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GRACE

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gratia nihil est ciluul quant quædam paiticipata simililudo divins natures. La « race, qui est produite immédiatement par Dieu, est ainsi, et au même instant. infuse dans l’âme : cette production-infusion est une opération qui doit être rapportée au genre de l’opération créatrice, parce que la grâce n’a pas, dans lesujel où elle est infuse (c’est-à-dire dans l’âme), sa cause efficiente, ni la cause matérielle d’où elle est tirée ou extraite ; la grâce ne peut pas être produite de l’âme, comme les formes naturelles peuvent sortir de leur (anse matérielle par l’action d’un agent naturel. Saint Thomas oppose ici l’action divine, qui produit la grâce et l’infuse à l’âme, à l’action d’une cause naturelle qui l’ait sortir une forme d’un sujet où elle était en puissance : parce que ce dernier point ne se réalise pas dans la production de la grâce, celle-ci n’est pas educlio jormse ex potentiel materiæ, mais appartient au genre de la création. Suarez, De gratta, 1. VIII, c. ii, n. 16, Opéra, t. ix, p. 318, dit aussi que la production de la grâce n’est pas de même espèce ou de même ordre que réduction d’une forme faite par un agent naturel, et, quant à la manière réelle dont est produite la grâce, il n’y a pas de différence entre cet auteur et saint Thomas. Mais il y a divergence quant à la terminologie : d’après saint Thomas, la production de la grâce doit être rapportée au genre de l’opération créatrice ; d’après Suarez, au contraire, elle doit être rapportée au genre de l’opération qui fait sortir la forme de la matière : gratia educitur de potentia obedientiali animée seu subjecti in quo immédiate fit. Op. cit., n. 13, p. 317. Cette manière de parler est inexacte ; en effet, la grâce est bien produite dans l’âme et y est inhérente ; mais l’âme humaine n’est par elle-même aucunement ordonnée à recevoir la grâce, celle-ci n’est pas contenue en puissance dans l’âme, n’en sort point et n’est pas faite de l’âme : la grâce, étant essentiellement surnaturelle, est tout simplement surajoutée à l’âme, qui par elle-même n’a aucun rapport avec la grâce et n’a que la possibilité de la recevoir ; cette possibilité n’est pas distincte de l’essence de l’âme et se réalise tout entière dans la seule immatérialité de l’âme. Saint Bonaventure, Inl V Sent, I. Il.dist. XXVI. q. m ; dist. XXVIII, dub. i, Opéra, t. n. p. 638 sq., 690, fait bien ressortir que la grâce est dans l’âme, comme dans son sujet, mais qu’elle vient de Dieu comme de sa cause : elle ne tire pas son origine des principes de l’âme. Il expose aussi qu’il y a deux sortes d’habilus : les uns ont leur origine dans la faculté opérative et sont produits par la répétition des actes ; ils donnent à la faculté, dans laquelle ils se trouvent, une aptitude à agir. Mais il y a un habitas qui nous vient du ciel ; qui ne dépend pas uniquement du sujet dans lequel il se trouve, mais beaucoup plus de celui d’où il vient. Cet liabilus, la grâce, ennoblit la faculté et l’élève au-dessus d’elle-même.

4° La cause méritoire de la grâce est le Verbe incarné : par les œuvres faites dans son humanité en l’honneur de Dieu, surtout par sa passion et par sa mort, il a obtenu une nouvelle concession de la grâce en faveur du genre humain. Voir S. Thomas, Sum. theol., III*, q. xi.vni, a. 1 ; card. Billot, De sacramentis, Rome, 1893, l. i, p. 49. L’homme ne peut pas mériter de condigno la grâce sanctifiante ; voici ce que dit le concile de Trente, sess. vi, c. viii, Denzinger-Bannwart, n. 809 : « C’est gratuitement que nous sommes justifiés, parce que rien de ce qui précède la justificat ion, soit la foi, soit les œuvres, ne peut mériter la grâce de la justification. » L’acte de charité parfaite surnaturel, qui est, comme nous l’avons exposé, la disposition ultime à la justification, ne peut être la cause méritoire de la justification, bien qu’il puisse être cause méritoire de la vie éternelle. L’homme qui, avant d’être justifié, coopère aux grâces actuelles, et par elles se dispose positivement a la justification, peut la mériter de congruo. Ces questions bavent être traitées à l’article Mérite.


III. GRACE ACTUELLE.

I. Existence. IL Essence. III. Division. IV. Efficacité. V. Nécessité de la grâce actuelle pour l’homme justifié.

I. Existence.

Dans la première partie de cet article nous avons démontré l’existence de la grâce considérée en général, en entendant par là tout don interne et surnaturel, par lequel l’homme est rendu capable de faire des œuvres salutaires et de mettre en pratique les préceptes divins, dont l’observation est requise à l’obtention de la béatitude éternelle. Dans la seconde partie nous avons considéré en particulier ce don, qui est appelé la grâce sanctifiante : elle est habitat Ile et permanente, elle est pour l’homme à l’instar d’une nouvelle nature, d’où dérive, au moyen des vertus infuses, l’activité surnaturelle. Nous recherchons maintenant s’il existe des influences surnaturelles qui sont des impulsions dont toute la raison d’être consiste à mouvoir l’homme immédiatement et exclusivement à des actions salutaires.

1° L’Écriture sainte nous fait connaître l’existence de telles entités. —

1. Le Christ, parlant des adultes et de leur adhésion à son œuvre, dit : « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’envoie ne l’attire. » Joa., vi, 44. Venir au Christ signifie ici croire, comme le Sauveur l’explique : « Il y en a parmi vous quelques-uns qui ne croient pas… C’est pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi, si cela ne lui a pas été donné par mon Père. » Joa., vi, 64, 65. Donc pour que l’homme croie au Christ il ne lui suffit pas d’entendre la prédication de la doctrine chrétienne, ni d’avoir cette connaissance et ces désirs qui peuvent résulter naturellement de cette audition, mais il faut que le Père l’attire. Il y a donc ici une influence divine, qui s’exerce dans l’intérieur de l’homme. Elle est expliquée par Jésus : « Quiconque a entendu le Père et qui a reçu son enseignement vient à moi. » Joa., vi, 45. L’influence divine, qui attire l’homme à la foi, comporte un effet produit dans son intelligence et l’éclairant sur la vérité. Cette conclusion est confirmée par cette parole : « Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous enseignés par Dieu. Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. » Joa., vi, 45. Les assertions prophétiques, auxquelles Jésus fait allusion, se trouvent dans Isaïe, liv, 13, et dans Jérémie, xxxi, 34, et elles enseignent que l’économie messianique aura pour prérogative l’influence immédiate de Dieu, éclairant les intelligences humaines sur la vérité.

Cette même influence est affirmée encore dans les Actes, xvi, 13 sq. : « Le jour du sabbat, nous nous rendîmes hors de la porte, sur le bord d’une rivière, où nous pensions qu’était le lieu de la prière. Nous étant assis, nous parlâmes aux femmes qui s’étaient assemblées. Or, dans l’auditoire était une femme nommée Lydie : c’était une marchande de pourpre…. craignant Dieu, et le Seigneur lui ouvrit le cœur pour qu’elle fût attentive à ce que disait Paul. » Ici donc aussi la prédication est nettement distinguée de l’influence produite immédiatement par Dieu sur l’âme de Lydie : c’est cette influence qui la rend efficacement attentive et fait qu’elle comprend ce qui lui est prêché. Sans examiner à fond l’essence de cette influence divine, nous pouvons dire qu’elle est surnaturelle, d’abord pane qu’il s’agit d’une communication spéciale et d’un secours spécial de Dieu, secours qui n’est pas compris dans le concours général que Dieu doit à sa créature, ensuite parce que ce secours interne et spécial est donné précisément pour un acte salutaire et par conséquent appartient à l’ordre des dons surnaturels, comme nous l’avons démontré en établissant la nécessité de la grâce pour tout acte salutaire. Remarquons enfin cpie lin-