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GRACE

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œuvres que nous vient le salut, il dépend de la volonté de Dieu par Jésus-Christ. Ad Phil., i, 3. Dans les chapitres suivants, il exhorte vivement les Philippiens à l’exercice des vertus, mais c’est à Dieu qu’il attribue le repentir et l’accroissement des vertus, xi, xii.

L’Épître de Barnabe dit que c’est à la mort du Seigneur que nous devons la rémission des péchés, ꝟ. 1, cette rémission des péchés est une rénovation intérieure de l’âme ; le Seigneur nous y donne une autre empreinte, comme s’il nous créait à nouveau, vi, 11 ; alors nous sommes créés à nouveau de fond en comble : c’est ainsi que Dieu habite réellement en nous, en notre intérieur, xvi, 8. Suit la description des effets salutaires de l’habitation de Dieu en nous. Au commencement de sa lettre, l’auteur attribue à l’intensité de la grâce la perfection de ceux auxquels il s’adresse : « Je me réjouis plus que tout autre chose et au delà de toute mesure de votre vie spirituelle, bienheureuse et illustre, tant est bien implantée la grâce du don spirituel que vous avez reçu, » i, 2.

Ces textes permettent de conclure que leurs auteurs ont la conviction suivante : l’homme devient saint dépendamment de l’influence de la mort de Jésus-Christ ; cette influence efface les péchés et rend juste. Cette justification est une rénovation intérieure ; elle fait habiter Dieu en l’âme et donne à celle-ci une activité nouvelle. C’est la grâce, considérée en général ; elle est, en effet, intérieure, comme il est évident, et, en réalité, surnaturelle, car elle est bien distincte de l’influence que Dieu, comme créateur, exerce à l’égard de toute créature ; elle met l’âme en communication spéciale et directe avec Dieu, en lui conférant une vie nouvelle, caractérisée en ce qu’elle est une participation à la vie divine ; la grâce est donc une réalité surajoutée à la nature humaine, une réalité qui surpasse celle-ci et l’élève au-dessus d’elle-même.

2. Cette même conviction est exprimée et expliquée par les Pères des siècles suivants. Selon saint frénée, le Christ nous a rachetés par son sang : il a donné son âme pour notre âme, sa chair pour notre chair : en répandant sur nous l’Esprit-Saint, il a rétabli l’union entre l’homme et Dieu ; il a fait descendre Dieu vers l’homme par l’Esprit. Conl. hær., 1. V, c. i, P. G., t. vu, col. 1121. C’est par l’effusion du Saint-Esprit que l’homme est rendu spirituel et parfait, qu’il acquiert la similitude (distincte de l’image naturelle) avec Dieu, qu’il devient le temple de Dieu, c. VI, col. 1137 sq. ; cette influence de l’Esprit est intime et de sa nature permanente, de telle sorte que l’homme parfait se compose de trois éléments : le corps, l’âme et l’Esprit. Loc cit. L’âme, docile au Saint-Esprit, le garde, est purifiée par lui et élevée à la vie de Dieu ; l’âme, au contraire, qui cède aux appétits charnels, perd l’Esprit, c. ix, col. 1144 sq. La similitude avec Dieu est ce que nous avons perdus en Adam, 1. III, c. xviii, col. 932. C’est pourquoi nous avons besoin de renaître par le baptême, 1. V, c. xv, col. 1166 ; tous peuvent être sauvés parce que tous peuvent, par le baptême, renaître en Dieu, les enfants, les jeunes gens et les vieillards, 1. II, c. xxii, col. 784. Assertion remarquable, qui exprime la conviction que le baptême produit son effet surnaturel, même dans les enfants, et par conséquent, indépendamment d’actes du sujet qui reçoit le sacrement.

Clément d’Alexandrie enseigne aussi la renaissance spirituelle par le baptême, où l’on devient fils adoptif de Dieu ; l’habitation du Saint-Esprit dans l’âme du juste ; la similitude divine (distincte de l’image), similitude donnée par une qualité mystérieuse, inhérente à l’âme ; la nécessité de la grâce dans l’ordre du salut. Voir Clément d’Alexandrie, t. iii, col. 171 sq., 174 sq.

Origène prouve aussi l’existence de la grâce : la

sainteté est une grâce, une participation du Saint-Esprit. De principiis, 1. I, c. i, n. 3, P G. t. xi, col. 122 ; In Epist. ad Rom., I. V, n. 3, P. G., t. xiv, col. 1038. Quant à l’exercice de la perfection, il est une œuvre commune au secours de Dieu et au libre arbitre : il faut à l’homme une force divine pour qu’il puisse être honnête et persévérer dans le bien. De principiis, 1. III, c. i, n. 1, 18, 22, P. G., t. xi, col. 249, 289 sq., 301 sq. Origène ne dit rien sur la nature de ce secours divin, mais il parle de l’influence spéciale que Dieu exerce en vue du salut, influence attestée par différents textes de l’Écriture sainte ; cette influence laisse intacte la liberté : c’est la thèse que défend Origène.

Tertullien « signale, d’après les expressions mêmes de la Genèse, une double ressemblance de l’homme avec Dieu, une ressemblance de nature (ad imaginem Dci) et une ressemblance de grâce (ad simililudinem ejus). La première est indélébile, la seconde, ruinée par le péché originel, peut revivre par le baptême : le sacrement rend à l’âme l’Esprit-Saint, principe de cette ressemblance. » De baptismo, c. v. Cf. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 264. A propos du texte : DU estis, Ps. lxxxi, 6, Tertullien montre dans la vie de la grâce une participation de la créature à la vie divine. Advcrsus Hermogenem, c. v. A. d’Alès, op. cit., p. 263 ; cf. p. 326 sq. Tertullien enseigne aussi l’influence de la grâce sur le libre arbitre. Op. cit., p. 268 sq.

Saint Cyprien, sans s’arrêter à exposer une doctrine sur la grâce, en atteste cependant l’existence : il enseigne notamment cjue le baptême donne à l’homme une nouvelle naissance, une transformation complète ; qu’alors l’homme commence à appartenir à Dieu et à être animé par le Saint-Esprit. Ad Donalum, n. 4, P. L., t. iv, col. 200. Les enfants aussi peuvent et doivent être baptisés, parce que l’on ne peut priver aucun homme de la grâce de Dieu. Epist., lix, P. L., t. iii, col. 1015.

La doctrine de saint Athanase a été exposée à l’art. Athanase, t. i, col. 2174. Remarquons que saint Athanase dit qu’Adam, après avoir perdu, par son péché, les dons reçus, fut réduit à sa condition naturelle, col. 2168.

Saint Basile a sur la grâce sanctifiante et surnaturelle une doctrine qui mérite d’être signalée. L’Esprit-Saint a comme propriété personnelle d’être la puissance sanctificatrice. Epist., ccxxxvi, n. 6, P. G., t. xxxii, col. 884. Les trois personnes divines sont saintes par nature ; les anges ne le deviennent que par participation de l’Esprit. Cette sainteté, communiquée du dehors, est un accident, distinct de la nature, peut se perdre, bien qu’elle soit intimement unie à l’être. Advcrsus Eunomium, 1. III, n. 2-3, P. G., t. xxix, col. 657 sq. La même assertion doit s’entendre de toute créature : aucune n’est sainte par nature, elle ne le devient que par participation. Epist., clix, P. G., t. xxxii, col. 621. Les anges ont reçu leur nature par le Verbe ; leur sainteté y a été ajoutée par le Saint-Esprit. Ce n’est pas par l’exercice progressif des vertus que les anges sont devenus dignes de recevoir le Saint-Esprit, mais c’est par un don gratuit qu’ils ont reçu la sainteté, un don ajouté à leur nature, au moment même de leur création, et pénétrant leur être ; c’est pourquoi ils ne peuvent que difficilement pécher. In ps. xxxii, n. 4, P. G., t. xxix, col. 333. C’est par un acte volontaire et libre que les anges sont déchus de la condition dans laquelle ils avaient été crées. Homil. quod Deus non est causa malorum, n. 8, P. G., t. xxxi, col. 345. C’est aussi par l’abus de sa liberté que le premier homme est déchu de son état, qu’il a été soumis aux maladies et à la mort. Op. cit., col. 344. Adam a transmis aux autres le péché. Homil. dicta tempore famis et siccitalis, n. 7, P. G., t. xxxi, col. 324. Les hommes se sauvent en