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GRACE

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iif, une relation avec le Saint-Esprit qui habite dans le juste, une relation avec Jésus-Christ, une union mystique avec le Christ dont le juste est un membre vivant recevant de lui l’influx vital, comme les membres du corps vivant de la tête. Rom., vin. 15-17 ; (lai., iv. 1 ! » ; Rom., viii, 9-11 ; Eph., IV, 14 sq. ; Col., il, 18. Cf. Prat, op. cit., p. 450 sq. Nous avons réuni ici ces diverses données pour permettre de jeter un coup d’oeil d’ensemble sur la doctrine de l’apôtre : ces notions diverses expriment une même réalité que nous appelons grâce sanctifiante, et ont été ultérieurement analysées et expliquées par les Pères et les théologiens, comme nous l’exposerons dans la suite. Mais pour l’objet qui nous occupe, à savoir, l’existence de la grâce sanctifiante, nous devons encore insister sur ce point : la sainteté, dont parle l’apôtre, n’est donc pas une perfection morale acquise par les opérations de l’homme, elle n’est pis le produit naturel de l’activité humaine, elle est infuse par Dieu dans l’âme, notamment au moyen du baptême. Tit., iii, 4-7. De plus, cette sainteté infuse n’est nullement due à l’homme comme tel, car Dieu la donne aux uns et non pas aux autres ; enfin les opérations naturelles de l’homme ne sont pas un titre, ne constituent pas une exigence à recevoir ce don : « Nul homme ne sera justifié devant lui (Dieu) par les œuvres de la loi… Maintenant, sans la loi… ceux qui sont justifiés le sont gratuitement par sa grâce. » Rom., iii, 2024. La sainteté est un effet de la prédestination divine ; celle-ci dépend d’une libre décision de Dieu, Rom., viii, 20 ; Eph., i, 4-11, qui a pour dernière raison la miséricorde divine : « L’élection (à la sainteté et au salut) ne dépend ni de la volonté ni des efforts (de l’homme), nuis de Dieu qui fait miséricorde. » Rom., ix, 16 ; xi, 5. i. Mais lorsque Dieu notre Sauveur a fait paraître sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous faisons, mais selon sa miséricorde, par le bain de régénération et en nous renouvelant par le Saint-Esprit, qu’il a répandu sur nous… » Tit., iii, 4-6.

Saint Paul nous enseigne donc l’existence d’un don sanctifiant et sa complète gratuité.

Les textes cités en dernier lieu nous apprennent explicitement la gratuité du don sanctifiant, en montrant que les bonnes œuvres comme telles, ou naturelles, ne constituent pas l’homme saint ou juste ; déplus, que ces œuvres ne sont pas, devant Dieu, un litre exigeant ce don sanctifiant, qu’elles ne sont donc pas méritoires. C’est la première raison pour laquelle le don sanctifiant est positivement indu à l’homme. Mais ceci implique déjà que le don sanctifiant n’est pasuneentiténaturelle : car s’il l’était, il serait le résultat nécessaire des bonnes œuvres naturelles opérées par l’homme. L’essence de ce don nous est ultérieurement expliquée par ses effets, notamment, par ceci que l’homme en le possédant devient fils adoplif de Dieu, temple du Saint-Esprit : cette dignité est absolument surnaturelle : d’où il résulte que l’entité, qui confère cette dignité, est en elle-même surnaturelle, positivement indue à toute créature.

3. Saint Jacques enseigne aussi que la justification s’obtient par une naissance, due à la bienveillance divine, i, 18 ; pour saint Jean, l’homme juste est né de Dieu et la semence de Dieu demeure en lui. I Joa., iii, 9. L’état de sainteté est aussi appelé par saint Jean une onction reçue, qui demeure dans l’homme, il, 27.

2° Les Pères reprennent et expliquent le même enseignement. L’auteur de l’Epître de Barnabe présente deux assertions très significatives : « lui nous renouvelant par la rémission des péchés, il nous a mis une autre empreinte, au point d’avoir l’âme de petits enfants, justement comme s’il nous créait à nouveau ; car c’est de nous que parle l’Ecriture lorsque (Dieu) dit au Fils : Faisons l’homme à notre image et ressemblance, » vi, 11-12. Plus loin : « C’est en recevant la rémission de nos

péchés… que nous devenons des hommes nouveaux, que nous sommes recréés de fond en comble, » xvi, 8 (traduction Laurent-IIemmer, Les Pères apostoliques, Paris, 1007, t. i, p. 51 sq., 91). Tertullien enseigne qu’au baptême l’âme acquiert une ressemblance spéciale avec Dieu, différente de la similitude qu’elle a par sa nature. De baplismo, n. 5. Cf. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1005, p. 264. Saint Basile décrit la présence du Saint-Esprit dans l’âme et la compare à la présence de la forme dans la matière, de la faculté de vision dans l’œil, de l’art dans l’artiste : le Saint-Esprit est toujours uni aux justes, mais il n’opère pas toujours en eux des effets tels qu’il en produit chez les prophètes, ou dans les guérisons ou dans d’autres opérations miraculeuses. De Spiritu Sanclo, c. xxxvi, n. 61, P. G., t. xxxii, col. 180. Saint Grégoire de Nazianze décrit, sous des noms divers, la grâce reçue au baptême et enseigne qu’il faut baptiser les enfants, quand ils sont en danger, bien qu’ils ne puissent pas s’apercevoir de la grâce qui les sanctifie. Orat., xl, in sanctum baplisma, n. 3 sq., 28, P. G., t. xxxvi, col. 361 sq., 399. Saint Jean Chrysostome explique pourquoi le baptême est appelé un bain de régénération : c’est parce que l’homme y est de nouveau créé et formé ; il y reçoit cette beauté, que Dieu avait accordée au premier homme, et qui est produite par la grâce du Saint-Esprit. Calechesis, i, ad illuminandos, n. 3, P. G., t. xlix, col. 226 sq. Cf. Cat., ii, n. 1, col. 232 sq. Saint Cyrille d’Alexandrie est encore plus explicite sur la réalité de la grâce interne et sanctifiante : « Il y a pour l’homme une formation simple ; comme lorsque notre premier père Adam fut formé de la terre… Après ce mode de création, il y a la formation qui nous est propre â chacun de nous : chacun est formé dans le sein de la mère ; c’est par cette voie que tous nous venons à l’existence. Il y a ensuite cette formation par laquelle nous devenons enfants de Dieu, élevés intellectuellement par la connaissance des lois divines à une beauté surnaturelle, celle qui procure â nos âmes l’ornement des vertus : cette beauté est la beauté spirituelle. Il y a en même temps la formation dans le Christ â l’image du Christ par la participation au Saint-Esprit. Le Christ est formé en nous grâce au Saint-Esprit qui introduit dans nos âmes une certaine forme divine par la sanctification et la justice. C’est ainsi que s’imprime en nous le caractère de l’hypostase de Dieu le Père, grâce au Saint-Esprit qui nous assimile à lui par la sanctification. » In Jsaiam, 1. IV, orat. ii, P. G., t. lxx, col. 936-937 (traduction du P. Mahé, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1909, t. x, p. 485). Cf. Weigl, Die Heilslehre des hl. Cyrill von Alexandrien, Mayence, 1905, p. 181 sq. Nous aurons à revenir plus tard sur la doctrine de saint Cyrille. Saint Augustin enseigne que la justification est due à une réalité interne, à une forme, dont Dieu revêt l’homme. De spiritu et littera, c. ix, n. 15, P. L., t. xliv, col. 208 sq. ; De Trinilate. I. XV, c. viii, n. 14, P. L., t. xlii, col. 1068. Cette justice est de Dieu, parce qu’elle est donnée par lui, mais elle est nôtre parce qu’elle est en nous. De gratia Christi, c. xiii, P. L.. l.xi.iv, col. 367. Le docteur Pohle, Lehrbuch der Dogmatik, Paderborn, 1011, t. il, p. 546 sq., indique les principaux textes de saint Augustin et en conclut qu’ils établissent que la grâce sanctifiante est la cause formelle de notre justification. Saint Augustin enseigne aussi que le Saint-Esprit habile dans les enfants baptisés, bien qu’ils ne le sachent pas. Epist., c.i.xxxvii, n. 26, P. L., t. xxxiii, col. 841.

3° Les scolasliques supposent l’existence de la grâce admise comme un dogme de foi ; ils en recherchent surtout la réalité : ils établissent qu’elle est une chose créée, infuse dans l’âme humaine, surnaturelle ; cette notion d’une grâce qui informe l’âme a été mise en lumière, d’abord par Alexandre de Haies d’après Heim, Das