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GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE


638, 642. Ils ne craignirent pas d’y affirmer hautement cette énormité, qu’ils n’avaient osé qu’insinuer au concile de Constantinople, à savoir : que les Parcs ont accordé au siège de l’ancienne Rome les privilèges de la primauté, parce que cette ville était la ville impériale : Kaî yào Ttii Oprjvo) -fj ; ^psaSuispa ; ’Pwjatjç, oià to BaaiXeûeiv tt)v zôXw èy.eivr[v, oî -n-épi ; àr.rjùiOiMavi. Ta -oîjSîix. Il était donc logique que, pour le même motif, la nouvelle Rome, honorée par la résidence de l’empereur, du sénat et des grands dignitaires de l’empire, et jouissant des mêmes privilèges politiques que l’ancienne ville impériale, reçût les mêmes avantages dans l’ordre ecclésiastique. Ainsi ce n’est pas à saint Pierre qu’ils attribuaient d’avoir placé le siège du souverain pontificat dans la ville de Rome, mais aux Pères. Lesquels ? ils ne le disaient pas. Or, ou bien ces Pères étaient considérés en cela comme les témoins de la tradition apostolique et divine et, alors, on ne pouvait étendre à Constantinople les privilèges spirituels qu’ils reconnaissaient à l’ancienne Rome ; ou bien, ils avaient agi par eux-mêmes, de leur propre autorité, par un consentement commun ; mais alors, avant qu’ils eussent attribué à Rome les privilèges de la primauté, elle ne les aurait pas eus. Où donc, avant cette concession des Pères, résidait le chef de l’Église, d’après les grecs ? Était-elle acéphale ? Fut-elle une république avant de devenir une monarchie ? Et si les Pères, dont il est ici question, furent les apôtres eux-mêmes, il est impossible de s’appuyer sur leur autorité pour formuler quelque chose de semblable à l’égard de Constantinople dont l’Église n’est pas de fondation apostolique, vérité historique tellement certaine à l’époque du concile de Chalcédoine, que les grecs pour soutenir leur prétention n’osèrent pas invoquer le fait de la présence d’un apôtre à Byzance, au I er siècle de l’ère chrétienne, mais seulement celui de la présence de l’empereur, depuis Constantin, c’est-à-dire trois siècles plus tard. Affirmer aussi catégoriquement que Rome est redevable de sa situation ecclésiastique à son caractère de capitale de l’empire, c’est se mettre en contradiction avec la vérité historique. On ne trouve, dans les écrits des apôtres, rien qui justifie cette manière de voir. La tradition aussi est muette sur ce point, et le I er concile général, celui de Nicée, en 325, n’a pas donné les prérogatives de la primauté au siège de Rome, mais déclare, dans son 6e canon, qu’il a trouvé déjà établie, durant les siècles précédents, cette situation privilégiée de la ville de Rome. Cf. Mansi, t. ii, col. 668, 687, 955, 1127 ; Hardouin, 1. 1, col. 325, 463, 919 ; Maassen, Der Primai des Bischofs von Rom…, p. 71, 76 sq., 90-95, 140.

Ce sentiment des grecs que ! e rang d’un évêque dans la hiérarchie sacrée devait être fixé, selon l’importance, au point de vue civil, de la ville où est son siège, fut réprouvé par le pape saint Léon le Grand, auquel il appartenait d’approuver les canons du concile de Chalcédoine. Dans sa lettre, il fit remarquer la profonde différence qui existe entre ce qui est du monde et ce qui est de Dieu : alia ratio est rerum sœcularium, alia diuinarum. Il rappelle nettement que ce qui assure à une ville un rang élevé dans la hiérarchie ecclésiastique n’est pas la présence d’un prince séculier, mais l’origine apostolique d’une Église, sa fondation par les apôtres, et le rang dans lequel eux-mêmes ont voulu l’établir. Episl., civ, n. 3, P. L., t. liv, col. 995. Or, dit le même pape à l’empereur Marcien, l’évêque de Constantinople ne peut pas faire que cette ville, résidence impériale, soit de fondation apostolique : regiam civilalem apostolicam non potest lacère sedem. Epist., cv. Cf. Mansi, t. vi, col. 187 sq. ; Epist., evi, n. 2, P. I -, t liv, col. 1003.

Il est certain que les apôtres avaient fondé des églises de préférence dans les villes les plus considérables, afin qu’elles constituassent comme des centres, d’où le chris tianisme pourrait plus facilement rayonner. C’est ainsi qu’il arriva que, de fait, les métropoles ecclésiastiques furent, d’ordinaire, établies dans les métropoles civiles ; mais il n’y avait là qu’une concomitance et nullement une relation de cause à effet. Ces sièges épiscopaux furent donc des métropoles ecclésiastiques, non parce qu’ils se trouvaient dans des villes importantes, mais parce que les apôtres, pour des raisons d’utilité, les avaient placés là. C’est ce que note avec soin saint Cyprien, dans une de ses lettres rapportée par Mansi, t. iii, col. 40 : Roma est Ecclesia principalis, quia est cathedra Pétri. Le concile de Sardique s’exprime de même : Ad capul, id est ad sedem Pétri, de singulis quibusque provinciis Domini référant sacerdoles. Hardouin, Collectio conciliorum, t. i, col. 653. Saint Augustin, en divers endroits, rappelle la même vérité. Contra lilleras Peliliani, c. li, P. L., t. xliii, col. 300 ; Epist., clxii, n. 7, P. L., t. xxxiii, col. 707. Le pape Pelage I er, dans sa lettre Ad episcopos Tusciee, en 556, expose, à son tour, le même principe. Cf. Mansi, t. ix, col. 716.

Cependant le 28e canon du IV concile de Chalcédoine, ainsi subrepticement voté, avait provoqué une dernière session, la xvi e. Mansi, t. vii, col. 423-454 ; Hardouin, t. ii, col. 623-644. Les légats du Saint-Siège y protestèrent contre ce qui avait été tramé en leur absence. Néanmoins, sous la pression des commissaires impériaux, ce 28e canon qui portait si gravement atteinte aux droits inaliénables de la chaire de saint Pierre, fut maintenu par le servilisme des évêques grecs encore présents ; plusieurs, en effet, étaient déjà partis. Le pape saint Léon le Grand, par lequel on chercha à le faire confirmer, non seulement ne l’approuva pas, mais le rejeta formellement, et le cassa, en vertu de l’autorité du prince des apôtres, comme il le dit dans sa lettre à l’empereur Marcien citée plus haut, dans celle à l’impératrice Pulchérie, dans celles à l’évêque de Constantinople lui-même et à plusieurs autres évêques d’Orient. Cf. Mansi, t. vi, col. 195 sq., 198 sq., 207, 220, 234 sq.

L’absence des légats du pape et le refus de confirmation de la part du souverain pontife furent la cause que ce 28e canon fut considéré comme non avenu, et manque dans beaucoup de manuscrits des procèsverbaux des sessions du concile de Chalcédoine, soit latins, soit même grecs, soit arabes. Ils ne renferment que les 27 premiers canons. Cf. Mansi, t. vi, col. 1169 ; t. vii, col. 370, 380, 400 ; Hergenrôther, Pholius Patriarch von Conslanlinopcl, 3 in-8, Ratisbonne, 1867-1869, t. i, p. 74 sq.

Malgré ces protestations de saint Léon le Grand, ainsi que celles de plusieurs de ses successeurs, les papes Simplicius, Félix III et saint Gélase, les évêques de Constantinople, soutenus par les empereurs, ne cessèrent d’exercer les prétendus droits que leur conférait ce 28e canon. Ils allèrent même plus loin dans leurs visées ambitieuses. Au temps du pape Pelage II et de son successeur saint Grégoire le Grand, à la fin du vie siècle et au commencement du viie, ils s’attribuèrent le titre de patriarche œcuménique, non dans un sens restreint, comme on le trouve parfois déjà dans les manuscrits antérieurs, mais en étendant la portée de cette expression, au point qu’elle signifiait patriarche de l’Église universelle, de même que les conciles œcuméniques représentent la totalité des évêques du monde entier. Leur prétention effrénée força le pape saint Grégoire le Grand à écrire, à intervalles rapprochés, de nombreuses lettres sur ce sujet, soit à Jean, évêque de Constantinople, soit à l’empereur Marcien, soit à l’impératrice Constance et aux autres métropolitains de l’Orient. Cf. P. L., t. lxxvii, col. 758, 962, 995, 1047, etc.

Pour réprimer cette ambition démesurée de l’évêque de Constantinople, saint Grégoire le Grand refusa ce

DICT. DE THÉOL. CAI’HOL.

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