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GRACE

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grâces actuelles. Cf. Palmieri, De gratia actuali, thés. xii, p. 44. Le même auteur, thés, xiii, p. 46, applique encore le concept de grâce actuelle anx influences exercées sur nous par les créatures, qui sont en dehors de nous, mais dont l’action est réglée par la providence. Ce sont là des grâces externes. Celles-ci sont, dans le cours ordinaire des choses, l’occasion ou la condition requises à l’octroi des grâces internes ; nous ne nous occupons que des dernières.

2. Les actes, que nous considérons maintenant, sont avant tout des actes indélibérés, qui se produisent indépendamment d’une délibération et d’une élection libre, qui préviennent notre activité libre et auxquels nous pouvons consentir ou que nous pouvons rejeter.

u) Comme l’homme ne peut rien vouloir sans qu’il ne connaisse l’objet de sa volition, il est évident que le commencement de l’activité salutaire se trouve dans un acte d’intelligence ; comme cet acte est l’effet de la grâce divine, il est évident qu’il y a des illuminations immédiates et surnaturelles, c’est-à-dire que Dieu suscite directement en l’homme des pensées salutaires, les actes cognoscitifs par lesquels l’homme perçoit sicut nporlet ce qui est requis à l’obtention de la foi ou à l’exercice subséquent de cette vertu ou à la pratique de la perfection chrétienne. Les textes cités plus haut, Joa., vi, 44 ; Act., xvi, 13 ; I Cor., iii, 6, ne s’expliquent qu’en admettant des illuminations immédiates. C’est d’elles que parlent les Pères dans les passages indiqués ci-dessus. Nous y ajouterons une déclaration importante de saint Augustin : « Tous les hommes de ce règne (du règne du Christ) seront enseignés par Dieu, ils ne recevront pas la doctrine de la part des hommes. Ou s’ils la reçoivent par eux, ce qu’ils en comprennent leur est révélé intérieurement : Et si ab hominibus audiunt, tamen quod intelligiint inlus datur, inlus coruscat, inlus revclatur. Que font les hommes qui parlent du dehors ? Que fais-je moi qui vous parle’?… Celui qui plante et qui arrose agit extérieurement : c’est ce que nous faisons. Mais ni celui qui plante n’est quelque chose ni celui qui arrose, mais celui qui donne la croissance, Dieu. C’est cela (qui est exprimé par ces mots) : ils seront tous enseignés par Dieu. » In Joannis Evang., tr. XXVI, n. 7, P. L., t. xxxv, col. 1610.

b) Nous avons vu que Dieu influe aussi sur la volonté pour la mouvoir au bien salutaire. Or on se demande s’il y a des inspirations immédiates, c’est-à-dire si Dieu produit immédiatement dans la volonté des actes indélibérés comme il en produit dans l’intelligence. La raison pour laquelle se pose cette question est celle-ci : quand dans l’intelligence se produit la perception d’un objet, et quand celui-ci est représenté comme bon, aimable, désirable ou comme mauvais, haïssable, il surgit connaturellement dans la volonté des actes correspondants d’amour, de désir, d’aversion, de répugnance ; Dieu pourrait donc, en produisant immédiatement des pensées salutaires, faire naître, par ce moyen, donc médiatement, des mouvements salutaires dans la volonté : ce seraient des inspirations médiates. Les textes de l’Écriture sainte et ceux des conciles peuvent, à la rigueur, s’interpréter en n’admettant que des inspirations médiates ; aussi les théologiens tiennent que ce n’est pas un dogme de foi qu’il y a des inspirations immédiates ; mais aujourd’hui ils admettent leur existence comme certaine. Cf. Jungmann, De gratia, n. 34 ; Palmieri, op. cit., thés, vin ; Hurter, op. cit., t. iii, n. 19 ; Einig, De gratia. Trêves, 1896, thés, i ; Pesch, Præl. dogm., t. v, n. 19. Cette thèse est beaucoup plus conforme au texte de saint Paul. Phil., il, 13, aux canons des conciles, notamment à celui qui dit : Cum sit vtrvuqoe donum Dei il s< iiie quid facere debeamus et diligEDE ut faciamus, Denzinger-Bannwart, n. 104, et à celui-ci : Quod ila Deus in cordibus liominum atque in ipso libero operetur

arbilrio, ut sancta cogitatio… omnisque motus voluirlatis t x Deo sit, op. cit., n. 135 ; ici encore le bon mouvement de la volonté est présenté comme venant immédiatement de Dieu aussi bien que de la bonne pensée. La même doctrine est exprimée dans les prières liturgiques ; par exemple, dans le Sacramentarium leonianum, édit. Feltoe, Cambridge, 1896, p. 81, on lit l’oraison suivante : præsta nobis, Domine, quæsumus, auxilium gratin’tiuv, ul sine qua nihil boni possumus eadem largienle digne quæ tua sunt et < OGITAKE valeamus et FACERE. Dans le Missel romain, l’oraison du viiie dimanche après la Pentecôte dit : Largire nobis semper spirilum cogitandi quæ recta sunt propitius et AGEND1 : ut qui sine t, : esse non possumus, secundum te vivere valeamus. C’est aussi la doctrine de saint Augustin qui insiste spécialement sur l’influence divine dans la volonté, notamment sur Yinspiratio charitatis. -Voir les textes cités plus haut.

L’assertion se prouve par un argument de raison théologique : la nécessité de la grâce, nous l’avons établi dans la première partie de notre article, est une nécessité physique, celle d’élever nos actes à l’ordre surnaturel. Par les illuminations immédiates, l’intelligence est élevée, mais non la volonté ; or il y a aussi des actes salutaires dans la volonté, et, à un certain point de vue, c’est en elle qu’ils se trouvent surtout ; il faut donc encore dans la volonté des inspirations immédiates et surnaturelles pour qu’il puisse exister en elle des actes surnaturels, en l’absence des vertus infuses.

Controverse théologiquc.

C’est à la fin du

xvrsiècle qu’a commencé la grande controverse sur l’essence et sur l’efficacité de h : ^ràce actuelle. L’occasion en a été la publication de l’ouvrage de Molina, Concordia liberi arbilrii cum gratiæ donis, etc., en 1588. II semble que ce n’est pas Molina qui le premier a conçu et enseigné la doctrine qui caractérise cette œuvre, cf. de Scorraille, François Suarez, Paris, 1912, t. i, p. 356 sq. ; mais c’est à l’apparition de ce livre qu’a commencé l’opposition menée principalement par Banez. Voir Banez, t. n. col. 143 ; de Scorraille, np. cit., p. 363 sq.

La question controversée en ce qui concerne l’essence de la grâce actuelle est avant tout celle-ci : la grâce excitante consiste-t-elle uniquement dans les actes vitaux indélibérés, ou bien faut-il admettre des entités ou motions transitoires, qui, produites dans la faculté opéralivc, appliquent celle-ci à son acte, et ont par conséquent pour terme immédiat l’acte vital indélibéré. D’après la première opinion, Dieu produit immèdiatement l’acte vital lui-même, l’influence divine tombe sur l’acte lui-même, non sur la faculté opérative, il est absolument simultané à l’opération de la créature qui vitalement produit le même acte. D’après le second sentiment, Dieu agit immédiatement dans la faculté opérative et la meut physiquement à produire vitalement son acte : cette motion physique qui fait produire l’action de la faculté opérative est parsa nature, nulura (non tempore), antérieure à l’opération à laquelle elle se termine et est pour cela une prémotion physique.

Certains théologiens disent que dans la Bible, dans les écrits des Pères, dans les documents de l’Église, il n’est pas fait mention de ces entités transitoires ou motions, qu’on n’y parle que d’actes (bonnes pensées, bonnes affections) attribués à une influence spéciale et immédiate de Dieu ; que par conséquent il ne faut pas admettre l’existence de ces entités (enlilales fluentes).

Cet argument ne vaut rien. On ne peut pas, en effet, présupposer qu’il faille trouver dans la Bible ou dans les documents, contenant la révélation, l’explication scientifique de toutes les réalités dont ils nous apprennent l’existence. L’Écriture sainte et les documents de la révélation enseignent que Dieu, pour nous aider à agir salutairement, produit en nous des actes indélibérés, mais ils ne disent pas comment Dieu les produit.