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GRACE


d’une simple motion à l’acte (et cette simple motion, transitoire, à l’acte serait donnée, si la disposition ultime à une forme ne devait exister au même instant physique que cette forme). Si nous considérons l’acte de contrition comme méritoire de la vie éternelle, il procède de la vertu infuse en tant qu’elle est possédée par l’âme et l’informe. Ce n’est donc pas sous la même formalité que l’on considère la grâce sanctifiante quand, d’une part, l’on dit que, dans son infusion, elle est natura antérieure à l’acte de contrition, et, d’autre part, que, dans sa possession, elle est natura postérieure à ce même acte ; de même, ce n’est pas sous la même formalité que l’on considère l’acte de contrition quand on dit, d’une part, que cet acte, en tant qu’il est disposition ultime à la justification, est natura antérieur à l’obtention de la grâce, et, d’autre part, que ce même acte, en tant qu’il est méritoire, est natura postérieur à la grâce. Enfin le bien-fondé de la distinction apparaît clairement quand on fait attention à ceci : l’acte de contrition parfaite en tant qu’il est disposition ultime à la justification, et à ce peint de vue antérieur à la grâce sanctifiante, se trouve être une cause matérielle ; la grâce en tant qu’elle est le principe de cet acte, et à ce point de vue antérieure à l’acte de contrition, se trouve être une cause efficiente. Ainsi donc disparaît la contradiction qui s’exprimait dans l’objection exposée plus haut : il n’est pas vrai que la grâce sanctifiante soit, en même temps, et sous le même aspect, antérieure et postérieure au même acte de contrition.

VI. Causes.

Le concile de Trente, sess. vi, c. vii, Denzinger-Bannwart, n. 799 sq., énumère les causes de la justification : nous y trouvons indiquées celles qui concernent la grâce sanctifiante elle-même. Sur les différents genres de causes, voir Cause, t. a, col. 2019 sq. — 1° La cause finale de la grâce, c’est-à-dire le bien à l’obtention duquel est ordonnée la grâce, est double : d’abord, la fin dernière, et celle-ci encore est double : absolue : c’est la gloire extrinsèque de Dieu ; relative, subjective, c’est la béatitude (subjective) éternelle de la créature, c’est-à-dire la vision intuitive de Dieu. Voir Intuitive (Vision). Sur la notion de fin dernière, voir Fin, t. v, col. 2481-2499. La fin immédiate est la sanctification surnaturelle de la créature, car l’effet formel de la grâce sanctifiante est la déiformité, c’est-à-dire une ressemblance spéciale et surnaturelle avec Dieu, une participation surnaturelle et formelle à la nature divine. Cette entité est produite par Dieu dans l’essence de l’âme afin de rendre celle-ci apte à agir surnaturcllement au moyen des vertus infuses, et notamment a aimer Dieu surnaturcllement ; c’est en cette charité que consiste essentiellement la perfection morale ou sainteté. Voir S. Thomas, De virtutibus in communi, q. i, a. 10 ; Sum. theol., II a II æ, q. xxiii, a. 1-8 ; Charité, t. ii, col. 2225 sq. La grâce habituelle dont nous parlons est à juste titre appelée sanctifiante, parce qu’elle est le principe radical de la sainteté surnaturelle (qui seule est la sainteté véritable dans l’ordre actuel de la providence) et qu’elle est inséparablement unie à la charité surnaturelle en laquelle consiste formellement la rectitude parfaite de la volonté à l’égard de Dieu, c’est-à-dire la sainteté.

2° La cause efficiente principale de la grâce sanctifiante est Dieu seul : seul, il peut la produire et l’introduire dans l’âme. Voir S. Thomas, Sum. theol., I » II’1’, q. c.ix, a. 7 : q. cxii, a. 1 ; Suarez, De gratta, 1. VII, c. xxv, Opéra, t. ix, p. 301 sq. La cause efficiente instrumentale est, à titres divers, le sacrement et l’humanité du Christ : sur la causalité propre aux sacrements, voir Sacrements ; sur la causalité propre à l’humanité du Christ, voir S. Thomas, Sum. theol.. III a, q. xlviii, a. 6. C’est ici que vient la question : la justification de l’homme ou l’infusion de la grâce est-elle un miracle’.' Si par miracle on entend un effet sen D1CT. DE THEOL. CATHOL.

sible produit par Dieu, en dehors du cours naturel des choses, déterminé par les lois physiques, alors il est évident que l’infusion de la grâce n’est pas un miracle. Si l’on considère que l’infusion de lagrâce se fait parfois d’après des règles générales, établies par la providence, et parfois en dehors de ces règles, par exemple, au cas d’une conversion subite et parfaite d’un pécheur, la justification dans ce cas pourra être dite miraculeuse : ce sera un effet miraculeux, quoad modum faciendi, et dans l’ordre moral. Voir S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. cxiii, a. 10 ; Suarez, op. cit., n. 7 sq., p. 303 sq. 3° La cause matérielle de la grâce est l’âme humaine, en ce sens que l’essence de l’âme est le sujet immédiat dans lequel ce don est infus. Nous avons vu plus haut que chez l’adulte sont requises des dispositions positives à la réception de la grâce, ce sont des actes divers, tels que la foi, l’espérance, l’attrition dans le sacrement de la pénitence et dans les autres sacrements, voir Attrition, t. i, col. 2239, 2245 sq. ; la contrition ou la charité parfaite en dehors des sacrements. Voir Contrition, t. iii, col. 1684. Mais ces actes ne sont pas absolument nécessaires, puisque, dans les enfants, incapables de ces opérations, la grâce sanctifiante est produite par le baptême. Cf. S. Thomas, De verilale.

q. xxviii, a. 3, ad Il L’âme humaine est donc par

elle-même en état, c’est-à-dire en puissance obédientielle, de recevoir la grâce : celle-ci est produite immédiatement par Dieu, et comme elle est absolument surnaturelle, elle ne sort pas ex potentia naturali mate ; /.c. Dès lors, puisque la création se définit : produciio ex nihilo sui et subjeeti, on peut dire que la grâce est créée, produite de rien. Mais ici intervient une distinction concernant la terminologie et provenant non du mode dont est produite la grâce, mais de son essence même. En effet, la grâce est un accident, par conséquent elle n’existe pas en elle-même, mais seulement en une substance dans laquelle elle est infuse. Or, être créé convient à proprement parler aux êtres qui existent en eux-mêmes, c’est-à-dire aux substances et non aux accidents. De même que ceux-ci ne sont pas existants, mais coexistants, ainsi les accidents ne sont pas créés, mais concréés. Ceci s’applique avant tout a l’acte par lequel Dieu crée une substance en même temps que ses accidents, par exemple, pour Adam, d’après l’opinion la plus probable, son âme fut au même instant créée, ornée de la grâce et infuse au corps. Mais alors même que la production de l’accident vient après la production de la substance, quand la production de l’accident est une produciio ex nihilo sui cl subjeeti, on dit encore correctement que cet accident es1 concréé. Cf. S. Thomas, Sum, theol., [ » , q. xlv, a. 1 ; De potentiel, q. iii, a. 8, ad 3°"’. A cet endroit saint Thomas explique très nettement sa pensée ; voici ses paroles que nous commenterons : Gratia, cum non sil forma subsistens, nec esse nec fiai ci proprie per se cornpetit : unde non propric creatur per modum illum quo substantiæ per se subsislenles ercantur. Infusio tamen gratiæ accedit ad rationem creationis in quantum yralia non habet causam in subjecto, nec efficientem, nec lalem materialem in qua sit hoc modo in potentia, quod per agens naturale educi passif in actum, sicut est de aliis formis naturalibus. La grâce sanctifiante n’est pas une forme subsistante, c’est-à-dire une forme qui existe en elle-même (elle n’est qu’un accident) ; c’est pourquoi il ne lui convient pas, à proprement parler, d’exister ou de devenir ; par conséquent il ne lui convient pas, à proprement parler, d’être créée ; les substances seules, les êtres existants en eux-mêmes sont, à proprement parler, créés. La grâce cependant est produite, et Dieu seul peut être la cause efficiente principale de cette production comme le dit explicitement saint Thomas, Sum. theol.. III » , q. lxii, a. 1 : Hoc modo (lanquam causa principalis) nihil potest causare graliam nisi Deus quia

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