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GRACE

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t-elle dans une motion inorale’? Saint Augustin ne le dit pav Pans son ouvrage De diversis quæslionibus ad Simplicianum, 1. I, q. ii, n. 13, P. L., t. xl, col. 118 sq., en parlant de la vocation à la foi et du consentement qui suit, il dit : Xon potest cffcclus misericordia’Dei esse in hominis potestule, ut frustra Me misereatur si homo nolit ; l’efficacité de la vocation dépend de Dieu, et cette efficacité consiste en ce que la vocation est congrue, c’est-à-dire bien adaptée, proportionnée aux dispositions de celui dont elle obtiendra le consentement libre : Mi enim eleeli qui eongrucnler vocali ; Dieu connaît comment il doit agir sur l’homme pour que celui-ci consente : nullius Deus frustra miseretur : cujus autrui miseretur, sie eum vocat, quomodo seit ci congruere, ut vocantem non respuat. C’est la même explication qu’il donne dans ses œuvres postérieures, quand il dit : Præparatur voluntas a Domino. De gratia et libero arbilrio, c. xvi, n. 32 ; De prædestinatione sanctorum, c. v, n. 10 ; c. vi. n. Il ; c. xx, n. 42, P. L., t. xliv, col. 900, 968, 990. Cf. Rotmanner, Dervugustinismus, Munich, 1892, p. 23 sq. L’influence exercée par Dieu est interne : agit enim omnipolens in cordibus hominum etiam motum Doluntatis eorum, ut per eos agat quod per eos agere voluerit. His et talibus testimoniis divinorum cloquiorum salis, quantum existimo, manijestatur operari Deum in eordibus hominum ad inclinandas eorum volunlaies quoeumque voluerit. De gratia et libero arbilrio, c. xxi, n. 42, 43, P. L., t. xliv, col. 908. 909. Cf. Jacquin, loc. cit., p. 746. Cette influence divine produit des illuminations dans l’intelligence et des inspirations dans la volonté. De pecealorum meritis et remissione, 1. II, c. xix ; De gratia Christi, 1. I, c. xxiv, n. 25, P. L., t. xliv, col. 170, 373.

De tout ce qui précède, il résulte que, pour saint Augustin, la grâce est efficace parce qu’elle agit d’une façon bien adaptée aux dispositions du sujet, et parce qu’elle obtient ainsi le libre consentement de l’homme ; cet effet est infaillible, parce que Dieu sait comment il doit préparer la volonté humaine au consentement à donner. Mais saint Augustin n’explique pas davantage le mode de causalité exercée par la grâce actuelle : en particulier il n’explique pas en quoi consiste précisément l’influence de cette grâce sur l’acte libre et la connexion qui existe entre les deux.

D’après saint Thomas.

Ce saint docteur ne

semble pas non plus avoir traité cette question. 11 expose les principes généraux d’après lesquels on connaît l’activité de Dieu en la créature ; nous avons exposé plus haut qu’il enseigne qu’une prémotion physique est nécessaire à l’opération de la créature, à chaque fois que celle-ci commence à agir. Nous avons expliqué aussi pourquoi nous sommes d’avis que saint Thomas n’admet pas une nouvelle prémotion physique, e’est-à-dirc une nouvelle application à l’acte pour l’acte libre, c’est-à-dire pour l’élection ; nous avons spécialement nié que sa doctrine implique la prédétermination physique à l’acte libre, prédétermination qui consisterait à déterminer physiquement la volonté à un objet de son choix plutôt qu’à l’autre. Les mêmes principes doivent être appliqués pour expliquer l’action surnaturelle de Dieu sur l’âme. Quant à la prédestination et à la science divine, nous n’avons pas à en parler ici. Billuart, De gratia. diss. V, a. 4, p. 138, cite en faveur de son sentiment les paroles suivantes de saint Thomas : Tungil aposlolus auxilium sibi præslilum ad minisleriorum execulionem ; hujusmodi autem auxilium duplex fuit : unum quidem ipsa facullas excquendi, aliud ipsa operatio seu aclualitas. Facultalem autem dut Deus infundendo virtutem et giatiam, per quas efficitur homo polens et aplus ad operandum. Sed ipsam operalionem confert in quantum m nobis intérim operatur movendo et instigando ad bonum…, in quantum virtus cjus operatur in nobis velle et perficcre pro bona volun tale. In Episl. ad Eph., c. ni, lect. ii, p. 35. De ce texte Billuart conclut qu’outre la grâce suffisante qui donne le pouvoir de bien agir, il faut une autre grâce, la grâce efficace, pour que l’homme de fait agisse bien, et il entend parler de la grâce actuelle. Cette assertion ne se trouve pas dans le texte de saint Thomas : d’abord, il parle explicitement de l’exécution du ministère apostolique ; mais admettons que l’on puisse expliquer de la même manière tous les actes salutaires. Saint Thomas distingue la faculté d’agir et l’opération elle-même ; la faculté d’agir doit s’entendre ici de dons habituels, infus ; l’opération est produite par Dieu en tant qu’il meut intérieurement et porte au bien ; c’est la grâce actuelle excitante par laquelle est obtenue la coopération de l’homme ; saint Thomas ne dit pas élu tout qu’au delà de la motion par laquelle l’homme est excité au bien il faut une nouvelle grâce actuelle qui détermine physiquement le consentement. Ce saint, De nialo, q. vi, a. un., ad 3°", enseigne que Dieu meut immuablement (immulabililer) la volonté à cause de l’efficacité de l’énergie qui la meut. On peut appliquer cela à la grâce et dire que l’effet, l’acte salutaire, est obtenu infailliblement à cause de l’efficacité de la grâce ; on en conclurait que la grâce est efficace ab inlrinseco. Cette conclusion ne tranche pas la question : on peut dire que c’est à la causalité propre de la grâce qu’est dû l’acte salutaire, mais il reste à expliquer en quoi consiste cette causalité ; est-ce une influence physique, est-ce une influence morale, comment atteint-elle l’acte libre’? L’article du R. P. Guillermin, Revue thomiste, t. x, p. 658 sq., nous indique plusieurs auteurs, appartenant à l’ordre des frères prêcheurs, qui interprètent la doctrine de saint Thomas tout autrement que ne l’a fait Bafiez. Cf. aussi Wagner, De gratia sufficienli, Gratz, 1911.

II. depuis la fin du xvi’siècle. -- C’est Molina qui a posé explicitement la question de l’efficacité de la grâce sanctifiante.

Doctrine de Molina.

1. Exposé. — Cette doctrine

comprend de multiples assertions connexes entre elles, mais concernant directement des objets différents, par exemple, le concours général de Dieu dans les opérations des créatures, la prescience divine, la prédestination ; nous ne considérerons ici que ce qui concerne directement l’efficacité de la grâce actuelle.

a) D’après Molina, le secours de la grâce actuelle implique une double différence avec le concours général de Dieu dans les actes libres ; d’abord, le secours de la grâce actuelle, comme telle, consiste en ce que par elle la volonté humaine est positivement inclinée ou mue à un acte salutaire délibéré ; ainsi cette grâce (c’est-à-dire l’acte indélibéré) est cause efficiente de l’acte délibéré et de la surnaturalisation de celui-ci ; dans le concours général, au contraire, il n’y a pas d’influence divine qui applique la volonté à agir, ni qui soit cause efficiente de l’acte libre ; ce concours n’affecte que le libre arbitre en acte : influxus immedialus una eum libero arbilrio in aclu. Ensuite, le secours de la grâce actuelle est antérieur à l’acte libre auquel il lui est ordonné et il a sur lui une priorité de temps ou au moins de nature ; tandis que, pour le concouis général, dans l’ordre naturel, il n’y a aucune priorité : ce concours est absolument simultané, n’existe que dans l’acte. Concordia, q. xiv, a. 13, disp. XLI, p. 239.

La grâce actuelle consiste essentiellement en des actes vitaux indélibérés, produits surnaturellement par Dieu dans l’intelligence et la volonté ; quand l’homme est sous l’influence de ces actes, il peut toujours y consentir ou y refuser son consentement ; s’il consent, la grâce obtient l’effet pour lequel elle est donnée et devient efficace ; si, au contraire, l’homme ne consent pas, la grâce n’est que suffisante et inefficace ; par conséquent l’efficacité de la grâce consiste formel-