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GRACE


seulement suffisante, si elle n’a pas cette congruité qui est suivie du consentement.

Nous n’avons guère cité d’auteurs dans l’expose de notre conclusion, et nous ne saurions faire le triage des théologiens en déterminant exactement quelles sont les propositions admises par les uns et par les autres, car il y a, à ce point de vue, des divergences nombreuses et souvent il est impossible de saisir exactement la pensée d’un auteur sur l’explication de la causalité de la grâce. Nous croyons cependant que notre conclusion est conforme à la doctrine de Bellarmin, dans son écrit De novis controversiis, cité plus haut, et que ce théologien souscrirait à ces trois assertions : 1° l’efficacité de la grâce actuelle excitante ou la connexion immanquable entre la grâce excitante et le consentement libre de la grâce consiste formellement en sa congruité relative, relative au sujet auquel elle est conférée et en ce sens l’efficacité est intrinsèque ; 2° il n’y a pas de différence essentielle entre la grâce simplement suffisante et la grâce efficace ; même il n’y a pas entre elles de différence qualitative ou quantitative, si on considère la grâce interne en elle-même, abstraction faite des dispositions du sujet dans lequel elle entre ; 3° la division entre grâce seulement suffisante et la grâce efficace est une subdivision de la grâce excitante, et pour que la grâce excitante soit efficace, il n’est pas requis qu’une nouvelle grâce prévenante soit ajoutée à la première.

V. NÉCESSITÉ DE LA GRACE ACTUELLE POUR L’HOMME

justifié. — 1° Doctrine de l’Église. — Il ne peut être question ici que des adultes, arrivés à l’usage de la raison ; les autres ne peuvent par poser d’actes salutaires. Nous parlons ici de la conservation de l’état de justice : elle requiert des actes délibérés salutaires, notamment l’observation des commandements divins. Nous n’exposons pas ici ce qui concerne la persévérance finale. Voir Persévérance.

L’homme adulte justifié ne peut pas, sans le secours de grâces actuelles, éviter, pendant un temps considérable, tout péché mortel. — 1. Cette assertion est contenue implicitement dans ces textes de l’Écriture sainte où l’on mentionne, d’une part, les grandes difficultés que rencontre le juste dans l’exercice de sa perfection morale, et, où on indique, d’autre part, que l’énergie, requise à la persévérance, est duc au secours divin ; ce secours ne peut pas être uniquement l’ensemble des dons habituels ; il s’agit donc de grâces actuelles. Les textes, auxquels nous faisons allusion, sont les suivants : « Au reste, mes frères, forlifiez-vous dans le Seigneur et dans sa vertu toute-puissante. Revètez-vous de l’armure de Dieu, afin de pouvoir résister aux embûches du diable. Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes, contre les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits (répandus) dans l’air. C’est pourquoi prenez l’armure de Dieu afin de pouvoir résister au jour mauvais et, après avoir tout surmonté, rester debout. » Eph., vi, 10-13. « Ainsi donc que celui qui croit être debout prenne garde de tomber. Aucune tentation ne vous est survenue, qui n’ait été humaine ; et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces ; mais, avec la tentation, il ménagera aussi une heureuse issue en vous donnant le pouvoir de la supporter. » ICor., x, 12, 13. « Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement…, car c’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire, selon son lion plaisir. » Phil., ii, 12, 13.

2. Dans le document nommé Indiculus de gratia, le c. ni ou vi dit : « Personne, même renouvelé par la grâce du baptême, n’est capable de surmonter les embûches du démon et de vaincre les convoitises de la chair, s’il n’a reçu, par un secours de Dieu, chaque jour renouvelé, la persévérance dans une bonne vie, » Den zinger-Bannwarl, n. 132. Voir Célestin, l. ii, col. 2054. Le IIe concile d’Orange enseigne que le secours divin doit être toujours demandé même par ceux qui déjà sont régénérés et sanctifiés, pour qu’ils puissent arriver à une fin heureuse ou pour qu’ils puissent persévérer dans l’exercice du bien. Denzinger-Bannvvart, n. 183. Le concile de Trente affirme aussi la nécessité de la grâce pour que les justes puissent être victorieux dans leur lutte contre la chair, le monde et le démon, et la nécessité d’un secours spécial pour qu’ils puissent persévérer dans la justice reçue. Denzinger-Bannwart, n. 806, 832. Quant au sens de l’expression secours spécial, nous pensons qu’elle désigne les grâces actuelles qui procurent à l’homme l’énergie suffisante à éviter le péché mortel et que, par conséquent, l’expression auxilium spéciale ne désigne pas la même chose que celle qui est signifiée par l’expression : magnum perseverantise donum, qui indique la persévérance finale obtenue. Cf. Hefncr, Die Enslehungsgeschichle des Trienter Rechtfertigungsdekretes, p. 352 ; Straub, Ueber den Sinn des 22 Canons der 6 Siszung des Concils von Trient, dans Zcilschrift fur katholische Théologie, 189 7, t. xxi, p. 188 sq., 221 sq.

3. Les scolastiques exposent la raison de la nécessité des grâces actuelles chez les justes. Il s’agit de la difficulté qu’éprouve l’homme à remplir fous ses devoirs, à résister à toutes les tentations. Cette difficulté a son origine psychologique dans la concupiscence, d’où résultent l’ignorance et les passions désordonnées. L’homme justifié est, par le fait même, rectifié dans le fond de son âme : il possède la grâce sanctifiante, il a la vertu infuse de foi, par laquelle son intelligence est intrinsèquement et surnaturellement soumise et ordonnée à Dieu, il a la charité infuse par laquelle sa volonté est intrinsèquement et surnaturellement orientée vers Dieu ; mais néanmoins il reste en lui le désordre de la concupiscence et ce qui en résulte ; c’est pour y remédier qu’il a besoin d’être éclairé dans son esprit, fortifié dans sa volonté : cet effet s’obtient par les grâces actuelles, c’est-à-dire par les illuminations de l’intelligence et les inspirations de la volonté ; au moyen de ces impulsions Dieu dirige l’homme justifié dans l’exercice de la sanctification et le protège contre les tentations. Les impulsions, dont nous parlons, sont surnaturelles ; car elles disposent et aident positivement l’homme à accomplir des actes salutaires. Non, venons de résumer la doctrine de saint Thomas, Sum. theol., D IF, q. cix, a. 9. 10. Cf. S. Bonaventure, In IV Sent., 1. II, disl. XXVIII, a. 2, ([. ii, Operaomnia. t. n. p. 685 sq. ; Cajétan, In Sum. theol., D If. q. cix, a. 9. Ainsi s’explique la nécessité morale des grâces actuelles chez l’homme juste : celle-ci comporte donc que l’homme juste a besoin d’être, au moins de temps en temps, secouru par des grâces actuelles.

2° La controverse théologique concerne la nécessité physique de la grâce actuelle et a pour objet cette question : l’homme juste doil-il recevoir une grâce actuelle pour tout acte salutaire ? La question se pose spécialement pour l’homme juste, car celui-ci possède les dons surnaturels, habituels, notamment les vertus infuses ; on se demande donc si. dans l’homme juste, ces principes habituels suffisent à surnaturaliser intrinsèquement les actes de vertu et si, par conséquent, une grâce actuelle est encore requise.

Un grand nombre de théologiens enseignent la nécessité de la grâce actuelle pour chaque acte salutaire du juste ; l’opinion contradictoire cependant a des défen, seurs autorisés, notamment Cajétan, In Sum. theol., D II’11, q. cix, a. 9 ; Soto, De natura et gratia, 1. III, c. iv, fol. 207 ; Molina, Concordia, q. xiv, a. 13, disp. IV, p. 20 ; disp. VIII, p. 38 ; Bellarmin, De gratia et libero arbilrio, 1. VI, c. xv, n. 51, p. 399 ; Billuart, De gratia, diss. III, a. 9, p. 110 ; Terrien, La grâce et lu gloire, t. i,