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de Crimée, qu’il n"avait pas encore reçu l’autorisation de quitter, au commencement de 1914.

L’exaspération des Géorgiens fut à son comble quand ils virent sombrer l’espoir trop naïvement conçu d’une autonomie à la fois politique et religieuse. L’action énergique des partis révolutionnaires amena bientôt des faits très graves. L’exarque Nicon fut assassiné en 1908 ; le meurtrier, arrêté peu de temps après, réussit à s’enfuir avec la connivence de la population et à faire disparaître toutes les pièces du procès. Le saint-synode attendit deux ans que les esprits fussent un peu calmés pour donner unsuccesseurà Nicon. L’exarque Innocent, nommé en 1910, mourut subitement en septembre 1913 et fut remplacé dès le mois d’octobre suivant par Mgr Alexis, évêque de Tobolsk. De 1905 à 1914, plus de 30 000 Géorgiens ont été condamnés pour crimes politiques. C’est dire que la répression russe a été terrible.

XVI. Situation actuelle. — Le règlement de 1818 a subi divers remaniements, qui ne présentent pas grand intérêt. L’organisation fondamentale est restée la même. L'Église géorgienne est gouvernée par un exarque soumis directement au saint-synode de Pétersbourg et assisté d’un bureau synodal dont il est le président de droit. Ce bureau comprend ordinairement cinq membres, dont un évêque, trois archimandrites et un archiprêtre. L’exarque, qui réside à Tiflis, porte les titres de Karthlie et Kakhétie, administra personnellement l'éparchie de Géorgie et a la haute surveillance sur les trois autres diocèses qui font partie de l’exarchat. Il est de droit membre du saintsynode russe. L'éparchie d’Imérétie (siège à Koutaïs), l'éparchie de Gourie-Mingrélie (siège à Potpet l'éparchie de Soukhoum (siège à Souhkoum-Kalé) sont les seuls diocèses suffragants de l’exarque. On a parlé dernièrement de distraire de l’exarchat l'éparchie de Soukhoum, jugée assez russifiée, pour en faire un diocèse autonome, mais ce n’est là qu’un projet, de sorte qu’aujourd’hui encore l’exarque de Géorgie étend sa juridiction sur le territoire des six provinces ou gouvernements civils de Tiflis, Bakou, Erivan, Elisabethpol, Koutaïs et de la mer Noire. C’est à lui que revient la haute direction des établissements ecclésiastiques, à lui qu’appartient de régler, soit par lui-même, soit par un recours au saint-synode et à son procureur général, les conflits qui surgissent entre le haut et le bas clergé ou parmi le personnel des établissements ecclésiastiques. Notons aussi que l'évêque russe de Bakou, bien que son diocèse ne soit pas géorgien, prend une part active au gouvernement de l’exarchat. Il assiste souvent aux délibérations du bureau synodal, et c’est lui cjui remplace l’exarque, en cas d’absence ou de mort. Comme dans les autres diocèses de la Russie, on trouve dans l’exarchat géorgien, à côté des évêques proprement dits qui administrent un diocèse, plusieurs évêquesvicaires. L'éparchie de Géorgie (Karthlie-Kakhétie) en compte deux, dont l’un porte le titre de Gori, et l’autre celui d’Allaverdi. Ils aident l’exarque dans le gouvernement de son vaste diocèse. Par contre, les éparchies géorgiennes ne possèdent pas de consistoires ; ils sont remplacés par des chancelleries. A ces particularités près, l’administration de ces diocèses est calquée sur celle des autres diocèses de l’empire russe.

Deux séminaires, celui de Tiflis et celui de Koutaïs, pourvoient au recrutement du clergé. Le séminaire de Tiflis, fondé en 1817 par l’exarque Théophylacte Roussanov, comptait, en 1902, 177 élèves, dont 52 n’appartenaient pas à la caste sacerdotale. Celui de Koutaïs ne date que de 1894. Il a spécialement pour but de fournir des vocations ecclésiastiques à la Géorgie occidentale. Il comptait, en 1902, 206 élèves, dont 58 n’appartenaient pas à la caste sacerdotale. Il faut noter cette proportion de 28, 7 0/0 de jeunes gens dont

les parents ne sont point membres du clergé ; dans le reste de la Russie elle est infiniment moindre. En dehors des séminaires, il y a dans l’exarchat six écoles diocésaines de garçons et deux écoles diocésaines de filles pour l’instruction des enfants des familles cléricales.

Les monastères existants sont au nombre de 34, dont 27 d’hommes et 7 de femmes. Ils remontent pour la plupart à une haute antiquité, ainsi que nous l’avons vu précédemment. Établis loin de toute habitation, et d’accès peu facile, ils ne voient point affluer les aumônes des dévots pèlerins et végètent dans une pauvreté voisine de la misère. Citons parmi les principaux : 1° le monastère de moniales de Bodbissi, fondé au xiie siècle, près du tombeau de sainte Nino, apôtre de la Géorgie ; plusieurs fois détruit et relevé, ce monastère ne remonte, dans sa forme actuelle, qu'à 1889 ; 2° le monastère d’hommes de Gaétat, en Imérétie, qui date du commencement du xii c siècle ; 3° le monastère d’hommes de Saint-David Carédjéli, à Garédja, dans le voisinage de Tiflis, fondé au vie siècle par un des missionnaires venus de Syrie ; il fut pendant longtemps un centre monastique très important, qui faisait la loi à onze autres couvents disséminés dans les environs ; il conserve les tombeaux du fondateur saint David, et de son disciple, saint Dido ; 4° le monastère d’hommes de Kvarbtakct, placé sous le vocable de l’Assomption, fondé au xe ou au xii c siècle dans les environs de Gori ; 5° le monastère de femmes de Mtzkhet-Samtavro, consacré à sainte Nino, et dont l'église remonterait, s’il fallait en croire les traditions locales, aux origines mêmes du christianisme en Géorgie ; cette église servit de cathédrale aux archevêques de Samtavro jusqu’en 1811 ; 6° le monastère de la Transfiguration établi à Tiflis, où les moines dirigent une école paroissiale ; 7° le monastère de Bidchvinto près de Soukhoum-Kalé, que les Russes appellent le « Nouvel Athos. »

En 1900, le personnel monastique comptait 1 379 membres, dont 1 098 moines dans 27 couvents, et 281 moniales, novices en majorité, dans 7 monastères. Les Géorgiens ne sont pas les seuls à peupler les 34 couvents de leur pays. Les Russes en occupent un certain nombre et forment même la majorité de la population monastique. Les Géorgiens perdent de plus en plus le goût de la vie religieuse pour se lancer dans les intrigues politiques. Pendant la période révolutionnaire qui agita le pays de 1904 à 1910, les moines géorgiens maniaient, dit-on, plus volontiers la bombe que le psautier. En tout cas, par haine de race, Russes et Géorgiens habitent des monastères séparés. Le couvent de Bodbissi, qui renferme le tombeau de sainte Nino, est depuis vingt-cinq ans entre les mains des Russes qui en ont fait sauter la vieille église à la dynamite en 1889 pour en rebâtir une nouvelle qui ne rappelât en rien le glorieux passé de ce couvent. Cet acte de vandalisme a justement irrité les Géorgiens.

Quant au clergé séculier ou clergé blanc, il comprenait, en 1900, 62 archiprêtres, 1 647 prêtres, 231 diacres, 1 805 clercs inférieurs, ayant tous un poste fixe, et 3 archiprêtres, 68 prêtres, 8 diacres, et 17 clercs inférieurs, en disponibilité. Les Russes entraient dans ces différents nombres dans la proportion d’un tiers environ. Cependant, ils ont une tendance marquée à s’attribuer les postes les plus importants. Le nombre des paroisses était de 1527, celui des églises de 2 455, celui des chapelles privées de 9. La population orthodoxe montait à 1 278 487 âmes, en immense majorité de race géorgienne, ainsi réparties : 374 405 dans l'éparchie de Géorgie (Karthlie-Kakhétie), 478 290 dans celle d’Imérétie, 321 952 dans celle de GourieMingrélie, 103 750 dans celle de Soukhoum. Les sectes étaient représentées par 50 000 membres, à peu près