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GRACE

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Cette question esi laissée à notre investigation et c’est par la métaphysique qu’il nous faut déterminer l’essence de ces effets divins dont nous parlons. Aussi c’est à la question métaphysique du concours divin que se rattache logiquement et historiquement la controverse indiquée. On a exposé, dans ses grandes lignes, la doctrine de la coopération divine à l’art. Concours divin, t. iii, col. 781 sq. ; niais il faut que nous insistions davantage sur l’opinion de saint Thomas pour la comparer à celle de Molina.

1. Acles indélibérés.

Il nous faut parler premièrement de la coopération divine, en général, ensuite de la coopération surnaturelle de Dieu, ou de la grâce actuelle. Nous indiquerons hrièvement la doctrine de saint Thomas, celle de Molina, ((.’lie que nous défendons avec ses arguments.

a) Doctrine de saint Thomas. — a. Ce docteur enseigne que Dieu coopère à toute opération de la créature. In IV Sent., 1. II, dist. XXXVII, q. ii, a. 2 ; Sum. Iheol., I a, q. cv, a. 5 ; I : l II æ, q. cix, a. 1, 9. Il distingue quatre manières diverses selon lesquelles se fait cette coopération et les énumère dans : ette conclusion : Sic ergo Deus est causa aclionis cujuslibet inquantum dot l’irlulem agendi, et inquantum conservai eam, et inquantum applicat aclioni, et inquantum cjus virilité omnia alia virlus agit. De potentia, q. iii, a. 7. Voir Concours divin, t. iii, col. 785 sq. Il nous faut considérer davantage le troisième mode exprimé par ces mots : inquantum applicat aclioni. Saint Thomas, dans le corps de l’article cité, fait observer que ce troisième mode est distinct des deux premiers : Sed quia nulla res perscipsam movet vel agit, nisi movens non molum. tertio modo dicitur una res esse causa aclionis altcrius inquantum movet ad agendum : in quo non intelligitur collaiio aul conservai io virtutis aclivæ, sed applicatio virtutis ad actioxeh’- Cette application à agir est une entité physique reçue dans la faculté opérative, un être incomplet : Virtus naturalis (c’est-à-dire la faculté opérative), quw est in rébus naturalibus in sua inslitulione collata, inesl eis ut quædam forma habens esse ralum et firmum in natura. Sed lu quod a deo fit in rc naturali, quo actuai. iter agat, est ut intentio sola habens esse quodua m INCOMPLEI’I i/ T.oe. cil., ad 3’m. Il y a donc une impulsion physique, qui n’est qu’impulsion et, pour cette raison, un être incomplet ; cette impulsion est produite par Dieu dans la faculté et elle constitue celle-ci émettant son opération. Cette impulsion est la motion à agir. motion que ne peut pas avoir d’elle-même la faculté opérative : nec virtuti naturali conferri poluit ut moveret seipsam. Ibid. La faculté opérative est passive quant à la réception en elle de ladite motion : In operatione qua Deus operatur movendo naturam non operatcii natura. Loc cit., ad 2° m. La même doctrine est exprimée dans l’opuscule Compendium Iheologiæ, c.cxxx : Necesse est quod omnia agentia per quæ Deus ordincm sux gubernationis adimplct, virtute ipsius Dei agant. ageue igitur cujuslibet ipsorum a Deo causatub, sicut

et MOTUS MOB1L18 A MOTIONE MOVENTIS. Cf. Sum. theol.,

I » , q. cv, a. 5. Il résulte donc que saint Thomas enseigne la prémolion physique, c’est-à-dire que, selon lui, la coopération divine implique une entité physique produite par Dieu dans la faculté opérative, cette entité est essentiellement l’impulsion à agir et, par conséquent par sa nature même, antérieure à l’opération dont elle est le principe, d’où son nom : prémotion.

t>. Quant à l’ordre surnaturel, saint Thomas distingue ce que nous appelons grâce habituelle de ce que nous appelons grâce actuelle : Dupliciter ex gratuita Dei voluntate homo adjuvatur. Uno modo, inquantum anima hominis movetur a Deo ad aliquid cognoscendum vel volendum vel agendum. Et hoc modo ipse graluilus effectus non est qualitas, sed motus quidem animée : exclus enim movenlis in moto est moins. Sum. Iheol., I »

II æ, q. ex, a. 2. Si l’on met ce texte en relation avec la doctrine de saint Thomas concernant la coopération divine avec toute créature agissante, on ne peut douter que le docteur angélique admet une prémotion aux actes salutaires de connaissance et de volonté : Dieu, en effet, meut l’âme à connaître et à vouloir ; c’est un effet gratuit, c’est-à-dire surnaturel, et il n’est que motion, impulsion à agir ; c’est pourquoi il n’est pas, à proprement parler, une qualité : il n’est qu’un être incomplet, purement transitoire, qui n’a pas, en l’âme, esse ralum ae firmum. Cf. Sum. Iheol., I a IV e. q. cix, a. G et 0, où saint Thomas indique comme première raison de la nécessité de Vauxilium gratiæ : nulla res ci râla potest in quemeumque actum prodire, nisi virtute molionis divinse. A la doctrine, telle que nous l’avons exposée, ne s’oppose pas le texte de saint Thomas. In IV Sent., 1. I, dist. XLV, q. î, a. 3 : Inomnibus quorum potentiel activa determinata est ad unum effeclum nihil requiritur ex parle agentis adagendum supra potentiam complétant, dummodo non sit impedimentum ex defeetu rccipienlis ad hoc quod sequatur effectus. Saint Thomas parle ici des actions nécessaires naturelles, c’est-à-dire des opérations qui sont déterminées ou spécifiées par une forme reçue dans la nature ou dans la faculté opérative ; quand la faculté opérative est déterminée par une forme à produire un effet déterminé, la faculté est alors complète au point de vue de la spécification de l’acte ; rien n’est requis ultérieurement dans cet ordre. Mais cela n’exclut pas la nécessité de la prémotion physique, qui ne spécifie pas l’opération, mais la fait sortir de la faculté. La nécessité de la prémotion physique est d’un ordre différent de celui de la spécification de l’acte ; cette motion est requise pour que la créature puisse passer de l’état de repos à l’état d’action, a non agendo ad agendum. Quantumcumque natura aliqua corporalis vel spiritualis ponatur perfecta,

NON POTEST ]N SUUM ACTUM PBOCEDEliE NISI MOYEATUIl

a deo. Sum. theol., I a IL’*, q. cix, a. 1. La prémotion tion physique est donc requise aussi dans la volonté à chaque fois qu’elle commence à vouloir, cf. Sum. theol., I 1 IP’, q. ix, a. 4 ; elle est donc requise pour cet acte indélibéré, qu’on appelle voluntas ut natura. Cf. In IV Sent., 1. III, dist. XVII, q. i, a. 1, q. iii, ad l u " ; Sum. Iheol., III a, q. xviii, a. 3. Nous parlerons plus loin de l’acte libre.

b) Doctrine de Molina. — Elle est radicalement différente de celle de saint Thomas.

a. Dans l’ordre naturel, le concours divin est une influence divine qui ne tombe pas immédiatement sur la faculté opérative, et qui n’atteint que l’opération elle-même, émise par la faculté : il n’admet pas que Dieu meuve la créature à agir, qu’il y ait, de la part de Dieu, une impulsion, par sa nature, antérieure à l’opération et véritablement cause efficiente de l’émission de l’acte : il rejette donc toute prémotion physique. L’opinion de Molina est exposée, Concordia, a. 13, q. xiv, disp. XXVI, Paris, 1876, p. 152 sq. Après avoir indiqué l’opinion de saint Thomas concernant l’influence divine qui applique la créature à l’opération, et avoir avoué que cette doctrine lui semble difficile à admettre, Molina expose son opinion : De même que la cause seconde (la créature) émet immédiatement son opération et par celle-ci produit le terme ou l’effet, ainsi Dieu, par un concours général, in Hue immédiatement dans la même opération et par celle-ci produit le terme ou l’effet. C’est pourquoi le concours général de Dieu n’est pas une influence sur la cause seconde, comme si celle-ci était d’abord mue à opérer : Quo fit ut concursus Dei generalis non sit influxus Dei in CAUSAMSECUNDAM, quasi ili.a pmus eo mot a AGAi… Cette assertion est nettement contradictoire à la thèse de saint Thomas et exclut précisément toute prémotion physique. A la lin de sa dissertation, p. 158, Molina dit encore que