Grégoire XV accorda aux catholiques anglais un évêque, dans la personne de Guillaume Bishop, qui mourut l’année suivante.

Pendant ce temps Jacques I er avait succédé à Elisabeth en 1603, et les catholiques crurent pouvoir espérer du fils de Marie Stuart un traitement plus bénin, mais ils furent cruellement déçus. Les lois pénales furent renouvelées, les prêtres bannis du royaume, et les catholiques reçurent la défense d’envoyer leurs enfants à l’étranger pour faire leur éducation, et d’avoir pour eux des écoles en Angleterre.

3° Sous Charles / cr et les autres Sluarls. — Charles I er n’était pas persécuteur ; il aurait volontiers laissé les catholiques tranquilles, et en 1625 un successeur fut donné à Bishop, qui se nommait Richard Smith. Mais Charles avait compté sans son parlement, qui était tout à fait protestant ; on a remarqué que les rigueurs exercées contre les catholiques coïncidèrent avec les sessions du parlement. Un bon nombre de prêtres et de laïques furent mis à mort. L’évêque Smith dès 1628 avait été obligé de se retirer en France, où il mourut en 1655. De là il gouvernait l’Église d’Angleterre par l’intermédiaire d’un chapitre de dix-neuf chanoines fondé par son prédécesseur, chapitre qui continua à exercer une certaine juridiction en Angleterre pendant trente ans après la mort de Smith, jusqu’à ce que quatre vicaires apostoliques fussent nommés par le Saint-Siège.