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GOUDIN — GOUJET


e contra infallibilis cerlitudo præscientiæ fundatur in infallibilitate divinee virtutis et causalitatis. Hanc sententiam tolus prsedicatorum ordo ut germanam S. Au guslini et S. Thomæ semper amplexus est, et pro ea ut pro aris et focis contra oppositam semper pugnavit, ut merilo transfuga et proditor dominicanse doctrines dicatur, quisquis eam deserit. Eamdem esse calholicam doétrillant ab apostolo traditam etab Ecclesia deineeps contra pelagianum errorem de/ensam omnino eensemus ; et licet opposilum nulla hwreseos nota inuramus, ne sedis apostolicæ nondum propalatum contra eam judicium anteverlamus, nulhdenus tamen cum doctrina graliauli a S. Auguslino, et a pontifïcibus, ci a conciliis contra pelagianos explicala est, posse cohærcre, arbitramur. Assurément, par une déclaration si nette d’orthodoxie thomiste, nous ne voyons pas en quoi Goudin aurait apporté un adoucissement à la doctrine communément reçue dans l’école. Il est ici aussi ferme cpie n’importe quel champion des congrégations De auxiliis. Il n’y a pas trace dans le traité de la grâce de Goudin, tel que nous pouvons le lire, je ne dis pas d’une autre explication de l’eflicacité de la grâce divine en dehors de la toute-puissance de Dieu, ce qui serait assurément très grave de la part d’un thomiste, mais même une allusion à d’autres moyens qu’aurait Dieu, en plus de sa toute-puissance, d’assurer en nous l’efficacité de sa grâce. Avouons-le sincèrement, le traité de la grâce lu par Richard Simon ne paraît point être absolument celui que nous avons sous les yeux. Bien loin d’ailleurs d’obtempérer â l’invitation de son ami d’atténuer la rigueur de sa théorie de la prémotion ou prédestination physique, Goudin l’affirme à chaque page et la donne comme le principe même de l’efficacité de la grâce. En effet, p. 306, après avoir énuméré les différentes explications de l’efficacité de la grâce et en avoir fait ressortir l’insuffisance, il en vient à l’explication thomiste : Quinlus modus graliæ cfjlcaciam in præmolione physica polissimurn reponit. Hune communiter tend schola thomistica… Atque ex ea nolione physica’prœmotionis (quam ctium in ordine supcrnaturali locum indubilatum esse débet, vel sallem hic supponimus ex alibi diclis), jam facile intelligitur, eam non immerito adhiberi ad explicandam divinæ graliæ efjicaciam… Ainsi donc des deux points signalés par Richard Simon, sur lesquels Goudin aurait adouci la doctrine communément reçue chez les thomistes, nul ne paraît établi, d’après le texte que nous possédons. Inutile de dire que les autres remarques de la lettre ne se trouvent non plus vérifiées dans l’ouvrage de Goudin. Ainsi, Richard Simon félicitait Goudin d’avoir bien voulu adoucir quelques sentiments durs des thomistes sur la prédestination. .. Ici encore les propositions établies par Goudin, telles du moins qu’elles nous ont été transmises, n’offrent aucun « adoucissement » de la théorie thomiste visée par Richard Simon. En effet, Goudin y soutient nettement les deux propositions suivantes : 1° Prædeslinatio sumpta pro œterno Dci proposilo, quo aliquos prie aliis clegil ad gloriam certissime perducendos non csl ex aliquibus meritis aul alio motivo ex parte creaturæ præviso, sed ex graluita Dei misericordia, illos præ aliis specialius dilectos eligentis. Tractatus theol., t. i, p. 303. 2° Gloria et gredia in dccrelo prædeslinationis ita disponuntur, ut Deus primo gratis quibusdam præ aliis gloriam efficaciter dandam voluerit ; deinde vero ex illa intentionc ipsis média ad gloriam rerlo perducentia prœparaverit : unde prædeslinatio etiam ad gloriam fuit. Ibid., p. 315.

Que conclure de tout cela ? Pour quiconque est tant soit peu familiarisé avec l’histoire de la théologie de cette époque, fort mal connue d’ailleurs, il n’y a rien là qui doive surprendre beaucoup. Nous pouvons fort bien admettre que le P. Goudin ait pu avoir quelques opinions particulières à rencontre dç celles régnantes

dans l’école thomiste, qu’il les ait exposées dans sa théologie ; à l’examen, après sa mort, ces opinions auront été corrigées et éliminées avec soin de ses manuscrits et c’est ainsi que ses traités de théologie ont pu paraître. Tels quels, ils sont du thomisme le plus orthodoxe et ne pourraient en aucune façon attirer à l’auteur la lettre qui a donné lieu à l’examen que nous venons de faire. Nous pourrions peut-être avancer que Goudin corrigea lui-même le texte de sa théologie et que c’est vraiment sa pensée intacte qui se trouve encore exprimée dans ses traités. A cela il y a bien quelques objections sérieuses, les voici : la lettre de Richard Simon est de l’année même de la mort de Goudin et tout nous porte à croire qu’elle est de l’été de 1695 ; or nous nous rappelons que Goudin mourut le 25 octobre de la même année. De plus, la façon dont parle Echard montre assez que sa théologie n’offrait point toute garantie au point de vue thomiste. L’explication des corrections posthumes nous paraît plus fondée. Ramenés ainsi dans les limites du plus pur thomisme, les traités théologiques de Goudin méritaient assurément les louanges qu’on lui décernait dans les différentes approbations, mises en tête de l’édition de 1723. Parmi les raisons qu’il donne, dans son épître dédicatoire, d’avoir placé cet ouvrage sous le patronage du général de l’ordre lui-même, l’éditeur signale celle d’avoir voulu protéger la mémoire de Goudin contre ses détracteurs, contre les minus œquos rcrum œstimalores, qui injurie carpunt quod non capiunt… De même, dans l’approbalio terlia, datée de Cologne, 23 mars 1723, les docteurs faisaient de l’œuvre de Goudin cette apologie, dont le sens désormais nous est connu : … nunc jure meritissimo in lueem prodeunt tractatus de scientia et voluntate Dei, de abseonditis mysleriis prii’destinationis, reprobationis et graliæ, ab hoc viro per omnia eximio compositi, ex quorum studiosa lectionc nobiscum, etiam invitas, agnosces et faleberis super cum vere requievisse spiritum sancti Thomæ Aquinalis docloris angelici, a quo ne vel ad apieem recessit, sed quoi ponit eonclusiones, tot refert probutque dogmala angelica, loi steduit fidei catholicæ propugnacula, lot opponil hæresi elypeos thomislicos, etc.

Ainsi se trouve, pensons-nous, soulevé et élucidé un point d’histoire qui n’est pas sans intérêt. Seule la découverte des manuscrits originaux des traités de Goudin ou quelque relation faite à Rome sur cet ouvrage pourrait nous donner pleine satisfaction.

Echard, Scriplores ord. prwd., Paris, 1719-1721, t. il, p. 740 ; Lettres choisies de M. Simon, Amsterdam, 1730, t. IV, p. 228-236 ; L. Bertrand, Vie, écrits et correspondance littéraire de Laurent Josse Le Clerc, Paris, 1878. p. 87 (il ne cite qu’une phrase relative à Goudin extraite de la lettre (l’Echard ; texte complet d’après Bibliothèque nationale, fonds français [Bouhier], n. 24411, p. 20) ; Nécrologe de Saint-Jacques de Paris, ms. (Arch. gén. de l’ordre), p. 324 ; Beg. des maîtres généraux de l’ordre (ibid.) ; Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1910, t. iv, col. 320 ; citant Der Katholik, 1857, t. ii, p. 426, et Scheeben, 1. VI, n. 18.

R. Coulox.

    1. GOUJET Claude-Pierre##


GOUJET Claude-Pierre, érudit, né â Paris, le 19 octobre 1097, mort dans cette même ville le 1 er février 1767. Il fit ses premières études chez les jésuites et au collège Mazarin. Il entra ensuite chez les Pères de l’Oratoire, où il resta peu, et obtint en septembre 1720 un canonicat à SaintJacques-l’Hôpital. Très attaché aux doctrines jansénistes, il se montre en toutes circonstances l’adversaire des jésuites. Membre de plusieurs académies de province, l’abbé Goujet a beaucoup écrit et sur des sujets bien divers. Parmi ses nombreux ouvrages, nous mentionnerons : Traité de la vérité de la religion chrétienne, traduit du latin de Grotius avec des remarques, in-12, Paris, 1724 ; Vie de Rufin, prêtre de l’église d’Aquilée, par dom Gervaise, refondue par l’abbé Goujet, 2 in-12, Paris,